Le pape François donne des migraines à son responsable de la communication, le Père Federico Lombardi. J’avais déjà signalé les énormités de la contradiction entre les actes et paroles pour le moins hétérodoxes du pape et les tentatives de rattrapage du Père Lombardi. Interrogé par l’athée Eugenio Scalfari, fondateur du quotidien La Republica, le pape François avait notamment déclaré :
« Chacun à sa propre conception du Bien et du Mal et chacun doit choisir et suivre le Bien et combattre le Mal selon l’idée qu’il s’en fait. »
Le père Lombardi avait alors tempêté : ces propos rapportés par Eugenio Scalfari auraient été le fruit de l’interprétation du journaliste même s’il dût concéder que l’article était « digne de foi dans son sens général». Toutes les anecdotes de cette interview sont à relire ici.
Mais, après avoir quasiment fait passer Eugenio Scalfari pour un affabulateur, voici que le pape François remet ça ! Et qui plus est avec le même Eugenio Scalfari ! Selon la traduction donnée par Jeanne Smits, le pape affirme notamment :
« La conscience est libre. Si elle choisit le mal parce qu’elle est sûre qu’il fera descendre un bien du haut des cieux, ces intentions et leurs conséquences seront prises en compte. Nous, nous ne pouvons en dire davantage parce que nous n’en savons pas plus. La loi du Seigneur, il appartient au Seigneur de l’établir et non aux créatures. (…) Il faudrait examiner à fond les livres sapientiaux de la Bible, et l’Evangile quand il parle de Judas Iscariote. Ce sont des thèmes de fond de notre théologie. »
Cette fois-ci on nous apprend donc que la fin justifie les moyens, puisque voulant un bien, une personne choisissant un moyen mauvais, ne se voit pas condamnée. Pourtant, pas besoin d’examiner à fond les livres sapientiaux de la Bible, les éléments les plus fondamentaux de la doctrine affirment sans ambiguïté qu’un acte utilisant un moyen mauvais même pour atteindre une fin bonne est immoral.
Quant à Judas Iscariote, dont le pape semble ignorer le destin et qui livra le Christ pour trente pièces d’argent, les Pères de l’Eglise sont unanimes même si cet avis n’en fait pas une certitude : Judas se serait damné. Et la damnation est éternelle. C’est sans doute pourquoi le Christ affirma au sujet de Judas : « Malheur à cet homme par qui le Fils de l’homme est livré ! Mieux eût valu pour lui qu’il ne fût pas né ». Qu’est-ce qui peut justifier dans le bouche de Celui qui donne la Vie une parole si terrible hormis la connaissance de la damnation ? Il faut rappeler par ailleurs que la damnation de Judas ne vient pas du fait d’avoir livré le Christ, mais d’avoir refusé le pardon que le Sauveur lui offrait pour cet acte si grave. Judas s’est damné par refus de la miséricorde et du pardon proposés par le Sauveur.
Dans cette interview, Eugenio Scalfari, bien connu pour son opposition à l’Eglise, jette le chiffre de 2% de pédophiles dans l’Eglise. Et le pape d’y donner du crédit :
« Ce chiffre devrait me tranquilliser mais je dois dire qu’il ne le fait pas complètement. Je pense même qu’il est très grave. Deux pourcents des pédophiles sont prêtres et même évêques et cardinaux. Et d’autres, encore plus nombreux, le savent mais se taisent, punissent mais sans donner le motif. Je trouve cet état de choses insoutenable et c’est mon intention de l’affronter avec toute la sévérité qu’il requiert. »
Eugenio Scalfari et le pape François ont-ils pu compter le nombre de pédophile dans l’Eglise ? Comment ose-t-on jeter en pâture toute une institution sur la base d’éléments aléatoires, et étant aléatoires, qui répandent le soupçon sur l’Eglise entière ?
Le scandale atteint le Vatican, et ces dernière sorties du pape François agacent plus que fortement, d’où l’exigence faite par le Père Lombardi de publier cette mise au point au journal La Republica en même temps que l’interview :
« La conversation est cordiale et très intéressante (…). Toutefois, comme cela s’est déjà produite dans une circonstance analogue, il faut faire remarquer que ce que Scalfari attribue au pape, rapportant ses propos “entre guillemets”, est le fruit de sa mémoire de journaliste expérimenté, mais non la transcription précise d’un enregistrement et encore moins de propos revus par l’intéressé, à qui ces affirmations sont attribuées. On ne peut ni on ne doit donc parler d’aucune façon d’une interview au sens habituel du terme, comme si elle rapportait une série de questions et de réponses qui respectent fidèlement et certainement la pensée précise de l’interlocuteur.
Si donc on peut retenir que dans l’ensemble, l’article rapporte le sens et l’esprit de la conversation entre le Saint-Père et Scalfari, il faut redire avec force ce qui avait déjà été dit à l’occasion d’une précédente “interview” publiée par La Repubblica : les différentes expressions citées, dans leur formulation rapportée, ne peuvent être attribuées avec certitude au pape.
Par exemple et en particulier, cela vaut pour deux affirmations qui ont beaucoup attiré l’attention et que l’on ne peut par contre attribuer au pape. Il s’agit de celle disant qu’il y a des “cardinaux” parmi les pédophiles, et du fait que le pape aurait affirmé certainement, à propos du célibat : “Les solutions, je les trouverai.”
Dans l’article publié par La Repubblica ces deux affirmations sont clairement attribuées au pape, mais – curieusement – les guillemets sont ouverts au début, mais ils ne sont pas fermés. Il manque tout simplement les guillemets de fermeture… Oubli, ou reconnaissance explicite de ce que l’on est en train de faire une manipulation en direction des lecteurs ingénus. »
Mais la langue de bois reste de mise. Et les pseudos mises au point ne trompent plus personne.
Ce que les gens retiendront, ce sont les paroles du pape, entre relativisme moral et doctrinal. L’Eglise elle, une fois de plus, en sort un peu plus souillée.
Xavier Celtillos
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