Le cardinal Zen, qui après avoir collaboré un temps s’est engagé courageusement dans la lutte contre le gouvernement communiste chinois et a connu les violences et les répressions du régime maoïste, explique ses doutes et ses objections à un tel accord dans un article paru sur son blog et publié sur AsiaNews. Le cardinal avait fait, il y a quelque mois, un appel aux catholiques chinois, « Retirons-nous avec dignité », qui a été durement critiqué dans la presse proche du Vatican, le Vatican Insider. Aujourd’hui, il explique sa pensée : « accepter la défaite », « accepter les catacombes. »
« Mais de quelle défaite s’agit-il ? On sait qu’en Chine le régime athée a toujours voulu contrôler totalement les religions. Jusqu’à maintenant des groupes importants de catholiques, tant dans la clandestinité que dans l’Église officielle, avec de grands sacrifices, restent fidèles à l’Église fondée par Jésus-Christ sur Pierre et les apôtres. Mais aujourd’hui, se présente à eux le spectre d’une déclaration provenant des autorités de l’Église leur disant de changer de cap. Ce qui était déclaré contraire à la doctrine et à la discipline de l’Église deviendra légitime et normal, tous devront se soumettre au Gouvernement qui gère la Chine, tous devront obéir aux évêques qui jusqu’à maintenant étaient illégitimes et même excommuniés. Alors, ils se sont trompés pendant des décennies ces pauvres qui « se sont confrontés » au gouvernement?
Mon appel est pour préparer les âmes à une telle éventualité, laquelle semblait impossible dans le passé, et aujourd’hui se présente comme très probable. Comment faire ? En acceptant de retourner à la condition des catacombes. Les catacombes ne sont pas une situation ordinaire. Mais quand l’ordinaire est illégitime et le légitime n’est pas permis, il n’y a pas d’autre choix que de s’en tenir fermement au légitime dans une condition pas ordinaire. (…)
Je me rappelle d’une expression apparue il y a déjà quelque temps sur un site Internet catholique en Chine : « Depuis tant d’années nos ennemis n’ont pas réussi à nous faire mourir. Maintenant, il s’agit de mourir des mains de notre Père. D’accord, allons mourir. » (…)
A notre adhésion aux dispositions romaines, il y a une limite, la limite de la conscience. Nous ne pouvons pas suivre cet éventuel accord si notre conscience nous le montre comme contraire à l’authentique foi catholique. Le pape François a souvent défendu l’objection de conscience, …, il ne niera pas à ses fils ce droit. Cette limite à notre adhésion la rend encore plus douloureuse. Ce sera pour moi un vrai déchirement du cœur, entre l’instinct salésien de dévotion au pape et l’impossibilité de le suivre jusqu’au bout dans le cas où, par exemple, il nous encouragerait à embrasser l’Association patriotique et à entrer dans une Église totalement asservie à un Gouvernement athée.
Nous devrons refuser de faire ce pas objectivement parce qu’il est en contradiction avec l’autorité pontificale. Car dans le cas actuel, nous voulons être fidèles au Pape (à la papauté, à l’autorité du Vicaire du christ) en dépit du Pape. (…) Nous confions au Juge éternel de juger si la vraie communion réelle avec le Pape est la nôtre ou celle de ceux qui aujourd’hui, à haute voix, crient : « Allons, debout, tous, obéissons au Pape, quoiqu’il décide ! »
J’ai dit que l’éventualité d’un accord inacceptable se présente comme fort probable. J’ai dit qu’encore maintenant nous espérons que ce fait ne se vérifie pas. Donc, il n’y a rien de certain encore. Alors pourquoi, me dira-t-on, tant d’excitation ? (…) C’est vrai, nous ne savons rien de certain, nous sommes tenus totalement à l’obscur. Nous savons que les contacts sont entrain de se multiplier, mais nous ne savons rien de ce qui est traité dans ces colloques. »
Les tractatives entre la Chine et le Saint-Siège se font en catimini, sont une affaire strictement privée réservée à la Curie romaine qui n’en informe même pas les cardinaux chinois résidents à Rome explique le cardinal Zen dans son article. Il compare ce comportement depuis l’arrivée de François avec l’attitude romaine passée : il existait déjà des contacts non officiels entre les deux parties mais les ecclésiastiques chinois étaient mis au courant du dialogue en cours et pouvaient en discuter.
« Extrême dédain même dans la tradition de correction de la Curie Romaine, écrit Joseph Zen. C’est triste de constater que les grands promoteurs du dialogue l’éliminent à l’intérieur de l’Église. Face à cette absence totale de communication, on essaye de faire des conjonctures et de deviner en mettant ensemble des fragments de nouvelles qui nous parviennent d’ici, de là. (…) Le cadre que l’on réussit à tracer n’est pas encourageant du tout. Il semble bien que la direction prise est celle que nous craignons. (…)
Je suis la voix des sans voix non seulement pour protester contre les autorités communistes. Je le suis aussi pour poser des questions aux autorités romaines. (…) D’abord nous devons reconnaître que le communisme est une vraie dictature. Nos seigneurs de la Curie Romaine ont-ils jamais étudié le Marxisme-léninisme ? (…) Dans les dictatures il n’y a pas de compromis, il y a seulement l’absolue soumission, l’esclavage et l’humiliation. Alors, nier le dialogue ? Non. Mais il faut aussi aller à la table du dialogue disposés à admettre à la fin, même si c’est pour la centième fois, que le dialogue n’est pas encore possible. Les communistes… viennent cependant volontiers dialoguer dans l’espoir de porter à la maison une signature, une bénédiction finale du pape sur l’actuel état anormal de cette Église (l’Église officielle chinoise, ndlr) qui est objectivement schismatique. Pour réussir à conclure le dialogue à tout coup, sommes-nous disposés à payer le prix de « canoniser » une église schismatique ? (…)
Oh Seigneur, n’avez-vous pas dit à Pierre « confirme tes frères! » ?
Francesca de Villasmundo
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