Messe du jeudi de la Première semaine de la Passion – Notre âme, la pénitente, lave les pieds du Seigneur.
La basilique in archipresbyteratu est dédiée en l’honneur de saint Apollinaire, le céleste patron des habitants de Ravenne, très puissants dans le haut moyen âge, quand, grâce au séjour des exarques byzantins dans cette ville, ses archevêques, à l’imitation des patriarches œcuméniques de Constantinople, commencèrent à se faire les égaux des Papes. Il fallait donc user de grands égards vis-à-vis de ces prélats, et ce fut justement durant la période de leur puissance — quand Grégoire le Grand lui-même attribua dans les fonctions papales une place d’honneur à l’apocrisiaire des métropolitains de Ravenne à Rome — que s’élevèrent diverses églises et chapelles dédiées à saint Apollinaire. Il y en avait une au Vatican, une autre au Latran, une troisième, celle de la station de ce jour, près des thermes de Sévère, une autre enfin sur la voie Appia. Rome, et elle avait bien sujet d’agir ainsi, en professant ce culte particulier envers saint Apollinaire, mettait en relief le fait qu’il avait été disciple de Pierre, de qui il avait reçu la mission d’évangéliser les Romagnes. Mais il ne manqua pas d’archevêques de Ravenne pour tenter de se soustraire entièrement à la juridiction pontificale, et c’est ainsi que dans le missel romain, au jour de la fête de saint Apollinaire, les lectures ne cessent d’inculquer l’humilité et le mépris de cet esprit de domination orgueilleuse qui caractérise les autorités séculières. Sous l’autel principal de notre basilique in archipresbyteratu, on garde des reliques des martyrs arméniens Eustase, Mardarius, Eugène, Oreste et Eusence très célèbres chez les Orientaux.
C’est aujourd’hui le dernier jeudi avant le Jeudi-Saint, avant le jour du lavement des pieds, de l’institution de la Sainte Eucharistie, de l’agonie du Seigneur. Dans huit jours aujourd’hui, les pénitents, fondant en larmes, s’agenouilleront à la porte de l’église ; ils laveront en quelque sorte les pieds du Christ avec leurs larmes. Alors, leur « captivité de Babylone » sera terminée. La messe d’aujourd’hui est une anticipation de la réconciliation des pénitents : c’est nettement une messe de pénitents. C’est pourquoi les antiennes directrices du jour ne sont pas tirées de l’Évangile du jour, mais empruntées au Jeudi-Saint : « Le Maître dit : mon temps est proche, je fais la Pâque chez toi avec mes disciples » (Ant. Bened.). « J’ai désiré, d’un ardent désir, de manger cet agneau pascal avec vous avant que de souffrir » (Ant. Magn.). Le matin, comme le soir, la pensée directrice est celle de la Cène.
- La messe (Omnia quae). Nous nous rendons dans l’église de station de saint Apollinaire. Le célèbre évêque de Ravenne, le disciple de saint Pierre, que l’Église fête le 23 juillet, était aussi très honoré à Rome. On lui dédia une basilique qui devint église de station. La messe présente une unité parfaite d’impression et de contenu. Les sentiments de pénitence de Madeleine et de Daniel en exil sont les mêmes ; c’est le même abandon à Dieu, le même désir d’expier. Ce sont ces sentiments que nous devons nous approprier en tant que pénitents. La leçon et trois chants psalmodiques nous conduisent en exil. L’Église aime, en effet, comparer le Carême avec la captivité des Juifs à Babylone.
La leçon est une émouvante prière de Daniel, pour demander le pardon de son peuple : « Ne détruis pas, ô Dieu, l’alliance que nous avons brisée par nos péchés, nous sommes abattus par le péché, mais, dans notre esprit d’humilité et avec notre cœur contrit, reçois-nous. Que notre sacrifice d’expiation te plaise ! Maintenant nous voulons te servir ». Puissent ces paroles être pour nous la vérité ! Nous trouvons dans l’Introït des pensées de pénitence semblables : « Ton jugement sur nous est juste, nous avons péché — mais maintenant agis selon ta miséricorde ». Il y a, dans le psaume 118, une ardente aspiration vers l’innocence : « Bienheureux ceux qui marchent dans l’innocence… » Dans leur patrie, les Juifs avaient foulé la Loi aux pieds ; maintenant, dans l’exil, ils ont appris à l’aimer. C’est désormais le seul lien qui les rattache à Dieu, car « il n’y a plus de temple, de sacrifices… » (les pénitents, eux non plus, n’ont pas le droit de participer au Saint-Sacrifice, eux non plus ne peuvent plus honorer Dieu que par la pénitence et l’obéissance).
A l’Offertoire, la communauté pénitente chante la touchante élégie de l’exil et de la nostalgie : « Sur les fleuves de Babylone, nous nous sommes assis et nous avons pleuré en nous rappelant Sion… » Les fidèles chantent ce cantique nostalgique au nom des pénitents qui viennent justement de quitter l’église. Nous soupirons, nous aussi, vers la grâce du pardon, vers Pâques.
Tout ce que pouvait produire l’Ancien Testament était ceci : la reconnaissance des péchés, l’acceptation de la peine, le repentir profond. Le Nouveau Testament est bien plus consolant : il nous donne la grâce du pardon. L’Évangile nous raconte la conversion de la Madeleine (Saint Grégoire le Grand et les textes liturgiques identifient Marie-Madeleine et la pécheresse). « Quand je pense à Marie-Madeleine, j’aimerais mieux pleurer que de parler. Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas se sentir poussé à la pénitence par les larmes de la pécheresse » (Saint Grégoire). Le Sauveur se montre l’ami des pécheurs. Il accepte l’invitation du Pharisien, tolère son manque d’égard afin de pouvoir verser sur un cœur malade le baume du pardon, bien plus, pour dire au monde entier qu’il est prêt à pardonner à tous les pécheurs (1). Quelle parole consolante pour tous les pécheurs : « Beaucoup de péchés lui ont été remis parce qu’elle a beaucoup aimé ! » Madeleine sera admise, plus tard, la première, à saluer le Ressuscité. Elle symbolisera, dans tous les temps, l’amour de Jésus pour les pécheurs. Cette péricope n’est-elle pas une douce consolation pour les pénitents ? Elle leur dit que le péché n’empêchera pas l’ascension de leur âme ; ils pourront même, par un grand amour du Christ, dépasser les fidèles.
- Le psaume 136. Il y a peu de psaumes, dans le psautier, qui, dès la première lecture, fassent une aussi profonde impression que celui-là C’est une élégie émouvante. Ce psaume nous transporte aux pénibles jours de la captivité de Babylone. Loin de Jérusalem, du temple, des lieux de bénédiction et de joie, le peuple juif est assis, inconsolable, parmi les saules, près du grand fleuve de Babylone. On n’entend plus de chant ; les harpes se sont tues et les captifs ne peuvent plus que verser des larmes de regret et de deuil.
Pourtant, le tableau devient encore plus émouvant. Soit par une dérision méchante, soit par sympathie réelle, leurs vainqueurs leur demandent de chanter leurs saints cantiques qui sont universellement célèbres. Mais les Juifs repoussent une telle prétention : « Comment pourrions-nous chanter les chants du Seigneur sur la terre étrangère ? » Ce serait les profaner, ce serait « oublier Jérusalem ». Ce serait une ingratitude envers notre chère Sion, nous ne pouvons pas.
Alors le psalmiste lève sa main droite et jure solennellement de ne jamais prêter sa main à, un tel jeu, sa langue à un tel chant. Il va même jusqu’à prononcer contre lui-même une imprécation : il demande que sa main se dessèche et que sa langue se colle à son palais s’il vient à manquer à, son vœu. Chez l’homme naturel, non racheté, l’amour ardent s’unit à, la haine contre ceux qui s’opposent à cet amour. Aussi l’amour de Sion, à qui il jure un serment de fidélité, porte le psalmiste à prononcer de terribles malédictions contre les auteurs de son malheur et ceux qui se sont réjouis de ce malheur. Rien n’avait tant indigné les Juifs que l’attitude hostile de leurs antiques rivaux, les Édomites, au moment de la ruine de Jérusalem. Ils les entendent encore exciter les destructeurs en leur criant, pleins de joie maligne : « Détruisez-la, détruisez-la jusque dans ses fondements. » La dernière malédiction du psalmiste est adressée à l’impitoyable Babylone qui a accablé le peuple juif de malheurs indicibles. Cette effroyable malédiction termine d’une manière énergique ce psaume d’une grande beauté psychologique.
Nous mettons aujourd’hui ce psaume dans la bouche des pénitents. Eux aussi, dans un deuil semblable, sont éloignés de la patrie et « assis sur les fleuves de Babylone » ; avec la même ardeur, ils implorent la réconciliation avec l’Église. Nous aussi, nous pouvons partager ce deuil et cette ardente imploration.
- Les oraisons. — Assurément l’Évangile, d’une si fine psychologie, les passages qui traitent de la captivité de Babylone, les deux antiennes qui nous parlent de la Cène, fournissent une riche matière pour nourrir notre vie intérieure. Cependant, comme nous sommes trop enclins à négliger les courtes oraisons, faisons-en l’objet d’une méditation particulière. Quel aliment fournissent-elles à notre vie intérieure ?
La collecte. La dignité de la nature humaine a été blessée par l’intempérance ; c’est pourquoi nous demandons que cette dignité soit réparée par la tempérance (le jeûne). Quelle profonde pensée ! Comme le jeûne nous apparaît sous un nouveau jour ! L’intempérance d’Adam a introduit le péché ; il nous faut donc vivre avec tempérance pour surmonter le péché. La gourmandise d’Adam et d’Ève a profané la noblesse de la nature humaine, notre jeûne doit la rétablir. Le jeûne est donc un remède contre la blessure que le premier homme a faite à notre nature. Il s’agit du jeûne au sens large ; l’oraison emploie le mot parsimonia-modération, abstinence. Ce mot rappelle l’hymne : « Utamur ergo parcius verbis cibis et potibus, jocis… » (Soyons plus modérés, dans les paroles, la nourriture et la boisson, le sommeil et les plaisanteries). Ainsi donc, le Carême nous apparaît sous un nouvel aspect, comme un temps de cure et de réforme de la nature humaine blessée par le péché originel.
La secrète considère les oblats, le pain et le vin ; ce sont des productions naturelles destinées par Dieu à nous nourrir et à soutenir notre faiblesse corporelle — ce sont ces offrandes que Dieu réclame de préférence pour son Saint-Sacrifice ; elles doivent être, aussi, un secours pour la vie spirituelle sur la terre et un mystère pour l’éternité.
La postcommunion nous est connue ; le prêtre la récite chaque jour à l’ablution du calice ; elle est ici à sa place primitive. L’oraison distingue entre la communion de la bouche et la communion de l’âme. On peut recevoir la Sainte-Eucharistie seulement par la bouche, sans la prendre d’un cœur pur et la conserver de même. Les saintes espèces sont un don temporel, elles disparaissent vite, mais l’effet spirituel peut et doit être éternel.
L’oraison sur le peuple présente, elle aussi, de belles pensées. Nous devons être remplis d’horreur pour le péché, car Dieu, lui aussi, l’a en horreur. Ce qui déplaît au Père, le fils doit le rejeter. Bien plus, un bon enfant doit observer avec une véritable joie les ordres et les commandements de son père. Telle est la prière que l’Église fait pour nous.
(1) Evangile [Luc, VII, 37-50]: « Et voici qu’une femme, qui était une pécheresse dans la ville, ayant su qu’il était à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d’albâtre, rempli de parfum ; et se tenant derrière lui, à ses pieds, elle se mit à arroser ses pieds de ses larmes, et elle les essuyait avec les cheveux de sa tête, et elle baisait ses pieds et les oignait de parfum. Voyant cela, le pharisien qui l’avait invité dit en lui-même : Si cet homme était prophète, il saurait certainement qui et de quelle espèce est la femme qui le touche ; car c’est une pécheresse. Et Jésus, prenant la parole, lui dit : Simon, j’ai quelque chose à te dire. Il répondit : Maître, dites. Un créancier avait deux débiteurs, l’un devait cinq cents deniers, et l’autre cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi les rendre, il leur remit à tous deux leur dette. Lequel donc l’aimera davantage ? Simon répondit : Je pense que c’est celui auquel il a remis davantage. Jésus lui dit : Tu as bien jugé. Et se tournant vers la femme, il dit à Simon : Tu vois là cette femme ? Je suis entré dans ta maison : tu ne m’as pas donné d’eau pour mes pieds ; mais elle a arrosé mes pieds de ses larmes, et elle les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas donné de baiser ; mais elle, depuis qu’elle est entrée, n’a pas cessé de baiser mes pieds. Tu n’as pas oint ma tête d’huile ; mais elle, elle a oint mes pieds de parfum. C’est pourquoi, je te le dis, beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on remet moins, aime moins. Alors il dit à cette femme : Tes péchés te sont remis. Et ceux qui étaient à table avec lui commencèrent à dire en eux-mêmes : Quel est celui-ci, qui remet les péchés ? Et il dit à la femme : Ta foi t’a sauvée ; va en paix. »
Sanctoral
Saint Benoît de Nursie, Abbé
Benoît né vers 480 à Nursie (Ombrie), de famille noble, commença ses études à Rome, puis, afin de se donner tout entier à Jésus-Christ se retira dans une profonde caverne en un lieu appelé Subiaco. Il y demeura caché pendant trois ans, sans que personne d’autre le sût qu’un moine nommé Romain, qui lui fournissait les choses nécessaires à la vie. Le diable ayant un jour excité en lui une violente tentation d’impureté, il se roula sur des épines, jusqu’à ce que, son corps étant tout déchiré, le sentiment de la volupté fût étouffé par la douleur. Déjà la renommée de sa sainteté se répandant hors de sa retraite, quelques moines se mirent sous sa conduite ; mais parce qu’ils ne pouvaient supporter des réprimandes méritées par leur vie licencieuse, ils résolurent de lui donner du poison dans un breuvage. Quand ils le lui présentèrent, le Saint brisa le vase d’un signe de croix, puis, quittant le monastère, il retourna dans la solitude. Mais comme de nouveaux disciples venaient chaque jour en grand nombre trouver Benoît, il édifia douze monastères et les munit de lois très saintes. Il se rendit ensuite au mont Cassin, où, trouvant une idole d’Apollon qu’on y honorait encore, il la brisa, renversa son autel, mit le feu au bois sacré, et construisit en ce lieu un petit sanctuaire à saint Martin et une chapelle à saint Jean ; il enseigna aussi aux habitants de cette contrée les préceptes de la religion chrétienne. Benoît croissait de jour en jour dans la grâce de Dieu ; il annonçait l’avenir par un esprit prophétique. Totila, roi des Goths, l’ayant appris, voulut éprouver s’il en était ainsi. 11 alla le trouver en se faisant précéder de son écuyer à qui il avait donné une suite et des ornements royaux, et qui feignait d’être le roi. Dès que Benoît l’eut aperçu, il lui dit : « Dépose, mon fils, dépose ce que tu portes, car cela n’est pas à toi ». Le Saint prédit à Totila lui-même qu’il entrerait dans Rome, qu’il passerait la mer, et qu’il mourrait au bout de neuf ans. Quelques mois avant de sortir de cette vie, Benoît annonça à ses disciples le jour de sa mort. Il commanda d’ouvrir le tombeau dans lequel il voulait être inhumé ; c’était six jours avant que l’on y déposât son corps. Le sixième jour, il voulut être porté à l’église, et c’est là, qu’après avoir reçu l’Eucharistie, et priant, les yeux au ciel, il rendit l’âme, entre les mains de ses disciples. Deux moines le virent monter au ciel paré d’un manteau très précieux, et environné de flambeaux resplendissants ; et ils entendirent un homme à l’aspect vénérable et tout éclatant qui se tenait un peu plus haut que la tête du Saint, et qui disait : Ceci est le chemin par lequel Benoît, le bien-aimé du Seigneur, est monté au ciel.
Quarante jours s’étaient à peine écoules depuis l’heureux moment où la blanche colombe du Cassin s’éleva au plus haut des cieux ; et Benoît, son glorieux frère, montait à son tour, par un chemin lumineux, vers le séjour de bonheur qui devait les réunir à jamais. Le départ de l’un et de l’autre pour la patrie céleste eut lieu dans cette période du Cycle qui correspond, selon les années, au saint temps du Carême ; mais souvent il arrive que la fête de la vierge Scholastique a déjà été célébrée, lorsque la sainte Quarantaine ouvre son cours ; tandis que la solennité de Benoît tombe constamment dans les jours consacrés à la pénitence quadragésimale. Le Seigneur, qui est le souverain maître des temps, a voulu que ses fidèles, durant les exercices de leur pénitence, eussent sous les yeux, chaque année, un si illustre modèle et un si puissant intercesseur. Avec quelle vénération profonde nous devons approcher aujourd’hui de cet homme merveilleux, de qui saint Grégoire a dit « qu’il fut rempli de l’esprit de tous les justes » ! Si nous considérons ses vertus, elles l’égalent à tout ce que les annales de l’Église nous présentent de plus saint ; la charité de Dieu et du prochain, l’humilité, le don de la prière, l’empire sur toutes les passions, en font un chef-d’œuvre de la grâce du Saint-Esprit. Les signes miraculeux éclatent dans toute sa vie par la guérison des infirmités humaines, le pouvoir sur les forces de la nature, le commandement sur les démons, et jusqu’à la résurrection des morts. L’Esprit de prophétie lui découvre l’avenir ; et les pensées les plus intimes des hommes n’ont rien de caché aux yeux de son esprit. Ces traits surhumains sont relevés encore par une majesté douce, une gravité sereine, une charité compatissante, qui brillent à chaque page de son admirable vie ; et cette vie, c’est un de ses plus nobles enfants qui l’a écrite : c’est le pape et docteur saint Grégoire le Grand, qui s’est chargé d’apprendre à la postérité tout ce que Dieu voulut opérer de merveilles dans son serviteur Benoît.
La postérité, en effet, avait droit de connaître l’histoire et les vertus de l’un des hommes dont l’action sur l’Église et sur la société a été le plus salutaire dans le cours des siècles : car, pour raconter l’influence de Benoît, il faudrait parcourir lus annales de tous les peuples de l’Occident, depuis le VIIe siècle jusqu’aux âges modernes. Benoît est le père de l’Europe ; c’est lui qui, par ses enfants, nombreux comme les étoiles du ciel et comme les sables de la mer, a relevé les débris de la société romaine écrasée sous l’invasion des barbares ; présidé à l’établissement du droit public et privé des nations qui surgirent après la conquête ; porté l’Évangile et la civilisation dans L’Angleterre, la Germanie, les pays du Nord, er jusqu’aux peuples slaves ; enseigné l’agriculture ; détruit l’esclavage ; sauvé enfin le dépôt des lettres et des arts, dans le naufrage qui devait les engloutir sans retour, et laisser la race humaine en proie aux plus désolantes ténèbres. Et toutes ces merveilles, Benoît les a opérées par cet humble livre qui est appelé sa Règle. Ce code admirable de perfection chrétienne et de discrétion a discipliné les innombrables légions de moines par lesquels le saint Patriarche a opéré tous les prodiges que nous venons d’énumérer. Jusqu’à la promulgation de ces quelques pages si simples et si touchantes, l’élément monastique, en Occident, servait à la sanctification de quelques âmes ; mais rien ne faisait espérer qu’il dût être, plus qu’il ne l’a été en Orient, l’instrument principal de la régénération chrétienne et de la civilisation de tant de peuples. Cette Règle est donnée ; et toutes les autres disparaissent successivement devant elle, comme les étoiles pâlissent au ciel quand le soleil vient à se lever. L’Occident se couvre de monastères, et de ces monastères se répandent sur l’Europe entière tous les secours qui en ont fait la portion privilégiée du globe. Un nombre immense de saints et de saintes qui reconnaissent Benoit pour leur père, épure et sanctifie la société encore à demi-sauvage ; une longue série de souverains Pontifes, formés dans le cloître bénédictin, préside aux destinées de ce monde nouveau, et lui crée des institutions fondées uniquement sur la loi morale, et destinées à neutraliser la force brute, qui sans elles eût prévalu ; des évoques innombrables, sortis de l’école de Benoît, appliquent aux provinces et aux cités ces prescriptions salutaires ; les Apôtres de vingt nations barbares affrontent des races féroces et incultes, portant d’une main l’Évangile et de l’autre la Règle de leur père ; durant de longs siècles, les savants, les docteurs, les instituteurs de l’enfance, appartiennent presque tous à la famille du grand Patriarche qui, par eux, dispense la plus pure lumière aux générations. Quel cortège autour d’un seul homme, que cette armée de héros de toutes les vertus, de Pontifes, d’Apôtres, de Docteurs, qui se proclament ses disciples, et qui aujourd’hui s’unissent à l’Église entière pour glorifier le souverain Seigneur dont la sainteté et la puissance ont paru avec un tel éclat dans la vie et les œuvres de Benoît !
Bienheureux Amédée IX, Duc de Savoie (+ 1472)
Duc de Savoie, il est né à Thonon-les-Bains le 1er février 1435. A dix-sept ans, il épousa la sœur du roi Louis XII. Ils eurent sept enfants et formèrent un ménage heureux. Atteint d’épilepsie, il accepta cette maladie comme une participation à la souffrance du Christ. Il fut grandement assisté par sa femme dans l’exercice du pouvoir. Il fut obligé d’abdiquer en sa faveur.
Fréquent pèlerin du Saint Suaire qui se trouvait alors à Chambéry, il laissa surtout le souvenir d’une grande charité envers les pauvres. « Amédée de Savoie met les pauvres à l’honneur et les riches au rencart », disait le duc de Milan, François Sforza. Amédée IX meurt le 30 mars 14726. Son corps est enterré dans la cathédrale Saint-Eusèbe de Verceil (Piémont). Il est béatifié en 1677 par le Pape Paul V suite à une demande faite par saint François de Sales en 1612.
Martyrologe
Au Mont-Cassin, l’anniversaire de saint Benoît abbé, qui rétablit et propagea de façon merveilleuse en Occident la discipline monastique, presque entièrement ruinée. Sa vie, éclatante de vertus et de miracles, a été écrite par le pape saint Grégoire.
A Catane, en Sicile, saint Birille, qui fut ordonné évêque par le bienheureux Pierre. Après avoir converti à la foi un grand nombre de païens, il s’endormit en paix dans une extrême vieillesse.
A Alexandrie, la commémoraison des saints martyrs, qui, sous l’empereur Constance et le préfet Philagre, furent massacrés par les ariens et les païens, qui avaient fait irruption dans les églises au jour anniversaire de la Passion du Seigneur.
Le même jour, les saints martyrs Philémon et Domnin.
A Alexandrie, le bienheureux Sérapion, anachorète, puis évêque de Thmuis, homme d’une vertu consommée. Envoyé en exil par un effet de la fureur des ariens, il passa de cette vie au Seigneur en vrai confesseur de la foi.
Dans le Lyonnais, saint Lupicin abbé, célèbre par sa vie sainte et la gloire de ses miracles.
Au lieu dit Ranft, près de Sachseln, en Suisse, saint Nicolas de Flue, père de famille, puis anachorète, célèbre par sa rigoureuse pénitence et son mépris du monde. Les Suisses l’ont surnommé le père de la patrie. Il a été inscrit au nombre des Saints par le pape Pie XII.
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