Sanctoral
Ascension de Notre Seigneur : « L’Ascension du Christ est notre élévation. »
Le jour s’est levé radieux, la terre qui s’émut à la naissance de l’Emmanuel éprouve un tressaillement inconnu ; l’ineffable succession des mystères de l’Homme-Dieu est sur le point de recevoir son dernier complément. Mais l’allégresse de la terre est montée jusqu’aux cieux ; les hiérarchies angéliques s’apprêtent à recevoir le divin chef qui leur fut promis, et leurs princes sont attentifs aux portes, prêts à les lever quand le signal de l’arrivée du triomphateur va retentir. Les âmes saintes, délivrées des limbes depuis quarante jours, planent sur Jérusalem, attendant l’heureux moment où la voie du ciel, fermée depuis quatre mille ans par le péché, s’ouvrant tout à coup, elles vont s’y précipiter à la suite de leur Rédempteur. L’heure presse, il est temps que notre divin Ressuscité se montre, et qu’il reçoive les adieux de ceux qui l’attendent d’heure en heure, et qu’il doit laisser encore dans cette vallée de larmes. Tout à coup il apparaît au milieu du Cénacle. Le cœur de Marie a tressailli, les disciples et les saintes femmes adorent avec attendrissement celui qui se montre ici-bas pour la dernière fois. Jésus daigne prendre place à table avec eux ; il condescend jusqu’à partager un dernier repas, non plus dans le but de les rendre certains de sa résurrection ; il sait qu’ils n’en doutent plus ; mais, au moment d’aller s’asseoir à la droite du Père, il tient à leur donner cette marque si chère de sa divine familiarité. O repas ineffable, où Marie goûte une dernière fois en ce monde le charme d’être assise aux côtés de son fils, où la sainte Église représentée par les disciples et par les saintes femmes est encore présidée visiblement par son Chef et son Époux ! Qui pourrait exprimer le respect, le recueillement, l’attention des convives, peindre leurs regards fixés avec tant d’amour sur le Maître tant aimé ? Ils aspirent à entendre encore une fois sa parole ; elle leur sera si chère à ce moment du départ ! Enfin Jésus ouvre la bouche ; mais son accent est plus grave que tendre. Il débute en leur rappelant l’incrédulité avec laquelle ils accueillirent la nouvelle de sa résurrection. Au moment de leur confier la plus imposante mission qui ait jamais été transmise à des hommes, il veut les rappeler à l’humilité. Sous peu de jours ils seront les oracles du monde, le monde devra croire sur leur parole, et croire ce qu’il n’a pas vu, ce qu’eux seuls ont vu. C’est la foi qui met les hommes en rapport avec Dieu ; et cette foi, eux-mêmes ne l’ont pas eue tout d’abord : Jésus veut recevoir d’eux une dernière réparation pour leur incrédulité passée, afin que leur apostolat soit établi sur l’humilité. Prenant ensuite le ton d’autorité qui convient à lui seul, il leur dit : « Allez dans le monde entier, prêchez l’Évangile à toute créature. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera condamné ». Et cette mission de prêcher l’Évangile au monde entier, comment l’accompliront-ils ? Par quel moyen réussiront-ils à accréditer leur parole ? Jésus le leur indique : « Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : ils chasseront les démons en mon nom ; ils parleront des langues nouvelles ; ils prendront les serpents avec la main ; s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur nuira pas ; ils imposeront les mains sur les malades, et les malades seront guéris ». Il veut que le miracle soit le fondement de son Église, comme il l’a choisi pour être l’argument de sa mission divine. La suspension des lois de la nature annonce aux hommes que l’auteur de la nature va parler ; c’est à eux alors d’écouter et de croire humblement.
Voilà donc ces hommes inconnus au monde, dépourvus de tout moyen humain, les voilà investis de la mission de conquérir la terre et d’y faire régner Jésus-Christ. Le monde ignore jusqu’à leur existence ; sur son trône impérial, Tibère, qui vit dans la frayeur des conjurations, ne soupçonne en rien cette expédition d’un nouveau genre qui va s’ouvrir, et dont l’empire romain doit être la conquête. Mais à ces guerriers il faut une armure, et une armure de trempe céleste. Jésus leur annonce qu’ils sont au moment de la recevoir. « Demeurez dans la ville, leur dit-il, jusqu’à ce que vous ayez été revêtus de la vertu d’en haut ». Or, quelle est cette armure ? Jésus va le leur expliquer. Il leur rappelle la promesse du Père, « cette promesse, dit-il, que vous avez entendue par ma bouche. Jean a baptisé dans l’eau ; mais vous, sous peu de jours, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit ». Mais l’heure de la séparation est venue. Jésus se lève, et l’assistance tout entière se dispose à suivre ses pas. Cent vingt personnes se trouvaient là réunies avec la mère du divin triomphateur que le ciel réclamait. Le Cénacle était situé sur la montagne de Sion, l’une des deux collines que renfermait l’enceinte de Jérusalem. Le cortège traverse une partie de la ville, se dirigeant vers la porte orientale qui ouvre sur la vallée de Josaphat. C’est la dernière fois que Jésus parcourt les rues de la cité réprouvée. Invisible désormais aux yeux de ce peuple qui l’a renié, il s’avance à la tête des siens, comme autrefois la colonne lumineuse qui dirigeait les pas du peuple israélite. Qu’elle est belle et imposante cette marche de Marie, des disciples et des saintes femmes, à la suite de Jésus qui ne doit plus s’arrêter qu’au ciel, à la droite du Père ! La piété du moyen âge la célébrait jadis par une solennelle procession qui précédait la Messe de ce grand jour. Heureux siècles, où les chrétiens aimaient à suivre chacune des traces du Rédempteur, et ne savaient pas se contenter, comme nous, de quelques vagues notions qui ne peuvent enfanter qu’une piété vague comme elles ! On songeait aussi alors aux sentiments qui durent occuper le cœur de Marie durant ces derniers instants qu’elle jouissait de la présence de son fils. On se demandait qui devait l’emporter dans ce cœur maternel, de la tristesse de ne plus voir Jésus, ou du bonheur de sentir qu’il allait entrer enfin dans la gloire qui lui était due. La réponse venait promptement à la pensée de ces véritables chrétiens, et nous aussi, nous nous la ferons à nous-mêmes. Jésus n’avait-il pas dit à ses disciples : « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je m’en vais à mon Père ? » Or, qui aima plus Jésus que ne l’aima Marie ? Le cœur de la mère était donc dans l’allégresse au moment de cet ineffable adieu. Marie ne pouvait songer à elle-même, quand il s’agissait du triomphe dû à son fils et à son Dieu. Après les scènes du Calvaire, pouvait-elle aspirer à autre chose qu’à voir glorifié enfin celui qu’elle connaissait pour le souverain Seigneur de toutes choses, celui qu’elle avait vu si peu de jours auparavant renié, blasphémé, expirant dans toutes les douleurs.
Le cortège sacré a traversé la vallée de Josaphat, il a passé le torrent de Cédron, et il se dirige sur la pente du mont des Oliviers. Quels souvenirs se pressent à la pensée ! Ce torrent, dont le Messie dans ses humiliations avait bu l’eau bourbeuse, est devenu aujourd’hui le chemin de la gloire pour ce même Messie. Ainsi l’avait annoncé David. On laisse sur la gauche le jardin qui fut témoin de la plus terrible des agonies, cette grotte où le calice de toutes les expiations du monde fut présenté à Jésus et accepté par lui. Après avoir franchi un espace que saint Luc mesure d’après celui qu’il était permis aux Juifs de parcourir le jour du Sabbat, on arrive sur le territoire de Béthanie, cet heureux village où Jésus, dans les jours de sa vie mortelle, recherchait l’hospitalité dé Lazare et de ses sœurs. De cet endroit de la montagne des Oliviers on avait la vue de Jérusalem, qui apparaissait superbe avec son temple et ses palais. Cet aspect émeut les disciples. La patrie terrestre fait encore battre le cœur de ces hommes ; un moment ils oublient la malédiction prononcée sur l’ingrate cité de David, et semblent ne plus se souvenir que Jésus vient de les faire citoyens et conquérants du monde entier. Le rêve de la grandeur mondaine de Jérusalem les a séduits tout à coup, et ils osent adresser cette question à leur Maître : « Seigneur, est-ce à ce moment que vous rétablirez le royaume d’Israël ? »
Jésus répond avec une sorte de sévérité à cette demande indiscrète : « Il ne vous appartient pas de savoir les temps et les moments que le Père a réservés à son pouvoir. » Ces paroles n’enlevaient pas l’espoir que Jérusalem fût un jour réédifiée par Israël devenu chrétien ; mais ce rétablissement de la cité de David ne devant avoir lieu que vers la fin des temps, il n’était pas à propos que le Sauveur fît connaître le secret divin. La conversion du monde païen, la fondation de l’Église, tels étaient les objets qui devaient préoccuper les disciples. Jésus les ramène tout aussitôt à la mission qu’il leur donnait il y a peu d’instants : « Vous allez recevoir, leur dit-il, la vertu du Saint-Esprit qui descendra sur vous, et vous serez mes témoins dans Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre ».
Selon une tradition qui remonte aux premiers siècles du christianisme, il était l’heure de midi, l’heure à laquelle Jésus avait été élevé sur la croix, lorsque, jetant sur l’assistance un regard de tendresse qui dut s’arrêter avec une complaisance filiale sur Marie, il éleva les mains et les bénit tous. A ce moment ses pieds se détachèrent de la terre, et il s’élevait au ciel. Les assistants le suivaient du regard ; mais bientôt il entra dans une nuée qui le déroba à leurs yeux. C’en était fait : la terre avait perdu son Emmanuel. Quarante siècles l’avaient attendu, et il s’était rendu enfin aux soupirs des Patriarches et aux vœux enflammés des Prophètes. Nous l’adorâmes, captif de notre amour, dans les chastes flancs de la Vierge bénie. Bientôt l’heureuse mère nous le présenta sous l’humble toit d’une étable à Bethléhem. Nous le suivîmes en la terre d’Égypte, nous l’accompagnâmes au retour, et nous vînmes nous fixer avec lui à Nazareth. Lorsqu’il partit pour exercer sa mission de trois ans dans sa patrie terrestre, nous nous attachâmes à ses pas, ravis des charmes de sa personne, écoutant ses discours et ses paraboles, assistant à ses prodiges. La malice de ses ennemis étant montée à son comble, et l’heure venue où il devait mettre le sceau à cet amour qui l’avait attiré du ciel en terre par la mort sanglante et ignominieuse de la croix, nous recueillîmes son dernier soupir et nous fûmes inondés de son sang divin. Le troisième jour, il s’échappait de son sépulcre vivant et victorieux, et nous étions là encore pour applaudir à son triomphe sur la mort, par lequel il nous assurait la gloire d’une résurrection semblable à la sienne. Durant les jours qu’il a daigné habiter encore cette terre, notre foi ne l’a pas quitté ; nous eussions voulu le conserver toujours ; et voici qu’à cette heure même il échappe à nos regards, et notre amour n’a pu le retenir ! Plus heureuses que nous, les âmes des justes qu’il avait délivrées des limbes l’ont suivi dans son vol rapide, et elles jouissent pour l’éternité des délices de sa présence. Les disciples tenaient encore les yeux fixés au ciel, lorsque soudain deux Anges vêtus de blanc se présentèrent à eux et leur dirent : « Hommes de Galilée, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus qui vous a quittés pour s’élever au ciel reviendra un jour en la même manière que vous l’avez vu monter ». Ainsi, le Sauveur est remonté, et le juge doit un jour redescendre : toute la destinée de l’Église est comprise entre ces deux termes. Nous vivons donc présentement sous le régime du Sauveur ; car notre Emmanuel nous a dit que « le fils de l’homme n’est pas venu pour juger le monde, mais afin que le monde soit sauvé par lui » ; et c’est dans ce but miséricordieux que les disciples viennent de recevoir la mission d’aller par toute la terre et de convier les hommes au salut, pendant qu’il en est temps encore. Quelle tâche immense Jésus leur a confiée ! Et au moment où il s’agit pour eux de s’y livrer, il les quitte ! Il leur faut descendre seuls cette montagne des Oliviers d’où il est parti pour le ciel. Leur cœur cependant n’est pas triste ; ils ont Marie avec eux, et la générosité de cette mère incomparable se communique à leurs âmes. Ils aiment leur Maître ; leur bonheur est désormais de penser qu’il est entré dans son repos. Les disciples rentrèrent dans Jérusalem, « remplis d’une « vive allégresse », nous dit saint Luc, exprimant par ce seul mot l’un des caractères de cette ineffable fête de l’Ascension, de cette fête empreinte d’une si douce mélancolie, mais qui respire en même temps plus qu’aucune autre la joie et le triomphe.
Durant son Octave, nous essayerons d’en pénétrer les mystères et de la montrer dans toute sa magnificence ; aujourd’hui nous nous bornerons à dire que cette solennité est le complément de tous les mystères de notre divin Rédempteur, qu’elle est du nombre de celles qui ont été instituées par les Apôtres eux-mêmes ; enfin qu’elle a rendu sacré pour jamais le jeudi de chaque semaine, jour rendu déjà si auguste par l’institution de la divine Eucharistie. Nous avons parlé de la procession solennelle par laquelle on célébrait, au moyen âge, la marche de Jésus et de ses disciples vers le mont des Oliviers ; nous devons rappeler aussi qu’en ce jour on bénissait solennellement du pain et des fruits nouveaux, en mémoire du dernier repas que le Sauveur avait pris dans le Cénacle. Imitons la piété de ces temps où les chrétiens avaient à cœur de recueillir les moindres traits de la vie de l’Homme-Dieu, et de se les rendre propres, pour ainsi dire, en reproduisant dans leur manière de vivre toutes les circonstances que le saint Évangile leur révélait. Jésus-Christ était véritablement aimé et adoré dans ces temps où les hommes se souvenaient sans cesse qu’il est le souverain Seigneur, comme il est le commun Rédempteur. De nos jours, c’est l’homme qui règne, à ses risques et périls ; Jésus-Christ est refoulé dans l’intime de la vie privée. Et pourtant il a droit à être notre préoccupation de tous les jours et de toutes les heures ! Les Anges dirent aux Apôtres : « En la manière que vous l’avez vu monter, ainsi un jour il descendra. » Puissions-nous l’avoir aimé et servi durant son absence avec assez d’empressement, pour oser soutenir ses regards lorsqu’il apparaîtra tout à coup !
Saint Robert Bellarmin, Évêque et Docteur de l’Église
Robert, né à Montepulciano et de la noble famille des Bellarmin, avait pour mère la très pieuse Cynthia Cervin, sœur du pape Marcel II. Dès son plus jeune âge, il a brillé par sa piété exemplaire et ses chastes mœurs, désirant ardemment une seule chose, plaire à Dieu seul et gagner des âmes au Christ. Il a fréquenté le collège de la Compagnie de Jésus dans sa ville natale où il a été vivement félicité pour son intelligence et sa modestie. À l’âge de dix-huit ans il entra dans la même Société à Rome, et il a été un modèle de toutes les vertus religieuses. Après avoir traversé le cours de philosophie au Collège romain, il est envoyé d’abord à Florence, puis à Monreale, plus tard, à Padoue pour y enseigner la théologie sacrée, et ensuite à Louvain, où, alors qu’il n’était pas encore prêtre, il s’est habilement acquitté de la charge de prédicateur. Après son ordination, à Louvain, il a enseigné la théologie avec un tel succès qu’il a ramené beaucoup d’hérétiques à l’unité de l’Église, et il était considéré en Europe comme le plus brillant théologien ; Saint-Charles, évêque de Milan, et d’autres encore lui demandaient expressément ses avis. Rappelé à Rome à la volonté du Pape Grégoire XIII, il a enseigné la science de la théologie de controverse au Collège romain, et là, comme directeur spirituel, il a guidé le jeune angélique Louis de Gonzague sur les chemins de la sainteté. Il a gouverné le Collège romain, puis la province napolitaine de la Compagnie de Jésus en conformité avec l’esprit de saint Ignace. Encore une fois convoqué à Rome, il fut employé par Clément VIII dans les affaires les plus importantes de l’Église, avec le plus grand avantage pour l’État chrétien, puis contre sa volonté et en dépit de son opposition, il fut admis au nombre des cardinaux, parce que le Pontife déclara publiquement qu’il n’avait pas son égal parmi les théologiens dans l’Église de Dieu à l’époque. Il fut consacré évêque par le même Pape, et administra l’archidiocèse de Capoue d’une manière très sainte pendant trois ans : après avoir démissionné de cette charge, il a vécu à Rome jusqu’à sa mort, en tant que conseiller le plus impartial et fidèle au Pontife Suprême. Il écrivit beaucoup, et d’une manière admirable. Son principal mérite réside dans sa victoire complète dans la lutte contre les nouvelles erreurs, au cours de laquelle il se distingua comme un vengeur acharné de la tradition catholique et les droits du Siège romain. Il a obtenu cette victoire en suivant saint Thomas comme son guide et son maître, par une considération prudente des besoins de son temps, par son enseignement irréfragable, et par une richesse très abondante de témoignages bien choisis à partir des écrits sacrés puisés à la source riche des Pères de l’Église. Il est éminemment reconnu pour de très nombreuses œuvres courtes pour favoriser la piété, et en particulier pour ce Catéchisme d’or, qu’il ne manquait jamais d’expliquer à la jeunesse et aux ignorants à la fois à Capoue et à Rome, bien que préoccupé par d’autres affaires très importantes. Un cardinal contemporain a déclaré que Robert a été envoyé par Dieu pour l’instruction des catholiques, pour la gouverne du bien, et pour la confusion des hérétiques, saint François de Sales le considérait comme une source d’apprentissage, le Souverain Pontife Benoît XIV l’appelait le marteau des hérétiques, et Benoît XV proclama en lui le modèle des promoteurs et des défenseurs de la religion catholique. Il était le plus zélé dans la vie religieuse et il a continué dans son mode de vie après avoir été admis parmi les cardinaux. Il ne voulait pas la richesse au-delà de ce qui était nécessaire, il était satisfait d’un ménage moyen, même dans ses dépenses et ses vêtements. Il ne chercha pas à enrichir sa propre famille, et il ne pouvait guère être amené à soulager leur pauvreté, même occasionnellement. Il avait peu de sentiment de lui-même, et était d’une simplicité merveilleuse d’âme. Il avait un amour extraordinaire pour la Mère de Dieu, il a passé de nombreuses heures par jour dans la prière. Il mangeait en très petite quantité et jeûnait trois fois par semaine. Austère avec lui-même, il a brûlé avec la charité envers le prochain, et il était souvent appelé le père des pauvres. Il espérait sincèrement qu’il n’avait pas taché son innocence baptismale à la moindre faute. A près de quatre-vingts ans, il tomba dans sa dernière maladie à Saint-André sur la colline du Quirinal, et en elle il montra son habituelle vertu rayonnante. Le Pape Grégoire XV et de nombreux cardinaux lui ont rendu visite sur son lit de mort, déplorant la perte d’un grand pilier de l’Église. Il s’endormit dans le Seigneur en l’an 1621, le jour des sacrés stigmates de saint François, dont il avait contribué à ce que la mémoire en soit célébrée partout. La ville entière pleura sa mort, et à l’unanimité le déclara un Saint. Le Souverain Pontife Pie XI a inscrit son nom, d’abord, dans livre des Bienheureux, puis dans celui des Saints, et peu après, par un décret de la Sacrée Congrégation des Rites, il le déclara Docteur de l’Église universelle. Son corps est honoré avec une vénération pieuse à Rome en l’église Saint-Ignace, près du tombeau de saint Louis de Gonzague, comme il l’avait souhaité.
Apparition de Notre Dame à Fatima le 13 mai 1917
Le choix, par Notre Dame, du 13 mai comme jour de sa première apparition, à Fatima, est comme un présage du grand triomphe à venir du Cœur Immaculé de Marie qu’elle annonça clairement deux mois plus tard, le 13 juillet. Ce triomphe « est absolument certain et se réalisera en dépit de tous les obstacles » (1), selon les paroles de Sœur Lucie au grand spécialiste officiel des apparitions, le Père Alonso. La date du 13 mai rappelle en effet deux victoires historiques de la foi catholique sur les fausses religions: la victoire définitive de notre foi, à Rome, sur le paganisme antique, en l’an 609 et la reconquête de Lisbonne sur les musulmans, au Portugal, en l’année 1147.
La date du 13 mai symbolise d’abord la victoire éblouissante, à Rome, de tous les martyrs chrétiens de la Ville et de ses alentours sur les faux dieux du paganisme antique. Ce fut en effet le 13 mai 609 que le Pape Boniface IV consacra le Panthéon qui, de temple de toutes les idoles païennes, devint un temple chrétien, qui prit le nom d’église « Sainte Marie aux Martyrs », et qui se remplit des précieuses reliques d’un nombre immense de martyrs chrétiens. Dom Guéranger (2) a narré ce fait historique en des pages magnifiques dont voici quelques extraits: « Lorsque Rome eut achevé la conquête du monde, elle dédia le plus durable monument de sa puissance à tous les dieux. Le Panthéon devait attester à jamais la reconnaissance de la cité reine. Cependant, conquise elle-même au Christ et investie par Lui de l’empire des âmes, son hommage se détourna des vaines idoles pour aller aux Martyrs qui, priant pour elle en mourant de sa main, l’avaient seuls faite éternelle. Ce fut à eux et à leur Reine, Marie, qu’au lendemain des invasions qui l’avaient châtiée sans la perdre, elle consacra, cette fois pour toujours, le Panthéon devenu chrétien. (…) Trois siècles durant, les catacombes restèrent le rendez-vous des athlètes du Seigneur au sortir de l’arène. Rome doit à ces vaillants un triomphe mieux mérité que ceux dont elle gratifia ses grands hommes d’autrefois. En 312 pourtant (3), Rome, désarmée, mais non encore changée dans son cœur, n’était rien moins que disposée à saluer de ses applaudissements les vainqueurs des dieux de l’Olympe et du Capitole. Tandis que la Croix forçait ses remparts, la “blanche légion” demeura cantonnée dans les retranchements des cimetières souterrains qui, comme autant de travaux d’approche, bordaient toutes les routes conduisant à la ville des Césars. Trois autres siècles étaient laissés à Rome pour satisfaire à la justice de Dieu, et prendre conscience du salut que lui ménageait la miséricorde. En 609, le patient travail de la grâce était accompli. Des lèvres de Boniface IV, Pontife suprême, descendait sur les cryptes sacrées le signal attendu. (…) C’est dans la majesté apostolique, c’est entouré d’un peuple immense, que le successeur de Pierre, que l’héritier du crucifié de Néron, se présente aux portes des catacombes. Ornés avec magnificence, vingt-huit chars l’accompagnent, et il convie à y monter les Martyrs. L’antique voie triomphale s’ouvre devant les Saints ! (…) Après six siècles de persécutions et de ruines, le dernier mot restait donc aux Martyrs: mot de bénédiction, signal de grâces pour la Babylone ivre naguère du sang chrétien. (…) Bien inspirée fut-elle, quand le temple, édifié par Marcus Agrippa, restauré par Sévère Auguste, étant devenu celui des saints Martyrs, elle crut devoir maintenir à son fronton le nom des constructeurs primitifs et l’appellation qu’ils lui avaient donnée; l’insigne monument ne justifia son titre qu’à dater de la mémorable journée où, sous sa voûte incomparable, image du ciel, Rome chrétienne put appliquer aux hôtes nouveaux du Panthéon la parole du Psaume: “J’ai dit: c’est vous les dieux” (Ps. 81, 6)! C’était le 13 mai qu’avait eu lieu la prise de possession triomphale. »
Quant à l’histoire portugaise, le 13 mai est la date qui, dans le calendrier liturgique propre du Patriarcat de Lisbonne (diocèse de la paroisse de Fatima en 1917), rappelait la reconquête de la ville de Lisbonne sur les musulmans. On y célébrait en effet la fête de la dédicace de la basilique Sainte Marie aux Martyrs de Lisbonne, dont voici l’origine : « Après la conquête de la ville de Santarem sur les musulmans (15 mars 1147), par Don Afonso Henriques, premier roi du Portugal et fondateur de la nation portugaise, les terres situées au nord du Tage se trouvaient presque entièrement restituées aux chrétiens. Mais Lisbonne restait encore sous domination musulmane. Don Afonso pria Notre Dame avec ferveur, comme c’était son habitude, et fut exaucé. Avec l’aide des Croisés, qui passaient par mer le long des côtes du Portugal pour se rendre en Terre Sainte et qu’il convia à venir l’aider, la ville de Lisbonne fut conquise et les chrétiens, qui vivaient là soumis, furent libérés. Les libérateurs, avec à leur tête le roi portugais, entrèrent par les murailles de la cité au son des hymnes religieux ; ce fut le 25 octobre 1147. En action de grâces, et pour accomplir sa promesse, le roi fit ériger deux basiliques ; l’une d’entre elles fut dédiée à Notre Dame des Martyrs : ses fondements reposaient sur le cimetière où avaient été enterrés les chrétiens qui avaient perdu la vie pour que Lisbonne, qui était restée 400 ans sous le joug des musulmans, redevienne chrétienne. En ce temps-là, on considérait comme martyrs tous les soldats qui mouraient dans la guerre contre les infidèles. La dédicace de ce temple fut fixée au 13 mai. » (4) Le choix du 13 mai fait par Notre Dame pour sa première apparition à Fatima est donc très significatif. Cette date, représentant des victoires définitives de l’Eglise catholique et de la société chrétienne sur les fausses religions les plus répandues à l’époque, le paganisme antique puis l’islam, manifeste bien le dessein de la divine Providence à Fatima : donner à l’Eglise et à la chrétienté des moyens surnaturels spécifiques à notre temps [pénitence et prière, spécialement le chapelet quotidien, dévotion réparatrice habituelle envers le Cœur Immaculé de Marie, avec pratique des premiers samedis du mois, acte de réparation et de consécration de la Russie à ce même Cœur], pour qu’elles puissent être pleinement victorieuses des « erreurs de la Russie » (5). Hélas, ces erreurs pernicieuses, qui représentaient une menace universelle en 1917, se sont de fait répandues partout depuis un siècle, les moyens surnaturels indiqués par le Ciel n’ayant jamais été prônés ni mis en œuvre par les autorités de l’Eglise ! A nous tous donc d’employer ces moyens avec esprit de foi, confiance et persévérance, et de les faire connaître autour de nous sans nous lasser, pour en répandre toujours plus la pratique, surtout en cette année centenaire de Fatima. Il en va du salut éternel de beaucoup d’âmes, et de la paix ou de la guerre pour le monde entier ! [Abbé Fabrice Delestre, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X ]
Martyrologe
Robert Bellarmin, de la Compagnie de Jésus, cardinal, et pendant un temps, évêque de Capoue, confesseur et docteur de l’église. Son anniversaire est mentionné le 15 des calendes d’octobre (17 septembre).
A Rome, la dédicace de l’église Sainte-Marie-aux-Martyrs, rite accompli par le bienheureux pape Boniface IV, qui purifia cet antique temple dédié à tous les dieux, sous le nom de Panthéon, puis le consacra en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie et de tous les martyrs, au temps de l’empereur Phocas. Dans la suite, le souverain pontife Grégoire IV décida que l’anniversaire solennel de cette dédicace se célébrerait aux calendes de novembre (1er novembre), et en l’honneur de tous les Saints.
A Constantinople, le bienheureux Muce, prêtre et martyr. Sous l’empereur Dioclétien et le proconsul Laodice, il eut beaucoup de peines et tourments à souffrir pour la confession du Christ, à Amphipolis, ville de Macédoine. Emmené ensuite à Byzance, il y fut condamné à la peine capitale.
A Alexandrie, la commémoraison de plusieurs saints martyrs que les ariens mirent à mort dans l’église de saint Théonas, en haine de la foi catholique.
A Héraclée, en Thrace, sainte Glycère, martyre romaine. Sous l’empereur Antonin et le prêfet Sabin, elle fut éprouvée par de nombreux et cruels tourments, dont elle sortit saine et sauve par la protection divine; elle fut enfin exposée aux bêtes, et sous la morsure de l’une d’elles rendit son âme à Dieu.
Près de Maëstricht, saint Servais, évêque de l’église de Tongres. Dieu, pour faire connaitre son mérite à tous, permit qu’en hiver, alors que tout le pays d’alentour était couvert de neige, son tombeau n’en fut jamais recouvert, jusqu’à ce que le soin des habitants eût pourvu à la construction d’une basilique en ce lieu.
En Palestine, saint Jean le Silentiaire. Après avoir abandonné le siège épiscopal de Colonia en Arménie, il alla pratiquer la vie monastique dans la laure de saint Sabbas, et y fit une sainte mort.
A La Puye, au diocèse de Poitiers, saint André-Hubert Fournet, confesseur. Il fut d’abord prêtre de paroisse, puis il fonda avec l’assistance de sainte Elisabeth Bichier des Ages, l’Institut des Filles de la Croix. Il a été inscrit au nombre des Saints par le pape Pie XI.
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