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La « Monarchie populiste » russe: Interview d’Igor Strelkov, le héros charismatique de la Novorossiya (Vidéo)

Intéressant préambule du Saker à l’interview d’Igor Strelkov sur la Monarchie populiste russe. On retrouve en filigrane cette pensée dans le discours de clôture de Vladimir Poutine au forum Valdaï 2014 , lorsqu’il affirme que chaque nation doit cultiver ses particularités et sa civilisation, qu’elle doit s’appuyer sur ses traditions et son patriotisme, tout en respectant ceux des autres pays. C’est en cela que le président russe avait déjà reproché dans son discours du Valdaï en 2013 à l’Occident de renoncer à ses racines chrétiennes. Ce souverainisme est très en vogue en Russie, il est une composante importante de la contre-révolution de la Russie contre la Révolution communiste. C’est ce nouvel ordre mondial, multipolaire, que Poutine promeut. C’est en cela qu’il s’oppose à la domination mondialiste, unipolaire des USA.

La pensée d’Igor Strelkov est profondément imprégnée de religion et de tradition. Le décor à la Télévision russe, d’une église en fond d’écran est très symbolique. C’est en tout cas une vision alternative du monde, assez méconnue en Occident, qui nous change de celle qui nous est pilonnée par tous les moyens chez nous. Ceci, alors que la France est actuellement paralysée et n’est plus capable d’offrir la vision d’une troisième voie.

Igor Strelkov bénéficie d’une grande aura en Russie. Il manifeste généralement un certain pessimisme dans ses déclarations. Il avait mis à la tête de ses troupes novorusses une bannière frappée de la Sainte Face

29 juin 2014. Igor Strelkov porte le drapeau qui vient d’être consacré.

Vous trouverez intégralement ci-dessous, l’article du 10 novembre 2014, paru sur le Vineyrard of the Saker:

  1. Le préambule sur la présentation du monarchisme populiste russe,
  2. la vidéo sous-titrée en français de l’interview d’Igor Strelkov et
  3. sa transcription.
  4. Des liens pour approfondir le sujet

E.D.

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Préambule

Comme il apparaît clairement, d’après vos commentaires [sur le site anglais du Saker], que la question de la monarchie russe intéresse un grand nombre d’entre vous, je pense que c’est ici l’occasion d’expliquer quelques points importants.

Le film que Strelkov et l’animateur Kroutov mentionnent au début de l’interview est consacré à un auteur russe très intéressant,  Ivan Solonevitch, qui fut l’idéologue en chef d’un mouvement originellement dénommé « les capitaines en second » (« Штабс Капитаны » ; le штабс-капитан constituait, dans l’armée impériale, un grade intermédiaire entre les grades de lieutenant поручик et de capitaine – капитан) mais qui devint plus tard connu sous le nom de « monarchistes populaires » (Народные монархисты), mouvement duquel j’ai moi-même été très proche toute ma vie (Alexandre Soljenitsyne et Ivan Solonevitch, avec Lev Tikhomirov et Ivan Iliine, ont été mes « Maîtres à penser » depuis des décennies) et que je connais très bien de l’intérieur. Comme je crois qu’en bien des aspects, Strelkov partage ces points de vue, je pense qu’il serait utile pour moi de résumer certaines de leurs idées clés. Je ne vous demande pas, j’insiste sur ce point, de souscrire à aucune de ces idées (mes propres points de vue ont également beaucoup évolué avec le temps), mais seulement à prendre conscience de ce qu’ils sont différents, et à quel point, de la conception occidentale du monarchisme.

1) Le monarchisme populaire (MP) est, en termes occidentaux, une forme *de gauche* du monarchisme, qui oppose la monarchie à l’aristocratie, non à la démocratie. Selon le point de vue du MP, l’histoire de la Russie est surtout celle de la lutte entre ces deux forces : d’un côté le monarque et le peuple (à la fois traditionaliste, orthodoxe et populiste), contre, de l’autre côté, les élites (vues comme modernistes, laïques et élitistes ).

2) Le MP affirme que la Russie est un empire par nature (par « dominante nationale », pour utiliser le terme de Solonevitch), mais il condamne catégoriquement le genre d’empire créé par le tsar Pierre Ier (que certains appellent « le Grand ») et s’y oppose. Le MP voit en Pierre Ier (et sa cour) l’incarnation du mal russophobe.

3) Le MP est une idéologie démocratique, affirmant que le monarchisme populaire est une *institution*, un *système* qui se doit d’inclure un Zemskii Sobor (une Assemblée de la terre russe) comme moyen d’expression de la volonté populaire, volonté que le monarque doit alors mettre en œuvre.

4) Le MP relève d’un positionnement de classe similaire au marxisme en ce qu’il voit l’aristocratie russe, en particulier celle de la cour, comme l’ennemi le plus dangereux du peuple russe. La seule forme d’aristocratie que le MP reconnaisse comme légitime est « l’aristocratie de service » qui, en termes modernes, recouvrirait celle des fonctionnaires et/ou de l’armée.

5) Ivan Solonevitch était lui-même un Biélorusse et il était très fier de ses racines, tout comme il était fier d’être issu d’une famille de paysans. Le MP soutient pleinement la diversité culturelle et nationale, mais s’oppose résolument au séparatisme nationaliste.

6) Le MP rejette la notion de valeurs universelles, et soutient que chaque nation et chaque civilisation produit ses propres valeurs et traditions ; dès lors, chaque nation et chaque civilisation doit être laissée libre de vivre selon lesdites valeurs et traditions.

7) Le MP recèle une tendance libertaire forte en tant qu’il voit les bureaucraties gouvernementales comme l’une des composantes les plus ineptes, les plus corrompues et les plus inutiles de la société. Il croit que les masses populaires (ouvriers et paysans) doivent être laissées libres de s’organiser par elles-mêmes, ce qui tout à la fois respecte la tradition russe de liberté et s’avère plus efficace en termes économiques.

Je vais arrêter ici. A ceux qui savent lire le russe, je recommande l’ouvrage principal de Solonevitch, « La monarchie populaire » (Народная Монархия), facile à trouver et à télécharger sur le Net.

Je tenais simplement à expliquer ici que « le monarchisme » de Strelkov a très peu à voir avec celui d’Elizabeth II d’Angleterre, d’Abdallah II de Jordanie ou de la Maison des Saoud, non plus qu’avec celui d’aucun de ces personnages désagréables que nous associons aujourd’hui généralement à la notion de monarchie. En outre, les points de vue de Solonevitch, qui a fui l’URSS en 1934 (plus tard, il écrivit le tout premier livre sur le Goulag), n’étaient pas bien connus pendant les années soviétiques (le KGB interdisait tous ses livres), mais depuis 1991, ils ont été redécouverts et ils sont maintenant très populaires dans les milieux souverainistes eurasiens.

 

Bonne vidéo, et salutations,

Le Saker

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Interview d’Igor Strelkov

Par Alexandre Nikolaevitch Kroutov, rédacteur en chef de la revue « Maison russe »,

le 29 octobre 2014

Russe, sous-titré en allemand, anglais et français

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=nTDMIWRWsmY]

TRANSCRIPTION DE L’INTERVIEW

Kroutov. Nous venons de visionner le film « Le dernier chevalier de l’Empire » [1], sur Ivan Solonevitch, qui était manifestement une personne talentueuse. Un homme qui a voué sa vie entière à la Russie, à sa patrie et à son peuple.

Dites-moi, selon vous, serait-il difficile d’être comme Solonevitch, de défendre sa nation, son peuple et son pays ?

Strelkov. Je suis amené à penser que c’est assez difficile même si, peut-être, pas autant que ce ne l’était à l’époque de Solonevitch. A tout le moins, être fidèle à la Russie n’exige plus de s’échapper d’un camp de concentration et de s’exiler. Aujourd’hui, on peut être patriote, trouver une manière de vivre et travailler pour le bien-être du pays, tout en restant ici. On ne doit plus craindre que, à tout moment, on puisse vous arrêter, vous emprisonner ou même vous aligner contre un mur et vous fusiller.

Kroutov. Selon vous, que réserve l’avenir à la Russie ?

Strelkov. La guerre. Non pas une guerre dans sa forme extrême, mais il faudra se battre littéralement l’arme à la main. Il n’y a pas de place pour le doute dans mon esprit, à ce sujet. On ne nous laissera pas en paix. Toute tentative de nous libérer du rôle qu’on nous a assigné, d’échapper à ce train infernal qui conduit le monde entier à la catastrophe et l’humanité à l’effondrement moral sera inéluctablement punie.

Kroutov. Pourquoi la Russie et sa population sont-elles si peu considérées ?

Strelkov. Précisément parce que nous essayons de sortir du rôle qu’ils nous ont imparti, d’être quelque chose d’autre. Disons que, malgré le chaos et les douleurs qui nous ont accablés au début de XXe siècle, nous avons mieux préservé que d’autres nations nos valeurs fondamentales. Ces valeurs sont avant tout des valeurs chrétiennes. Je considère que la Russie, malgré son passé de répression, est la seule grande nation chrétienne capable de ressusciter la Chrétienté. Pour une grande partie de la population, les valeurs chrétiennes continuent de jouer un rôle important dans leur vie. L’État le comprend et en est pleinement conscient.

Kroutov. Selon vous, l’Ouest n’aimerait pas la Russie parce que c’est un pays orthodoxe et parce que les Russes, qu’ils se considèrent ou non comme orthodoxes ou croyants, ont intégré la croyance dans le Christ, dans la chrétienté orthodoxe ?

Strelkov. On pourrait le dire ainsi, même si la question est loin d’être aussi simple et qu’il y a une multitude d’événements connexes d’importance. Le fait qu’un pays puissant, rétif au nouvel ordre mondial qu’on construit avec une telle précipitation et dureté, existe est pour eux un anathème. Il est aussi évident que la Russie, malgré sa fragilité actuelle, mais dotée d’un réel potentiel de renaissance en tant que pays souverain, a clairement franchi leurs « lignes rouges ». C’est ce qui explique ces attaques qui visent à empêcher que la Russie n’apparaisse comme une rivale à l’ordre mondial qui se met en place.

Aujourd’hui, il est d’usage de considérer la Chine comme un pays capable d’être un contrepoids aux États-Unis. Selon moi, c’est inexact. La mentalité chinoise est en fait très similaire et s’accorderait même assez bien avec l’occidentale : une moralité relativiste et un attrait extrême pour le matérialisme.

Kroutov. Donc l’Ouest voit la Russie renaître et mettre en place un État nouveau et fort.

Strelkov. D’abord, les nouvelles sur la renaissance d’une Russie forte sont malheureusement exagérées, même si des efforts évidents sont déployés dans ce sens. Toutefois, cette simple possibilité effraie l’Ouest. Ensuite, la Russie qui n’a pas pris sa place au sein du monde occidental à l’avant-garde du nouvel ordre mondial représente une cible séduisante en raison de ses ressources naturelles et de sa population éduquée. Cible qui peut, qui doit être pillée, afin de prolonger l’Âge d’or de la civilisation occidentale, l’ère de l’hédonisme.

Kroutov. Il y eut d’abord les sujets de l’Empire russe, puis le peuple soviétique, désormais nous avons des citoyens de la Fédération russe. Pensez-vous qu’il s’agit là de trois peuples différents ou sont-ils d’une certaine manière identiques ?

Strelkov. Je ne les considère certainement pas comme des peuples distincts. Si l’on compare une nation à un homme, alors on peut voir chez chacun le même processus : naissance, vie, vieillissement, l’infirmité et, enfin, la mort. C’est un processus naturel historique inéluctable. Plus un people est fort et uni, plus est grande son énergie vitale, plus ce peuple vivra longtemps et se développera. Je dirais que parler de trois peuples distincts n’a guère de sens. Je pense qu’il est beaucoup plus judicieux de considérer une nation comme un corps humain qui, après une série de graves maladies et de crises, s’en sort transformé. Certains changements pour le pire, d’autres pour le mieux, quelle qu’ait été la maladie. C’est encore un même et seul peuple, qui n’a pas changé. Son territoire a été amputé, mais le peuple peut encore être considéré comme un seul et même peuple.

Cette période que nous sommes en train de vivre, en Ukraine, c’est une maladie, une crise interne du peuple russe. L’Ukraine et le peuple ukrainien, selon moi, forment une part indivisible du peuple russe. Si la tentative d’aliéner les Ukrainiens devait réussir, pas de façon temporaire et confuse, mais devait se révéler une volonté permanente, alors…

Kroutov. Diriez-vous du peuple ukrainien qu’il appartient à une même civilisation panrusse et que ce fait est tout simplement incontournable ?

Strelkov. C’est mon opinion : un seul peuple, qui change avec les années.

Kroutov. On parle de nos jours d’une Russie qui se redécouvre lentement. Certains se rassemblent sur la place Bolotnaya (lieu de manifestations de masse à Moscou), d’autres rejoignent la milice dans l’Est de l’Ukraine. À votre avis, s’agit-il de personnes aux opinions diamétralement opposées quant à la situation de notre pays et du monde ?

Strelkov. Selon moi, la question fondamentale est de savoir comment on en est arrivé à cette fracture dans le peuple qui a débouché sur une guerre civile et une révolution. Cette division n’a pas commencé en 1917, mais bien plus tôt. Le peuple est actuellement divisé, mais il forme encore un tout. Les gens continuent : certains sur la place Bolotnaya (bien que mus par de mauvaises raisons, selon moi), et d’autres qui vont faire la guerre et risquent leur vie à Donetsk. Cela montre que le peuple a soif de justice et cherche une vie meilleure. Ce besoin n’est pas mort et c’est vraiment une bonne chose. Particulièrement quand on considère la nécrose de la société à la fin de l’ère soviétique, quand la foi et les croyances essuyaient des quolibets et qu’on demandait : « et vous croyez en de telles sornettes !? »

Toute discussion politique était considérée comme de l’hypocrisie, même par des officiels du gouvernement. L’Union soviétique s’est effondrée parce que les actes de ces officiels contredisaient leurs belles paroles sur les idéaux communistes et le socialisme. En outre, ils croyaient en quelque chose qui s’opposait également totalement à leurs actes.

Kroutov. Et aujourd’hui, les choses ont-elles vraiment changé ?

Strelkov. Je ne veux pas dire que les choses aient totalement changé, mais il faut être optimiste pour une raison simple : on nous réserve une guerre. Cette guerre, nous la gagnerons ou nous la perdrons, mais elle nous changera totalement.

Kroutov. Contre qui sera-t-elle menée, cette guerre ?

Strelkov. Toute la civilisation occidentale nous mène une guerre dans l’intention de nous diviser et de nous piller. Nous ne considérons qu’un point de vue matérialiste quand nous essayons de distinguer l’Europe et les États-Unis et quand nous nous disons que l’Europe aurait des valeurs et intérêts différents des Américains. L’Europe a des intérêts économiques complètement différents de ceux des États-Unis. Sur de nombreux sujets, y compris les relations avec la Russie, les intérêts européens s’opposent directement à ceux des États-Unis. Mais ils ont la même mentalité. À quelques petites nuances près, ils suivent le même plan et poursuivent le même but.

Kroutov. Mais d’un autre côté, ils ont la belle vie, prospère. Pourquoi ont-ils besoin d’une guerre avec la Russie ?

Strelkov. Nous avons déjà évoqué le fait que la Russie peut devenir un pays qui serait un contrepoids moral dans le monde qu’ils construisent. Un monde en apostasie complète, sans âme, où tout est basé sur des valeurs matérielles, où les gens ont simplement oublié Dieu. Même si, en Russie aussi, beaucoup de gens ne croient plus formellement en Dieu, ils continuent à vivre selon des principes qui ont été établis depuis des siècles.

L’Europe ne vit plus selon ces principes. Que veulent-ils de nous ? Tout d’abord, comme exposé plus haut, ils veulent empêcher toute possibilité pour la Russie de se relever, et de proposer une autre civilisation. De même, après notre conversion au christianisme, nous nous sommes séparés de Byzance, nous avons suivi notre propre chemin, malgré la convergence avec l’Ouest. Convergence qui faisait partie du projet de modernisation du Tsar Pierre, et plus tard en 1917, quand nous avons tenté de rattraper et dépasser l’Ouest dans la sphère idéologique, en adoptant les idées les plus à la mode de l’époque.

Mais au-delà des différences d’ordre idéologique, l’Occident vise à tirer de nous un bénéfice monétaire tangible. Afin de prolonger leur existence, leur Âge d’or, ils ont d’urgence besoin de piller un grand pays. En vérité, leur Âge d’or a commencé après que l’homme à la tâche de vin (Gorbatchev) et consorts ont fini par vendre le pays.

Ces gens, selon moi, conformément aux lois de l’humanité (même si, aujourd’hui, ça n’a plus d’importance, que Dieu les juge), recevront le plus terrible des châtiments. Ils ont détruit des dizaines de millions de gens. Et l’Ouest a atteint son Âge d’or en pillant l’URSS. Ils accueillirent des millions d’immigrants talentueux qui élevèrent le niveau de leurs compétences scientifiques. Ils obtinrent les tout derniers développements secrets, une masse de travailleurs d’excellente qualité et hautement qualifiés. Ils balayèrent, pillèrent et divisèrent le formidable héritage soviétique, dont une partie fut tout simplement détruite, une autre mise à leur service. On leur a pratiquement donné le sous-sol russe pour rien. Ils ont tout ramassé. Notre population alors sous influence et sans défense face à la nouvelle donne idéologique de l’Ouest considéra le veau d’or comme la mesure de tout. Ils purent alors immédiatement s’emparer de l’ensemble du territoire.

C’était, pour le monde occidental, un énorme morceau auquel ils ne s’attendaient pas. Ils obtinrent ce qu’ils n’avaient pu arracher en 1917, bien que ce fût l’objectif alors. Ils veulent réaliser la même chose, aujourd’hui, avec ce qui reste de la Russie. Ils ne sont plus satisfaits de ce qu’ils ont déjà, ils ont désespérément besoin de nous voler une deuxième fois.

Kroutov. Vous pensez que l’éveil de la Russie alarme l’Ouest ? Pouvons-nous, selon vous, construire une société de justice, de bonté avec le Christ en Russie, laquelle serait un exemple pour d’autres nations ?

Strelkov. On ne peut répondre sans une certaine ambiguïté. Mais c’est théoriquement possible. Cependant, selon moi, nous ne devrions pas nous focaliser sur une seule conception des choses, et agir dans un cadre strictement réducteur. Nous devrions considérer l’ensemble de notre expérience politique, positive et négative en la réévaluant. La Russie a subi tant d’épreuves, de guerres terribles et de révolutions, qu’elle ne peut les oublier. Cependant, désormais tout est fait pour s’assurer que le peuple vive dans l’insouciance, sans la mémoire du passé éloigné ni de l’histoire récente. C’est l’essence même de la propagande des médias dominants, où un événement idiot dure une semaine, et où il n’y a rien d’autre à évoquer dans l’actualité. Je pense qu’une telle possibilité existe, mais cela exige un sérieux travail et un gros effort, pas seulement de la part des gens ordinaires, mais aussi des autorités.

Kroutov. Je me souviens des mots du Christ : « Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. » (Apocalypse 3, 16) Selon vous, est-ce que la tiédeur, chez certains, fait partie du passé, ou bien est-elle dominante ?

Strelkov. Je pense que ce n’est ni l’un ni l’autre. Historiquement, c’est le propre de la masse d’être tiède, parce que l’Histoire se fait par de petits groupes de gens, à peine 10 ou 15 % parmi ceux qui ont une vie publique. La question est que l’élite (je ne parle pas de l’élite actuelle, qui n’en forme pas réellement une) doit se positionner par rapport à la situation : « froide » ou « bouillante », c’est-à-dire avoir un point de vue propre. Pour ce qui est des événements actuels, je le répète, la situation est critique. Nous avons atteint un autre stade d’une grave crise. Notre nation ne peut continuer à vivre comme nous l’avons fait durant ces 23 années, depuis 1991. D’une façon ou d’une autre, tout va changer énormément. Nombreux parmi ceux qui veulent continuer de vivre leur petite vie et surtout ne pas prendre position seront bientôt forcés de le faire.

Kroutov. Nous sommes à la croisée des chemins, vous êtes du bon côté ou du mauvais.

Strelkov. Oui, même si l’on peut leur présenter de fausses alternatives…

Kroutov. Chacun doit réfléchir et décider si son choix est le bon ou non. Quel genre de Russie voudriez-vous voir émerger ?

Strelkov. C’est une vaste question, très complexe. Je voudrais voir la Russie devenir un grand pays qui vive selon ses propres lois. La Russie, en tant que puissance majeure autosuffisante, peut se préserver en portant un coup mortel à ce projet mondial qui, selon moi, est tout simplement satanique. Je peux dire sans hésiter que je désire voir une Russie réunie. Au moins, voir la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine, divisées par la force par les bolcheviks en 1917, réunies dans une seule et même Grande Russie.

Note

[1] Le dernier chevalier de l’Empire, film russe de Serguei Debiguev, sortie en 2014 (listapad.com, anglais)

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