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Joseph Ratzinger, le concile Vatican II et ces conservateurs qui minaient  la Tradition

En Italie, vient de sortir le premier volume des écrits du professeur Ratzinger pendant et sur le concile Vatican II. 726 pages qui constituent le VIIe volume de l’Opera Omnia éditée par la Libreria Editrice Vaticana. Les textes publiés dans ce tome sont pour la plupart inédits.

Pour Joseph Ratzinger, le concile Vatican II a amorcé un « renouveau » de l’Église qu’il a vécu avec enthousiasme et dont il fut un ardent promoteur.

« Ce fut un temps d’attente extraordinaire. De grandes choses allaient se passer ».

Devenu le pape Benoît XVI, face aux multiples dérives progressistes issus du Concile et à une Église qu’il ne peut s’empêcher de décrire comme « un vieux bateau qui prend l’eau de toutes parts », ce fervent soutien et maître d’œuvre de la réforme conciliaire a insisté sur une « herméneutique de la continuité » du concile Vatican II avec la Tradition, « du renouveau dans la continuité« , en opposition à une « herméneutique de la rupture » entre Vatican II et la Tradition, en prétendant que les décrets conciliaires ne comportaient aucune altération génétique de l’Église, de ses dogmes et de sa doctrine.  

Cependant le principe de continuité de Benoit XVI, explique l’abbé Gleize dans un article paru en 2011,

« n’exige pas d’abord et avant tout l’unité de la vérité. Il exige d’abord et avant tout l’unité du sujet qui se développe et grandit au cours du temps. C’est l’unité du Peuple de Dieu, tel qu’il vit dans le moment présent, dans le monde de ce temps, pour reprendre l’intitulé suggestif de la constitution pastorale Gaudium et spes. »

« On y parle précisément de continuité à propos d’un sujet [sujet-Église] qui évolue au cours du temps. Il ne s’agit pas de la continuité d’un objet, celle du dogme ou de la doctrine, que le magistère de l’Église proposerait aujourd’hui, en lui donnant le même sens que jadis. Il s’agit de la continuité de l’unique sujet Église. »

Au travers de cette expression « herméneutique de la continuité », ce n’est donc pas de la continuité du dogme et de la doctrine avec la Tradition dont parle Benoit XVI même si c’est ce que le fidèle lambda comprendra. Et en effet, le concile Vatican II a bien créé une rupture avec l’enseignement traditionnel et immuable de l’Église catholique en énonçant une doctrine nouvelle qui contredit la prédication passée de l’Église catholique, particulièrement dans le domaine de la Liberté religieuse, de la collégialité et de l’œcuménisme. Mgr Lefebvre, le chef de file des évêques garant de la Tradition au concile voyait en Vatican II « la plus grande catastrophe de toute l’histoire de l’Église » et le comparait à une « troisième guerre mondiale. » Dans un entretien au Figaro le 4 août 1976 il aura cet autre commentaire : « tournant le dos à la Tradition et rompant avec l’Église du passé, [Vatican II] est un concile schismatique ».

Pour en revenir au recueil des textes du théologien Ratzinger sur le Concile, il est un passage significatif qui témoigne de son esprit éminemment moderniste, en rupture avec la Tradition, même s’il aime les belles cérémonies liturgiques avec encens et latin. Cela concerne les écrits sur la Nota previa, le texte signé par le cardinal Pericle Felici pour expliquer les critères avec lesquels il faut lire les passages sur la collégialité épiscopale contenus dans la Constitution apostolique Lumen Gentium, ceux que les défenseurs de la ligne traditionnelle au concile avaient contestés comme possibles facteurs d’affaiblissement de l’autorité pontificale.

Selon Ratzinger, sur cette question de la Nota previa, qu’il n’appréciait pas du tout, se sont affrontées les deux courants présents au Concile : d’un côté

« une pensée qui partait de toute l’étendue de la Tradition chrétienne et, en s’appuyant sur elle, cherchait à décrire la constante ampleur de la possibilité ecclésiale. »

Et de l’autre côté

« une mentalité purement systématique, qui admet seulement la forme juridique actuelle de l’Église comme critère de ses réflexions, et donc nécessairement craint qu’un quelconque mouvement en-dehors d’elle serait tomber dans le vide. »

Si l’on comprend le raisonnement de Joseph Ratzinger, ce que l’on croit avoir été les défenseurs de la Tradition durant le Concile tels Mgr Marcel Lefebvre et les autres membres du Coetus Internationalis Patrum en sont, en réalité, les pourfendeurs. Tandis que les modernistes, d’après lui, sont les vrais amis de la Tradition chrétienne…

A l’appui de sa thèse, Joseph Ratzinger explique que le « conservatisme » de la seconde option, s’enracinait

« dans son extranéité envers l’histoire et donc au fond dans une « carence » de Tradition, c’est-à-dire d’ouverture vers l’ensemble de l’histoire chrétienne. »

Pour le jeune théologien Ratzinger, qui ne renie rien de ses paroles puisqu’il les publie aujourd’hui en italien, la description préconçue d’un conflit entre « conservateurs » timorés par de possibles «accrocs » à la Tradition et « progressistes » conditionnés par des pulsions modernistes est erronée. La situation expliquait-il était tout le contraire : c’étaient ceux étiquetés comme « progressistes » ou du moins « la partie dominante » qui travaillaient pour favoriser « un retour à l’ampleur et à la richesse de ce qui a été transmis » et retrouver ainsi les sources du renouveau qu’ils désiraient dans « la propre largeur intrinsèque de l’Église.» En clair, les modernistes étaient la Tradition, les conservateurs étaient les étrangers à la Tradition !

Cette interprétation captieuse de Ratzinger, qui déforme la réalité sur les deux courants qui s’affrontaient au Concile Vatican II, est un parfait exemple de la novlangue orwellienne qui sévit au Vatican comme ailleurs. Dans 1984 de Georges Orwell on peut lire cette sentence :

« La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force. »

La pensée de Joseph Ratzinger sur le concile Vatican II résumée en novlangue donne ceci : 

« la Tradition c’est le modernisme » ou inversement « le modernisme c’est la Tradition ».

Pas besoin de longs discours pour démonter le raisonnement fallacieux du futur Benoît XVI, qu’il a surnommé par la suite « herméneutique du renouveau dans la continuité ». La crise de foi sans précédent et l’apostasie silencieuse de cette foi catholique dans le monde, l’état lamentable de l’institution ecclésiale, le vide des églises, la perte du sens doctrinal et liturgique chez les ecclésiastiques autant que les fidèles, sans parler des multiples scandales financiers mais surtout de mœurs, pédophilie cachée et homosexualité affichée, sont là pour témoigner des ravages qu’ont provoqué en 50 ans l’esprit du Concile et son progressisme, son néo-protestantisme et néo-modernisme affirmés. Difficiles de mettre ces terribles maux sur le compte d’une Tradition  comprise, aimée et transmise adéquatement par les modernistes du Concile ! Non  ! les modernistes ne sont pas attachés à la Tradition quoi que veuille nous faire croire, hier et aujourd’hui, Joseph Ratzinger.

D’ailleurs le saint pape Pie X a condamné le modernisme et ses adeptes. Le 3 juillet 1907, par le décret Lamentabili sane Exitu (Avec de lamentables résultats), il condamne les erreurs du modernisme, défini comme « collecteur de toutes les hérésies« . Et le 8 septembre 1907, par l’encyclique Pascendi Dominici gregis sur les doctrines des modernistes, il dresse un portrait type du moderniste (le philosophe, le croyant, le théologien, l’historien, le critique, l’apologiste, le réformateur) et explique les principes fondamentaux qui nourrissent sa pensée (agnosticisme, immanentisme, évolutionnisme, subjectivisme, relativisme) :

« Le modernisme conduit à l’anéantissement de toute religion. Le premier pas fut fait par le protestantisme, le second est fait par le modernisme, le prochain précipitera dans l’athéisme (…) Ce qui exige surtout que Nous parlions sans délai, c’est que les artisans d’erreurs, il n’y a pas à les chercher aujourd’hui parmi les ennemis déclarés. Ils se cachent et c’est un sujet d’appréhension et d’angoisse très vives, dans le sein même et au cœur de l’Église, ennemis d’autant plus redoutables qu’ils le sont moins ouvertement. Nous parlons, Vénérables Frères, d’un grand nombre de catholiques laïques, et, ce qui est encore plus à déplorer, de prêtres, qui, sous couleur d’amour de l’Église, absolument courts de philosophie et de théologie sérieuses, imprégnés au contraire jusqu’aux moelles d’un venin d’erreur puisé chez les adversaires de la foi catholique, se posent, au mépris de toute modestie, comme rénovateurs de l’Église ; qui, en phalanges serrées, donnent audacieusement l’assaut à tout ce qu’il y a de plus sacré dans l’œuvre de Jésus-Christ, sans respecter sa propre personne, qu’ils abaissent, par une témérité sacrilège, jusqu’à la simple et pure humanité. »

Francesca de Villasmundo

 

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