« Parce que quand des crimes contre l’humanité sont commis, c’est l’honneur de la France, l’honneur de ses soldats que de s’engager pour y mettre fin et ceci, sans la moindre hésitation. », telle était l’une des phrases du discours de François Hollande lors de l’hommage aux deux soldats français tués en Centrafrique. C’était le 17 décembre 2013. Nous pourrions encore relever des phrases où le Président vante l’action française comme une réussite malgré les difficultés : « Oui pourquoi la France ? Pourquoi la France toujours ? Mais parce que nous sommes la France et parce que si elle n’était pas là, nulle autre armée, dans cette partie du monde, en Afrique, ne pourrait être en capacité de lancer une telle opération pour sauver des vies et installer la paix. »  Aujourd’hui, le gouvernement français peut déchanter.

Après avoir traîné les pieds pendant des mois, l’Union Européenne s’est enfin décidée à agir aux côtés de la France. Les événements de Crimée ont sans aucun doute retardé le lancement de la mission Eufor RCA mais elle est désormais opérationnelle avec environ 800 hommes. Mais ne nous faisons pas d’illusion, c’est la France qui va fournir le plus gros des forces avec 450 militaires dont 50 gendarmes. Pour le reste, c’est assez hétéroclite entre une section par ci, par là  et des moyens de transport. L’Allemagne se contentera de financer les rotations de deux gros porteurs Antonov pour transporter hommes et matériel. C’est déjà pas mal certes mais c’est bien le signe que l’Allemagne ne veut pas trop s’impliquer militairement. Les pays les plus impliqués sont l’Estonie, la Lituanie, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Pologne et la Géorgie. Au vu de la situation du pays, cela restera encore insuffisant pour pouvoir maîtriser l’ensemble du territoire même si la France vient de se déployer dans l’Est du pays, passant à la phase trois de l’opération Sangaris. Le calme n’est toujours pas revenu à Bangui. Dernièrement, les 800 soldats tchadiens ont quitté la force africaine Misca, qui s’élevait jusqu’ici à 6000 hommes.  Cette décision prise par le président tchadien ne sera pas exécutée dans l’immédiat, en attendant que des modalités de retrait soient définies. Les soldats tchadiens ont été souvent accusés de connivence avec les sélékas. Fin mars, ils avaient  tué au moins 24 personnes à l’entrée de Bangui après avoir été la cible d’une attaque à la grenade. La présidente centrafricaine de transition, Catherine Samba Panza avait annoncé l’ouverture d’enquêtes sur cette affaire.

Mais ce n’est pas tout. Jeune Afrique a consacré un reportage sur le pays intitulé : « Centrafrique, plongée au cœur du chaos ». On apprend ainsi que le gouvernement ne maîtrise pas du tout son territoire… Et les Occidentaux ? Pour le reporter, le constat est sans appel : « Seules les forces internationales, par définition moins légitimes, maintiennent un semblant d’ordre. Seulement, leur manque de moyens et de connaissance du terrain est évident. » Les fusillades et les lynchages, depuis mi-mars, se sont accentués dans la capitale et les miliciens anti-balaka contrôlent la majorité des quartiers. L’article évoque clairement la possible partition du pays. Il ne manque pas non plus d’ironiser sur l’optimisme relatif de l’ambassade de France qui assure que le rétablissement de la paix passera par celui de la chaîne pénale, de l’éducation et de l’emploi des jeunes désœuvrés, une vision pour le journaliste totalement décalée avec la réalité : « Comment un État fantôme pourrait-il conduire de telles actions ? Mais pour Paris, autoriser un réarmement de la force centrafricaine reste hors de question : même les aides de camp du Premier ministre et de la présidente ont interdiction de porter une arme. » On se retrouve donc avec une armée centrafricaine qui a des hommes mais sans qui se retrouve sans armes ni missions. La conclusion de l’article est sans appel : « La fin de cette transition d’ici à février 2015 paraît difficilement imaginable, puisqu’elle suppose l’organisation d’un scrutin dans un pays sans état civil et où la nationalité d’une partie de la population fait l’objet d’interrogations. Au-delà de cette élection, c’est surtout l’État centrafricain qu’il faut reconstruire. Ce qui pourrait prendre des années. »

Quant à l’armée française, elle doit accomplir sa mission dans la rusticité et l’indigence alors que les conditions de vie des militaires restent toujours précaires. Selon le blog Ligne de Défense du journal Ouest France, l’arrivée de la saison des pluies va accroître les difficultés de transport alors que les VAB, plus de toute jeunesse, commencent vraiment à fatiguer. Selon des témoignages, certains sont amenés au mécano tous les trois jours. Pour d’autres, il faut leur donner un coup de pied pour les faire démarrer. Les ressources en eau sont rares. Les troupes voient leur rang s’éclaircir à cause des maladies comme le paludisme ou la dysenterie. La liste d’insuffisance logistique est encore longue.  Mais tous ces désagréments ont des répercussions sur la vie des militaires français, engagés déjà dans une mission difficile, et ce ne sont pas les budgets de plus en plus limités qui vont pouvoir y remédier. Et cerise sur le gâteau : environ 1500 militaires de la force Sangaris sont touchés par les dysfonctionnements du logiciel Louvois.  Ainsi beaucoup touchent une solde ordinaire. On se demande quelle considération a l’État pour son armée, qu’il envoie se battre sans lui en donner les moyens et se soucier de ses conditions de vie… Certains militaires auraient sans doute bien apprécié le repas « dégueulasse » de l’Elysée… !

Ils sont loin les cocoricos français et les discours optimistes. Après avoir tardé à intervenir, la France se retrouve désormais dans un bourbier, dont elle aura du mal à sortir au risque d’aggraver la situation. Que dire de l’armée française, qui manque de moyens ? La mission européenne se révélera aussi insuffisante pour contrôler un territoire aussi vaste. Le ministre centrafricain des Affaires Étrangères a déjà mis en garde contre une possible installation du terrorisme international dans le pays. Selon lui, des ex-rebelles soudanais se seraient installés dans l’est du pays et Boko Haram et Al-Quaïda envisageraient d’y investir. Ce n’est pas l’aide de soldats mauritaniens, qui sera suffisant. Décidément, il faut croire que les interventions occidentales ne se soldent que par un désordre plus grand qu’avant leur arrivée !

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