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La « Lettre à mon président qu’a pas d’bol » d’Eloïse Lenesley

Nous ne résistons pas au plaisir de vous faire lire la « lettre » adressée par la journaliste Eloïse Lenesley à François Hollande :

Cher Président qu’a pas d’bol,

Tous les médias et les méchants de droite ne font rien qu’à se moquer de toi depuis deux jours, mais moi, je te soutiens.

Pourtant, c’est pas faute de leur avoir expliqué que «le monde, il n’est pas gentil», que «c’est pas facile» d’être président de la République, même quand on se donne un mal fou pour être normal et qu’on a une belle boîte à outils nickel chrome pour faire redémarrer la croissance et inverser cette satanée courbe du chômage.

Déjà, à peine t’avait-on intronisé à l’Élysée que ton avion s’était mangé la foudre sur l’aile gauche quand tu t’étais rendu à Berlin pour recevoir les directives de madame Merkel.

Si ça, c’est pas un signe!

Ensuite, la moindre de tes apparitions publiques déchaîna une pluie battante.

Puis les sifflets des électeurs abattus.

Puis les deux.

Avoue que t’as un peu abusé: le mantra du «ça va mieux», c’était pas une bonne idée.

Tu devais bien te douter que l’alignement des planètes – une sacrée aubaine, pour le coup – n’allait pas durer indéfiniment ni te rapporter bézef.

Faut les comprendre aussi, les sans-dents.

Vivre avec moins de 1.000 € par mois, t’imagines?

Dix fois moins que ton coiffeur!

Et ils sont 15% comme ça.

Alors forcément, ils s’impatientent.

Comme les 6 millions de chômeurs que tu devais sortir de la panade.

La moitié touche que dalle, l’autre perçoit 1.100 € bruts en moyenne.

Quand tu penses qu’il y a maintenant 1,2 million de chômeurs de longue durée (enfin, si on s’en tient à ceux qui sont toujours inscrits) et qu’ils ont au mieux une chance sur trois de retrouver un job!

Et je te parle même pas des séniors.

Ceux-là, dès 45 balais, ils sont bons à jeter.

La gérontophobie fait rage.

Sauf en politique: regarde Juppé, qui va peut-être bientôt te piquer ta place.

Mais je me fais pas trop de souci pour toi ; avec ton esprit de synthèse et ton naturel blagueur, tu arriveras à te recaser facilement.

Je conçois que tu aies grugé un chouia pour déjouer ta poisse.

Malin comme tu es, tu t’es dit que t’allais faire passer les chômeurs de la catégorie A vers la catégorie D, celle regroupant les inscrits en formation ou en stage.

Ton copain Macron aux vains plans s’est un peu vautré avec sa loi «pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques».

Déjà, l’intitulé est pompeux, mais passons.

Son impact est évalué à 0,05% d’apport au PIB et, pour l’instant, les résultats se font attendre, sauf du côté des autocars, qui ont créé… 1.500 emplois.

Avec les socialistes, fallait pas s’attendre à du supersonique non plus.

Cela dit, t’as vu, Macron prétend maintenant qu’il n’est pas socialiste.

Quel scoop!

Ça te rappelle pas la bourde de Jospin quand il avait sorti:

«Mon projet n’est pas socialiste»?

On peut pas dire que la formule lui ait refilé la baraka.

Tu as vu le rapport du Sénat, qui révèle que le CICE a surtout permis de maintenir 125.000 postes et d’éviter des défaillances de PME-TPE?

Claquer 20 milliards € par an pour ça, admets que c’est pas donné.

Du coup, je conçois qu’en désespoir de cause, tu aies grugé un chouia pour déjouer ta poisse.

Malin comme tu es, tu t’es dit que t’allais faire passer les chômeurs de la catégorie A vers la catégorie D, celle regroupant les inscrits en formation ou en stage, qui sont ainsi zappés des statistiques.

Du pur génie!

Le problème, c’est qu’à pôle Emploi, en plus d’être incompétents et de nous coûter les yeux de la tête, ils sont pas très discrets: ils ont laissé traîner des instructions confidentielles de leur direction exigeant qu’un million de chômeurs (500 000 de plus que d’habitude) soient catapultés en formation d’ici à la fin de l’année !

Tu penses que le Canard Enchaîné leur est tombé dessus et a cuisiné les conseillers dans la foulée:

«L’an dernier, au bout de six mois, on disait non à presque tout le monde, il n’y avait plus un rond pour financer les formations qui coûtent souvent cher.

Maintenant, c’est tapis rouge, on dit oui à tout et sans trop de précautions, la scrupuleuse procédure de validation des stages est abandonnée», nous murmure-t-on.

Ça la fout mal.

Montant de l’addition: un milliard €

Mais l’inversion de courbe artificielle n’a pas de prix.

Avec les radiations à la pelle pour des motifs bizarroïdes ou pour «défaut d’actualisation», et tes 500.000 contrats aidés estimés à deux milliards d’euros, le subterfuge devrait opérer.

Les attentats et les grèves à répétition, c’était pas de bol non plus :

ces galères-là ont le don de te plomber illico une croissance.

Dommage, juste au moment où nous avions failli être convaincus que la reprise était enfin de retour, avec +0,7% au premier trimestre 2016 – même si, entre nous, on sait bien qu’elle est due à la consommation d’énergie des ménages durant l’hiver et aux achats de matériel électronique compatible avec le nouveau standard de diffusion TV.

Et voilà que les islamo-terroristes, les Nuit Debout et les casseurs «en marge» des manifestations cégétistes nous font fuir à toutes jambes les badauds et les touristes.

Caramba, encore raté !

Croissance nulle au deuxième trimestre.

Pas étonnant que tu aies rechigné pendant un an à déclarer l’état d’urgence, c’est très mauvais pour le business.

Déjà que la France n’avait pas une super bonne image depuis ton arrivée, avec toutes ces guérillas urbaines de-ci, de-là: saccage du Trocadéro par des racailles, brasier insurrectionnel par les gens du voyages à Moirans, mutinerie au centre de détention à Aiton, règlements de comptes entre bandes rivales démolissant la gare de Montargis, nuisances apocalyptiques des migrants à Calais ou ailleurs…

Ça n’arrête pas.

Non seulement tu n’arrives pas à juguler l’insécurité galopante ni à faire enfermer les djihadistes fichés S qui pullulent dans les cités, mais quand tu décides de faire preuve de mansuétude en graciant partiellement une femme battue qui a tué son mari, la justice refuse sa libération conditionnelle.

Dans le genre traqué par la scoumoune, tu te poses là.

T’as pas de bol et, en prime, tu portes la guigne à la France.

C’est pour ça qu’il vaudrait mieux que tu ne te représentes pas en 2017.

T’as pas de bol et, en prime, tu portes la guigne à la France.

Cinq ans de malheur, c’est amplement suffisant, surtout pour les précaires.

Et les classes populaires.

Et les classes moyennes.

Et les chefs d’entreprise.

En fait, pour tout le monde.

Sauf peut-être les communautaristes et les fonctionnaires.

Si tu renonçais à rempiler, ça ne manquerait pas de panache ; tu aurais la classe.

Pense au plaisir que tu ferais aux Français et à Manuel Valls.

Finies, les cotes de popularité calamiteuses.

Comme Chirac, tu redeviendrais une coqueluche hexagonale en un rien de temps après avoir été vilipendé tout au long de ton mandat.

Tu pourrais passer des heures chez ton coiffeur à te faire une petite coupe.

Au bol.

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