De la férie : messe du jeudi de la quatrième semaine de Carême
La Station est à l’Église de Saint-Sylvestre-et-Saint-Martin aux Monts, l’une des plus vénérées de la piété romaine. Élevée d’abord par le pape saint Sylvestre, dont elle a retenu le nom et le patronage, elle était consacrée, dès le VIe siècle, au grand thaumaturge des Gaules, saint Martin. Au VIIe siècle on y apporta de la Chersonèse le corps du saint pape Martin, qui avait mérité la couronne du martyre peu d’années auparavant. Cette Église a été le premier titre cardinalice de saint Charles Borromée, et, au siècle dernier, celui du Bienheureux cardinal Joseph-Marie Tommasi, savant liturgiste, dont on y vénère aussi le corps. Toutes les merveilles du plan divin pour le salut de l’homme sont réunies dans cette mystérieuse narration ; empressons-nous de les y découvrir, afin que nous n’ayons rien à envier à nos Catéchumènes. Cet enfant mort, c’est le genre humain que le péché a privé de la vie ; mais Dieu a résolu de le ressusciter. D’abord un serviteur est envoyé près du cadavre ; ce serviteur est Moïse. Sa mission est de Dieu ; mais, par elle-même, la loi qu’il apporte ne donne pas la vie. Cette loi est figurée par le bâton que Giézi tient à la main, et dont il essaie en vain le contact sur le corps de l’enfant. La Loi n’est que rigueur : elle établit un régime de crainte, à cause de la dureté du cœur d’Israël ; mais elle triomphe à peine de cette dureté ; et les justes dans Israël, pour être vraiment justes, doivent aspirer à quelque chose de plus parfait et de plus filial que la loi du Sinaï. Le Médiateur, qui doit tout adoucir en apportant du ciel l’élément de la charité, n’est pas venu encore ; il est promis, il est figuré ; mis il ne s’est pas fait chair, il n’a pas encore habité parmi nous. Le mort n’est pas ressuscité. Il faut que le Fils de Dieu descende lui-même. Élisée est la figure de ce divin Rédempteur. Voyez comme il se rapetisse à la mesure du corps de l’enfant, comme il s’unit étroitement à tous ses membres dans le mystérieux silence de cette chambre fermée. C’est ainsi que le Verbe du Père, voilant sa splendeur au sein d’une vierge, s’y est uni à notre nature, et, « prenant la forme de l’esclave, s’est anéanti jusqu’à devenir semblable à l’homme », « afin de nous rendre la vie, et une vie plus abondante encore » que celle que nous avions eue au commencement. Observez aussi ce qui se passe dans l’enfant, et quelles sont les marques de la résurrection qui s’opère en lui. Sept fois sa poitrine se dilate, et il aspire, afin de marquer par ce mouvement que l’Esprit aux sept dons reprendra possession de l’âme humaine qui doit être son temple. Il ouvre les yeux, pour signifier la fin de cet aveuglement qui est le caractère de la mort : car les morts ne jouissent plus de la lumière, et les ténèbres du tombeau sont leur partage. Enfin considérez cette femme, cette mère : c’est la figure de l’Église qui implore de notre divin Élisée la résurrection de ses chers Catéchumènes, de tous les infidèles qui sont encore sous les ombres de la mort; unissons-nous à sa prière, et efforçons-nous d’obtenir que la lumière de l’Évangile s’étende de plus en plus, et que les obstacles qu’apporte à sa propagation la perfidie de Satan, jointe à la malice des hommes, disparaissent sans retour.
Aujourd’hui et demain encore, la sainte Église ne cesse de nous offrir des types de la résurrection : c’est l’annonce de la Pâque prochaine, et en même temps un encouragement à l’espérance pour tous les morts spirituels qui demandent à revivre. Avant d’entrer dans les deux semaines consacrées aux douleurs du Christ, l’Église rassure ses enfants sur le pardon qui les attend, en leur offrant le spectacle consolant des miséricordes de celui dont le sang est notre réconciliation. Délivrés de toutes nos craintes, nous serons plus à nous-mêmes pour contempler le sacrifice de notre auguste victime, pour compatir à ses douleurs. Ouvrons donc les yeux de l’âme, et considérons la merveille que nous offre notre Évangile. Une mère éplorée conduit le deuil de son fils unique, et sa douleur est inconsolable. Jésus est touché de compassion ; il arrête le convoi ; sa main divine touche le cercueil ; et sa voix rappelle à la vie le jeune homme dont le trépas avait causé tant de larmes. L’écrivain sacré insiste pour nous dire que Jésus le rendit à sa mère. Quelle est cette mère désolée, sinon la sainte Église qui mène le deuil d’un si grand nombre de ses enfants ? Jésus s’apprête à la consoler. Il va bientôt, par le ministère de ses prêtres, étendre la main sur tous ces morts ; il va bientôt prononcer sur eux la parole qui ressuscite ; et l’Église recevra dans ses bras maternels tous ces fils dont elle pleurait la perte, et qui seront pleins de vie et d’allégresse. Considérons le mystère des trois résurrections opérées par le Sauveur : celle de la fille du prince de la synagogue, celle du jeune homme d’aujourd’hui, et celle de Lazare, à laquelle nous assisterons demain. La jeune fille ne fait que d’expirer ; elle n’est pas ensevelie encore : c’est l’image du pécheur qui vient de succomber, mais qui n’a pas contracté encore l’habitude et l’insensibilité du mal. Le jeune homme représente le pécheur qui n’a voulu faire aucun effort pour se relever, et chez lequel la volonté a perdu son énergie : on le conduit au sépulcre ; et, sans la rencontre du Sauveur, il allait être rangé parmi ceux qui sont morts à jamais. Lazare est un symbole plus effrayant encore. Déjà il est en proie à la corruption. Une pierre roulée sur le tombeau condamne le cadavre à une lente et irrémédiable dissolution. Pourra-t-il revivre ? Il revivra si Jésus daigne exercer sur lui son divin pouvoir. Or, en ces jours où nous sommes, l’Église prie, elle jeûne ; nous prions, nous jeûnons avec elle, afin que ces trois sortes de morts entendent la voix du Fils de Dieu, et qu’ils ressuscitent. Le mystère de la Résurrection de Jésus-Christ va produire son merveilleux effet à ces trois degrés. Associons-nous aux desseins de la divine miséricorde ; faisons instance, jour et nuit, auprès du Rédempteur, afin que, dans quelques jours, nous puissions, à la vue de tant de morts rendus à la vie, nous écrier avec les habitants de Naïm : « Un grand Prophète s’est levé « parmi nous, et Dieu a visité son peuple. »
Sanctoral
Saint Victorien de Carthage et ses Compagnons, Martyrs († 484)
Victorien, natif d’Adrumète, en Afrique, était proconsul de Carthage. Le roi, nommé Hunéric, homme barbare, employa tous ses efforts pour le détourner de la religion et lui fit les plus magnifiques promesses; mais il reçut cette réponse simple et ferme: « Rien ne sera capable de me séparer de la foi et de l’amour de Jésus-Christ. Vous pouvez m’exposer aux flammes, me jeter aux bêtes, me soumettre à toutes sortes de supplices, jamais je ne trahirai la vraie foi; ce serait de ma part une ingratitude, une perfidie; n’eussé-je pas à craindre les châtiments éternels, ni à espérer une récompense sans fin, je ne saurais manquer de fidélité à mon Dieu. » Le tyran, irrité, lui inflige tous les tourments que peut lui suggérer sa rage: Victorien les endure avec joie et constance et va recevoir au Ciel la couronne conquise au prix de son sang. Plusieurs autres chrétiens furent aussi les victimes de ce tyran cruel: parmi eux, deux frères qui s’étaient promis par serment de mourir l’un avec l’autre et d’un même supplice. Dieu permit en effet qu’ils obtinssent de leurs bourreaux la grâce touchante qu’ils avaient désirée. On commença par les suspendre avec de gros poids attachés à leurs pieds. Au bout d’un jour passé dans cette douloureuse situation, l’un d’eux, succombant à la douleur, demanda quelque répit. Son frère, craignant qu’il n’eût la faiblesse de renoncer à sa foi, lui cria du haut de sa potence: « Gardez-vous bien de faiblir, mon frère; est-ce là ce que nous avons promis ensemble à Jésus-Christ? Si vous trahissez votre foi et votre serment, je serai moi-même votre accusateur au tribunal de Dieu. » Le pauvre martyr chancelant reprit alors courage et s’écria d’une voix forte: « Ajoutez les supplices aux supplices, je suis prêt à souffrir tout ce que souffrira mon frère. » Les bourreaux emploient alors contre ces deux héroïques martyrs les lames de fer rougies au feu, les ongles de fer et d’autres tortures non moins affreuses. Chose étonnante, on ne voyait sur eux aucune meurtrissure ni aucune trace des tourments qu’on leur faisait endurer. A la fin, voyant que le courage des martyrs et les merveilles que Dieu opérait en leur faveur semblaient fortifier dans la foi ou convertir ceux qui en étaient les témoins, les bourreaux se hâtèrent d’achever leurs victimes, et les deux frères allèrent recevoir, avec Victorien, la palme due aux généreux soldats du Christ.
Bienheureux Jérémie Lambertenghi, Prêtre ; 1er Ordre franciscain
Jérémie naquit en 1440, à Côme, dans le Milanais, de l’illustre famille des Lambertenghi. Poussé par la volonté divine, et ne voulant pas résister plus longtemps à la force toute-puissante de la grâce, il quitta à l’insu de ses parents la maison paternelle, et courut comme un fugitif jusqu’au couvent qui était bâti sur une montagne auprès de la ville. Là, il demanda et obtint l’habit, et se promit de vivre si bien retiré de tous, qu’il n’entendrait plus parler du monde, ni le monde de lui. Quoiqu’il ne fût encore que novice, et pour ainsi dire apprenti dans la science de vivre selon la règle, il paraissait devoir devenir un saint religieux. Il jeûnait tous les jours, se donnait la discipline avec des chaînes de fer, et si violemment que la douleur lui faisait quelquefois perdre connaissance, et il passait souvent des nuits entières à méditer, à prier et à gémir sur ses péchés. Son humilité était extrême, il prenait plaisir à servir les religieux à table, ce qui, d’ailleurs, lui donnait plus de facilité pour pratiquer ses jeûnes ; puis il allait lui-même distribuer aux pauvres les restes du repas des frères. Son lit était une mauvaise planche sur laquelle il s’étendait à peine ; toute la nuit il était debout, occupé à prier. Il redoubla de mortifications et d’austérités, jusqu’au moment où sa dernière maladie vint le prendre à la gorge et l’abattre tout à coup. Il put encore faire sa communion pascale. Le jeudi saint, il adressa une courte allocution à ses frères, avant la messe ; puis il resta pendant une heure entière abîmé dans une muette extase, et le lendemain, jour de la mort du Sauveur, il expira le 25 mars 1513.
Martyrologe
En Afrique, les saints martyrs Victorien, proconsul de Carthage, et deux frères de la ville d’Aquarège; en outre deux marchands, nommés Frumence. Selon ce que rapporte Victor, évêque d’Afrique, ces saints, à l’époque de la persécution des Vandales, sous le roi arien Hunéric, souffrirent les plus cruelles tortures pour avoir confessé avec constance la foi catholique, puis reçurent la couronne de gloire.
De même, en Afrique saint Fidèle martyr.
En Afrique encore, saint Félix et vingt autres martyrs.
A Césarée de Palestine, saint Nicon et quatre-vingt-dix-neuf autres martyrs.
De plus, le triomphe des saints martyrs Domice, Pélagie, Aquila, Éparque et Théodosie.
A Lima, dans le Pérou, saint Turibe évêque, qui, par son zèle, propagea dans toute l’Amérique la foi et la discipline ecclésiastique.
A Antioche, saint Théodule prêtre.
A Barcelone, en Espagne, saint Joseph Oriol, prêtre, bénéficier de l’église de Sainte-Marie-des-Rois. Il s’est rendu célèbre par la pratique de toutes les vertus, surtout par la rigueur avec laquelle il traitait son corps, par le culte de la pauvreté, par sa charité envers les pauvres et les infirmes. Illustre par les miracles opérés pendant sa vie et après sa mort, il a été canonisé par le pape Pie X.
A Césarée, saint Julien confesseur.
En Campanie, saint Benoît moine, qui, enfermé par les Goths dans un four brûlant, fut le lendemain retrouvé n’ayant éprouvé aucun mal.
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