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Internement arbitraire : le précédent Wetzel

L’internement psychiatrique du CRS ayant un peu trop voulu faire connaître certaines vérités d’état n’est pas une première dans l’histoire de la République. Le maire de Sartrouville, Laurent Wetzel, à qui l’on reprochait d’être anticommuniste, connut ce sort-là. Visiblement, les méthodes brejnéviennes sont approuvées par la gauche française… Voici les faits tels qu’il les narre dans son livre Un internement politique sous la Ve République (Odilon Media, 1997).

« En juin 1995, après avoir conduit des combats politiques difficiles, je suis candidat à ma réélection comme maire de Sartrouville, 2e commune du département des Yvelines. Le 18 juin, le jour même du second tour des élections municipales, à minuit cinq, je suis arrêté, devant mon domicile, par Bertrand Affres, le commissaire de police, entouré de 5 agents de la Brigade Anti-Criminalité. Il me contraint à monter dans une ambulance qui doit, me dit-il, m’emmener à l’hôpital Sainte-Anne. Il refuse de me laisser téléphoner à un avocat, à un médecin, à mon épouse. Il me refuse même d’aller chercher une brosse à dents. A l’hôpital Sainte-Anne, le médecin de garde me questionne longuement et conclut : « Vous ne souffrez d’aucune pathologie mentale, votre hospitalisation n’aurait aucun sens ». J’ai obtenu plus tard copie des notes qu’il a écrites de sa main après m’avoir examiné. Il y affirmait effectivement :

« M. Wetzel, âgé de 45 ans, amené par la police, ne présente pas de troubles maniaques, ni dépressifs, ni dissociatifs, ni de comportement »

Je demande donc à ce médecin de me libérer pour rejoindre Sartrouville où le scrutin doit commencer quelques heures plus tard. Il croit nécessaire de consulter sa « hiérarchie », c’est-à-dire Guy Piau, Directeur de l’hôpital Sainte-Anne, dont je devais plus tard apprendre dans le Who’s Who qu’il avait été grand maître de la Grande Loge de France, et qui aurait dû, à ce titre, être tout particulièrement attaché au respect des droits de l’homme. Guy Piau lui donne alors l’ordre illégal de ne pas me laisser quitter l’hôpital Sainte-Anne où je serai séquestré pendant 12 jours par mesure préventive me diront des médecins dont les certificats reproduisent les calomnies que la police leur a communiquées sur mon compte. Une fois libre, j’écris au Préfet des Yvelines, Claude Erignac, pour lui demander des explications sur mon arrestation par la police qui n’aurait pu intervenir que dans le cadre d’une hospitalisation d’office prescrite par un arrêté préfectoral. Il me répond qu’il ne s’est pas agi d’une hospitalisation d’office mais d’une hospitalisation à la demande de ma famille. Or, cette procédure n’existe pas. L’hospitalisation sous contrainte, c’est soit l’hospitalisation d’office, soit l’hospitalisation à la demande d’un tiers, et cette dernière formule exclut l’intervention de la police et impose la présence du tiers demandeur. Claude Erignac reconnaît, par là- même, qu’il s’est agi d’un enlèvement par la police, qui a déterminé une séquestration. Il termine sa réponse en incriminant le commissaire de police et le Procureur de la République. J’en informe le commissaire de police qui m’assure avoir reçu ce qu’il appelle un « feu vert de sa hiérarchie » et proteste auprès du Préfet. Je reçois alors un second courrier, qui a reçu l’aval de Claude Erignac, qui est signé par Luc Rudolph, Directeur Départemental de la Sécurité Publique, et qui indique :

« Il est clair que M. Affres n’a pas agi de son propre chef et avait préalablement obtenu le « feu vert » de sa hiérarchie et de l’administration préfectorale ».

L’ « opération », comme l’appelle Luc Rudolph, c’est-à-dire mon enlèvement par la police, a ainsi été ordonné par de hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur, au passé expressif :

Mais il est clair aussi qu’une telle « opération », inédite dans l’histoire politique de notre pays, n’a pas pu être conduite par ces trois fonctionnaires sans qu’ils aient obtenu le « feu vert » de la « hiérarchie politique », c’est-à-dire, au moins, de Jean-Louis Debré, Ministre de l’Intérieur, et d’Alain Juppé, Premier Ministre, à l’époque où Claude Guéant était Directeur général de la Police nationale. Fin 1995, Jean-Louis Debré est d’ailleurs venu inaugurer le nouveau commissariat de Sartrouville, en présence de Claude Erignac, Luc Rudolph et Bertrand Affres, comme pour leur manifester sa satisfaction.

Peu après, j’ai annoncé publiquement, devant le Conseil général des Yvelines, que j’allais intenter des poursuites judiciaires contre les auteurs de mon arrestation illégale. Cela n’a pas ralenti leur carrière, bien au  contraire :

Les répercussions de cet enlèvement par la police et de cet internement arbitraire de 12 jours sur ma vie politique, professionnelle, sociale, familiale, personnelle, furent considérables.

Dès l’aube du 18 juin 1995, les militants RPR de Sartrouville font courir, partout dans la commune, dans les bistrots, dans les marchés, dans les bureaux de vote, des rumeurs selon lesquelles, armé d’un révolver, j’aurais menacé de tuer ma famille, celle de mon adversaire RPR, un certain Pierre Fond, ami et protégé de Pierre Bédier, des groupes de Maghrébins, des voyageurs à la gare Saint-Lazare, ce qui aurait conduit le préfet Erignac à me faire arrêter par la police et interner d’office. A 14h20, une dépêche de l’AFP, se fondant sur des informations données par la préfecture, annonce mon internement d’office, et, à 15 heures, à la demande du RPR Michel Péricard, un flash de RTL, la radio la plus écoutée de France, proclame la nouvelle.

Ce coup de police politique fait élire de justesse la liste de Pierre Fond, mais le tribunal administratif de Versailles ne manque pas d’annuler une élection qui s’est déroulée dans de telles conditions. A la surprise générale, près d’un an plus tard, le Conseil d’Etat juge normal mon enlèvement par la police, légales les rumeurs calomnieuses concernant ma dangerosité, légitime le flash de RTL, et confirme l’élection. Le principal responsable du Parti communiste à Sartrouville s’indigne en ces termes de ce qu’il appelle un « déni de justice » :

« A Sartrouville un pas a été franchi par le Parti au pouvoir : l’utilisation, au moment du scrutin municipal, en toute illégalité, de l’hôpital psychiatrique pour éliminer de force un candidat gênant. Le jugement de cour du seul Conseil d’État est un jugement de complaisance en faveur du parti au pouvoir, qui fait le silence sur les graves manipulations du suffrage universel. Pourquoi, sinon, après ce coup de force, le Pouvoir a-t-il muté en Corse le préfet des Yvelines ? » Claude Erignac et Renaud Denoix de Saint Marc, Vice-Président du Conseil d’Etat, ne répondirent pas ».

Cela ne porta pas chance à Claude Erignac : le 6 février 1998, il était abattu par l’indépendantiste corse Yvon Colonna, fils de l’ancien député socialiste des Alpes-Maritimes Jean-Hughes Colonna…

Hristo XIEP

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