Un peuple vit de sa mémoire, dit-on, c’est là la mémoire collective. Autrefois, il y avait les livres pour entretenir cette mémoire, des historiens ou des littérateurs pour l’écrire, et des narrateurs, des conteurs, voire des acteurs, pour la rendre plus charnelle. Aujourd’hui, les historiens et les érudits existent encore, ils écrivent encore, mais bien peu les lisent. L’écran a bousculé l’écrit, et s’il y a de l’écrit dans l’écran c’est à la façon d’un cycliste professionnel qui avale son parcours sans porter le moindre regard sur le paysage qu’il traverse. L’écrit est avalé par un écran qui le submerge. Et l’écran, quant à lui, est sous l’emprise d’une roulette de  « souris » qui le déroule ou d’un bout de doigt qui le fait glisser. Or l’écran devient le seul recueil de la mémoire collective car il dispose d’une mémoire exceptionnelle, capable de recenser des bibliothèques entières. Le peuple a transféré sa mémoire à celle de l’écran qui la dilue dans sa propre mémoire. Le peuple a perdu sa mémoire.

Pour savoir ce qu’il a été d’un fait, d’un évènement ou d’un homme, le peuple allume son écran. Il fait rouler sa souris, glisser son doigt. Il sait. Ou plutôt, maintenant qu’il sait, il peut oublier. Car l’oubli est aussi rapide que le clic sur la souris ou le tapotement sur l’écran tactile. Il lui est proportionnel. Le temps de la lecture d’un livre est une monstruosité pour le « smartphoneur », une incongruité pour le « iPadeur ».  La mémoire s’efface comme l’écran s’efface, à son rythme. Demandez à quiconque l’année de la mort de Mitterrand : silence. Recours à l’écran. Demandez-lui le siècle de Pie IX, et si ce dernier précède Léon XIII ou lui succède. Silence. Recours à l’écran. Demandez-lui encore l’année de naissance de Macron et celle de Brigitte, son égérie. Silence toujours. Vite et encore l’écran. Reposez-lui les mêmes questions huit jours plus tard. Silence, écran. Or, lorsque l’écran s’éteint tout s’éteint avec lui. La mémoire sombre dans l’oubli et l’oubli dans le vide.

Un vide qu’il faut combler. C’est là qu’intervient la fabrication de la mémoire. Et ce sont les plus habiles qui y pourvoient. Si l’Histoire repose sur ceux qui la font, elle repose aussi sur les historiens qui la disent. Il y a les bons et les mauvais historiens ; les fidèles au cours des choses, et les infidèles, les plus nombreux, qui fabriquent la mémoire collective à leur goût. On sait ce qu’il en est des Croisades, de l’Inquisition, des guerres de religions, de la Monarchie, de la Révolution française, de la Colonisation, de la guerre d’Espagne, de la deuxième guerre mondiale, de la guerre d’Indochine, de la guerre d’Algérie, de la place de la gauche en France et de l’inconvenance chronique de la droite en France encore… Autant d’épisodes qui suscitent et susciteront toujours des querelles intestines parce que le fabricant de mémoire se plait à rapporter non ce qui est mais qu’il lui plaît.

Avec l’affaire Audin, Macron, notre tout jeune Président né en 1977, vient de donner raison aux fabricants de mémoire. Il a de qui tenir, ses prédécesseurs ne manquaient ni de culot ni d’ignorance. Comme eux, il sert ainsi la cause qui le soutient. Mais le peuple n’en a cure. Il a perdu la mémoire, cette mémoire qui devrait lui faire tenir les rênes de son destin.

Gilles Colroy

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