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Intéressante disputatio-refutatio entre Alain Soral et l’aumônier de Civitas.

Suite à l’entretien exclusif qu’Alain Soral a donné à la Revue de Civitas (N° 72 de juillet-août-septembre 2019) sous le titre « Itinéraire spirituel », les réactions ont été nombreuses. Certains ont cru, ou voulu croire avec une perfide délectation, que Civitas se « soralisé » et se sont crus autorisés à crier au loup.

D’autres, plus objectifs, ont bien compris que le but de Civitas était d’alimenter le débat sur la problématique de la conversion.

Afin de calmer le débat passionnel auquel cet entretien a donné lieu et d’en rétablir l’objectif premier, le R.P. Joseph d’Avallon, OFM Cap., aumônier de Civitas, a mis les points sur les « i » par un article écrit dans le n° 74 de janvier-février-mars 2020 que nous vous proposons de lire ci-après (Pour s’abonner à la Revue).

Article extrait de la Revue n° 74 de Civitas

Aux convertis venus d’Egalité et Réconciliation et en particulier à Charles-Edouard et à Jessica.

Alain Soral comme Maurras ?

«  Et je ne comprends rien à l’être de mon être, Tant de dieux ennemis se le sont disputé.  » (1)

Alain Soral le sait : nombreux sont les catholiques de Tradition qui prient pour lui, pour obtenir sa conversion. Parmi eux, beaucoup viennent de la mouvance d’Égalité et Réconciliation et reconnaissent que c’est par ce biais qu’ils ont découvert l’Église Catholique d’avant Vatican II. Aussi estiment- ils avoir une dette de gratitude à l’égard de celui à qui ils sont indirectement redevables de leur conversion. Ils aimeraient bien, maintenant, qu’Alain Soral soit également touché par la grâce. Ils le lui souhaitent et ils se disent aussi que sa conversion grossirait encore le flux des retours à la Foi issus de ce mouvement intellectuel et politique.

La publication dans le numéro 72 de la revue Civitas de l’entretien exclusif avec Alain Soral permet justement de savoir où il en est d’un point de vue religieux. Sans détour, le patron d’Égalité et Réconciliation nous explique d’où il vient et où il en est présentement. Signalons d’abord la vive admiration qu’il voue à Notre-Seigneur Jésus- Christ dont il remarque le courage, la force d’âme au cours de sa Passion. Il est à noter qu’Alain Soral se sépare ici très nettement de l’antichristianisme venu de Nietzsche et véhiculé par la nouvelle droite. La réédition par Kontre Kulture du   Nouveau Testament du Chanoine Crampon exprime son attachement au Seigneur Jésus-Christ.

Cependant, Jésus-Christ est-il davantage pour Alain Soral qu’un très grand héros ? Croit-il que c’est la deuxième personne de la Sainte Trinité qui s’est incarnée ?  Il ne le semble pas. Ce qu’il exalte, c’est la virilité éminente du Christ dans sa Passion et dans son procès. Certes, il parle du « Christ fait homme » … Mais que signifie exactement cette expression qui, d’un point de vue théologique, n’est pas exacte ? En effet, avant de s’incarner, le « Christ » n’existe pas encore ! Celui qui existe c’est la deuxième Personne de la Sainte Trinité qui va s’incarner et justement devenir le Christ par Son Incarnation. Ne jugeons pourtant pas trop vite : peut-être n’est-ce là qu’une approximation de langage.

Si Alain Soral a réédité le Nouveau Testament, il ne l’a pas fait pour l’Ancien, et, grâce à cet entretien pour la revue Civitas, il est aisé de comprendre que ce choix est volontaire ! Comme de nombreux intellectuels alarmés à juste titre de la judaïsation des esprits et par le danger du sionisme, Alain Soral rejette les Écritures qui précèdent la venue de Notre-Seigneur car il croit lire en elles une accréditation d’un particularisme juif dominateur qu’il dénonce. Il en vient même à parler de la « rupture radicale » entre l’ancienne et la nouvelle Alliance opérée par le Christ.

Plus précisément, Alain Soral oppose au judaïsme « tribal » l’universalisme du message du Christ et au judaïsme « terrestre » le Royaume du Christ.

« Qui n’est pas de ce monde ». Les indications qu’il nous donne dévoilent un contre-sens assez classique… En réalité, il se fait de l’Ancien Testament la fausse idée que s’en étaient donnés les juifs qui s’opposèrent à   Notre-Seigneur   et le mirent à mort. Ils attendaient un messie guerrier qui imposerait la domination d’Israël sur les Gentils et ils furent cruellement déçus.

J’aimerais avoir l’occasion de proposer à Monsieur Soral la splendide réfutation de ce contre-sens écrite par un juif converti, le chanoine Augustin Lémann, dans son livre Histoire complète de l’idée messianique chez le peuple d’Israël. D’une façon implacable, ce grand érudit de la Bible démontre à ses anciens coreligionnaires leur méprise. En réalité, l’Ancien Testament est un immense projecteur qui annonce, de toutes ses prophéties, l’universalisme du message du Christ et le Royaume tout spirituel qu’Il vient fonder. Nous pouvons nourrir l’espoir que l’Ancien Testament cessera d’être une pierre d’achoppement pour Monsieur Soral avec la lecture de ce livre. Ce serait déjà un pas important.

Toutefois, d ’autres obstacles, qui me paraissent assez considérables, encombrent encore son chemin de conversion. Le plus important est sa référence philosophique hégélienne. La pensée d’Hegel n’est-elle pas celle d’un mouvement dialectique perpétuel où se succèdent les idées qui s’opposent les unes aux autres pour donner sans cesse naissance à de nouvelles synthèses elles-mêmes appelées à être dépassées ? Mais, dans ces conditions, peut-il exister une vérité permanente, immuable, pour hier, aujourd’hui et demain ? Or, évidemment, la vérité catholique a cette prétention ! Le Catholicisme se dit et il est réellement la religion vraie et unique donnée aux hommes… On ne voit pas comment un esprit hégélien pourrait accepter ce « fixisme ».

Mais il faut sans doute nuancer cette première conclusion fort sombre. Non point en atténuant l’incompatibilité qui existe entre les postulats   hégéliens et le Catholicisme ! Elle est certaine. Mais l’entretien d’Alain Soral laisse espérer que son hégélianisme s’est mitigé. Il nous explique en effet comment il est « retourné à l’idée de la loi naturelle » pour refuser le transhumanisme qu’on veut nous imposer. Pas moins de quatre fois, Alain Soral cite « la loi naturelle » et la voit comme le seul rempart à la folie du monde qui joue avec l’A.D.N.

Or aucun concept n’est plus opposé à l’incessante dynamique hégélienne que celui de « la   loi naturelle ». Il suppose la stabilité des essences, en l’occurrence celle de la nature humaine et de la morale naturelle. Voilà un motif d’espérer que le responsable d’Égalité et Réconciliation pourra admettre l’idée de la stabilité des principes et de la vérité pérenne du Catholicisme.

Mais me direz-vous : « Comment donc fait-il l’harmonie entre tout cela ? »

Je ne le sais pas. Mais Monsieur Soral qui se définit lui-même comme un intuitif, « pas très sensible aux arguments de ceux qui prétendent m’expliquer la Foi par la raison », me paraît être un autodidacte qui a picoré ici et là des idées qui lui plaisaient, sans être parvenu forcément à une synthèse construite. Il faudrait le lui demander… Si nous devions finalement apprendre de lui que toutes ses affirmations justes, telles que l’existence de la loi naturelle ou la nécessité de revenir à la religion catholique comme religion d’État, n’étaient en réalité que des « thèses » valables seulement pour notre époque, nous nous verrions alors séparés de lui par un fossé métaphysique infranchissable. Mais la preuve reste à faire…

Bien qu’il soit éloigné de Charles Maurras sous bien des rapports, il faut rappeler ici que le fondateur de l’Action Française se trouvait lui-même loin de la Foi catholique par son adhésion au positivisme d’Auguste Comte. Comme on le voit bien dans sa correspondance avec l’abbé Penon, la foi de Maurras s’est éteinte, étranglée par des lectures qui le rendirent agnostique. Maurras a-t-il ensuite renoncé au positivisme ? Je ne me risquerai pas à le dire. Quoiqu’il en soit de ses pensées, la Grâce sut finalement trouver son chemin pour le ramener au Catholicisme de son enfance…Ne peut-on espérer qu’Alain Soral, en dépit de sa philosophie, finira par rencontrer aussi le Seigneur ? Rares sont sans doute les hommes dont l’esprit est totalement façonné par une idée qui y développe en toute impunité sa logique.

Il ne s’agit pas de tomber dans  le « conséquentialisme » qui consisterait à accepter certaines relations avec Monsieur Soral au motif des fruits de conversion, même nombreux et indubitables, produits par le mouvement d’Égalité et Réconciliation. La fin ne justifie pas les moyens et si ces relations ponctuelles et limitées n’étaient pas acceptables, il faudrait alors les interrompre même au risque de perdre ces fruits si consolants…

Mais les choses sont complexes. Sans forcer la   comparaison avec Maurras, il faut rappeler que celui-ci domina de sa stature intellectuelle et politique au moins le premier quart   du XXe siècle, comme le second apparaît aujourd’hui – qu’on s’en réjouisse ou non – en ce premier quart de XXIe siècle, comme un chef de file de premier plan pour de pauvres générations françaises en mal d’identité. À défaut d’une analyse plus fouillée, ne doit-on pas, pour le moment, dire du seul homme politique français qui a osé revendiquer le retour de la religion catholique comme   religion d ’ état et qui éreinte avec profondeur les perversions du concile Vatican II, ce que saint Pie X avait prudemment conclu : « Damnabilis sed non damnandus » ?  (2)

Confions sa conversion à nos communautés religieuses pour qu’elles arrachent du Ciel cette grâce ainsi que le Carmel de Lisieux l’obtint pour Charles Maurras…

R.P. Joseph d’Avallon, OFM Cap.

(1) Charles Maurras, La prière de la fin, Clairvaux, juin 1950

(2) Condamnable mais ne doit pas être condamné

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