« S’il arrivait, dit saint Paul, que NOUS-MÊME ou un Ange venu du ciel vous enseigne autre chose que ce que je vous ai enseigné, qu’il soit anathème. » (Gal. 1, 8)
MPI a le plaisir de vous offrir un texte inédit et exceptionnel sur la « Déclaration du 21 novembre 1974 » de feu Mgr Marcel Lefebvre d’heureuse mémoire.
Nous devons cet excellent commentaire – à lire absolument – au bulletin « Le Pescadou » du prieuré Saint-Joseph de Nice dont le prieur est M. l’abbé Patrick de La Rocque.
La Déclaration elle-même est ici intégralement reproduite en caractères gras. Dans le commentaire qui en est proposé, les textes en italiques sont de Mgr Lefebvre.
« Nous adhérons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catholique, gardienne de la foi catholique et des traditions nécessaires au maintien de cette foi, à la Rome éternelle, maîtresse de sagesse et de vérité.
La Déclaration débute par une profession de foi aussi aimante qu’ardente à l’endroit de l’Église, de sa divine constitution et de son indéfectibilité. Elle repose tout entière sur ce socle, que rien ne pourra ébranler. « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » (Mt 16, 18).
Des trois pouvoirs de l’Église (sanctifier, enseigner, gouverner), c’est le deuxième qui est l’objet propre de cette profession de foi : la Rome, « maîtresse de sagesse et de vérité », qui a pour mission d’être « gardienne de la foi catholique et des traditions nécessaires au maintien de cette foi ». Ce choix n’est pas anodin, et situe d’amblée la crise de l’Église. L’enjeu n’y est pas d’abord liturgique : il s’agit en tout premier lieu d’une crise de la foi ; et celle-ci est due à une défaillance gravissime dans l’exercice du pouvoir d’enseignement de l’Église. Mgr Lefebvre l’exprimait en cette même année 1974 : « Le coup de maître de Satan sera de diffuser les principes révolutionnaires introduits dans l’Église par l’autorité de l’Église elle-même, mettant cette autorité dans une situation d’incohérence et de contradiction permanente. (1) »
Nous verrons dans un instant où se situe cette contradiction permanente. En cette profession de foi, Mgr Lefebvre ne se pose pas en « théologien de bureau » mais en évêque, en pasteur donc : sa profession de foi est profondément incarnée ; parce que le Verbe s’est incarné, parce que l’Église est incarnée. Ainsi, la Rome catholique n’est pas la gardienne d’une doctrine spéculative sans impact sur sa vie concrète, mais gardienne de la foi catholique « et des traditions nécessaires au maintien de cette foi ». Autrement dit, la Tradition par excellence (avec un T majuscule), celle de la foi vive sans laquelle nul ne peut être sauvé, s’incarne dans des traditions (au pluriel, et avec un t minuscule).
Par exemple le rite de la Messe est une tradition multiséculaire, prenant ses racines dans les premiers temps de l’Église, qui incarne la Tradition, c’est-à-dire notre foi : « Nous sommes attachés à la sainte Messe parce qu’elle est le catéchisme vivant. Ce n’est pas seulement un catéchisme qui est inscrit et imprimé sur des pages qui peuvent disparaître, sur des pages qui ne donnent pas la vie en réalité. Notre Messe est le catéchisme vivant, c’est notre Credo vivant. Le Credo n’est pas autre chose, je dirais, que le chant en quelque sorte de la rédemption de nos âmes par Notre Seigneur Jésus-Christ… La Sainte Messe est encore l’expression du Décalogue : qu’est ce que le Décalogue, sinon l’amour de Dieu et l’amour du prochain ? [… Or,] se réalise dans le Sacrifice de la Messe le Décalogue : le plus grand acte d’amour que Dieu puisse avoir de la part d’un homme, et le plus grand acte d’amour qui nous puissions avoir de la part de Dieu pour nous. [… la Messe,] c’est notre catéchisme vivant.(2) »
L’Église, donc, est non seulement « gardienne de la foi catholique », mais tout autant « des traditions nécessaires au maintien de cette foi », qu’elle n’a aucun droit de chambouler du jour au lendemain, même si elle peut toujours les améliorer et les purifier accidentellement. Et ce qui est vrai du rite de la Messe l’est également des rites des autres sacrements, ou encore des lois de l’Église, de son droit canon comme de sa discipline.
« Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues.
« Toutes ces réformes, en effet, ont contribué et contribuent encore à la démolition de l’Église, à la ruine du Sacerdoce, à l’anéantissement du Sacrifice et des Sacrements, à la disparition de la vie religieuse, à un enseignement naturaliste et teilhardien dans les Universités, les Séminaires, la catéchèse, enseignement issu du libéralisme et du protestantisme condamnés maintes fois par le magistère solennel de l’Église.
À la lumière de cette profession de foi apparaît l’œuvre destructrice entreprise par le Concile Vatican II et les réformes qui s’en sont inspirées. Attaquant systématiquement toutes les traditions de l’Église, et souvent jusqu’en leurs structures les plus profondes, elles ne peuvent qu’ébranler la foi de l’Église, et donc contribuer à sa démolition. Mgr Lefebvre le signalait dès 1966 au cardinal Ottaviani : « On peut et on doit malheureusement affirmer que, d’une manière à peu près générale, lorsque le Concile a innové, il a ébranlé la certitude de vérités enseignées par le Magistère authentique de l’Église comme appartenant définitivement au trésor de la Tradition. » Pour qui aime l’Église en vérité et veut son bien, un tel constat oblige à une prise de position pratique, prudentielle : « Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante ».
On peut en effet s’opposer à la foi soit doctrinalement, en niant de front une vérité de foi ; soit pratiquement, par un agir destructeur de la foi. Or, si l’enseignement sur la liberté religieuse est directement erroné (Mgr Lefebvre saisira Rome à ce sujet en écrivant ses dubia (3), l’esprit révolutionnaire du concile Vatican II se concrétise surtout par la mise en avant de nouvelles praxis (4), jetant aux orties toutes les traditions de l’Église, et par là la foi même de l’Église.
Par exemple, faisant peu ou prou sien l’idéal maçonnique, le concile Vatican II prétend faire de l’Église un facteur d’unité du genre humain, par delà les différences religieuses. À cette fin, il introduit un nouvel œcuménisme et un nouveau rapport avec les religions païennes. Ce sont là en tout premier lieu des praxis, non seulement nouvelles, mais encore disciplinairement condamnées par l’Église, précisément parce que contradictoires avec l’enseignement pérenne de la foi.
Monseigneur Lefebvre le rappelle souvent : « Le Pape veut faire l’unité en dehors de la foi. C’est une communion. Une communion à qui ? À quoi ? En quoi ? Ce n’est plus une unité. Celle-ci ne peut se faire que dans l’unité de la foi. C’est ce que l’Église a toujours enseigné. C’est pourquoi il y avait les missionnaires, pour convertir à la foi catholique. Maintenant il ne faut plus convertir. L’Église n’est plus une société hiérarchique, c’est une communion. Tout est faussé. C’est la destruction de la notion de l’Église, du catholicisme. C’est très grave et cela explique que nombreux soient les catholiques qui abandonnent la foi. (5) »
Aussi, sans nullement remettre en cause l’autorité enseignante de l’Église (« nous adhérons de tout cœur … à la Rome éternelle, mère de sagesse de vérité »), Mgr Lefebvre s’oppose à cet esprit révolutionnaire qui a comme triomphé au concile Vatican II, ainsi qu’à toutes les réformes qui en sont issues. Ce refus s’impose à qui veut rester fidèle au « Magistère solennel de l’Église » qui a « maintes fois condamné » ce même esprit révolutionnaire.
« Aucune autorité, même la plus élevée dans la hiérarchie, ne peut nous contraindre à abandonner ou à diminuer notre foi catholique clairement exprimée et professée par le magistère de l’Église depuis dix-neuf siècles.
Pour qui regarderait l’Église comme une simple société humaine et changeante, le refus des réformes conciliaires semblerait une désobéissance grave. Aussi Mgr Lefebvre rappelle ce qu’est l’autorité de l’Église enseignante : elle est exclusivement au service de la foi, d’une foi qu’elle a reçue et qu’elle se doit de transmettre, pour amener les hommes à « l’obéissance de la foi » (cf. Rm 1, 5 et 16, 26). Tel est l’enseigne ment infaillible de l’Église : « Le Saint-Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la Révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi » (Vatican I, Pastor Æternus). À de nombreuses reprises, Mgr Lefebvre a rappelé ces points élémentaires, et leurs conséquences concrètes : « La vérité du dépôt de la foi n’appartient pas au pape. C’est un trésor qui est mis dans ses mains, lorsqu’il est nommé souverain pontife, successeur de Pierre, évêque de Rome et donc successeur de Pierre, il tient dans ses mains le trésor de la vérité qui a été enseignée pendant vingt siècles, et il doit le transmettre fidèlement et exactement à tous ceux auxquels il est chargé de parler et de communiquer la vérité de l’Évangile. Il n’est pas libre. Et donc, dans la mesure où il arriverait par des circonstances absolument mystérieuses […] qu’un pape ou que celui qui est assis sur le siège de Pierre vienne à obscurcir en quelque sorte la vérité qu’il doit transmettre ou à ne plus la transmettre fidèlement, ou à laisser l’obscurité de l’erreur cacher en quelque sorte la vérité, dans ce cas nous devons prier Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme que la lumière se fasse en celui qui est chargé de la transmettre. Mais nous ne pouvons pas changer de vérité pour autant. Nous ne pouvons pas tomber dans l’erreur, nous ne pouvons pas suivre l’erreur, parce que celui qui a été chargé de nous transmettre la vérité serait faible et laisserait l’erreur se dispenser tout autour de lui. (6) »
En montrant ainsi la seule attitude qui s’impose devant la défaillance de l’autorité enseignante, ou plutôt le refus de cette dernière à exercer sa mission pour agir concrètement dans un sens opposé, Mgr Lefebvre parle encore en pasteur d’âmes, en évêque imprégné d’esprit de foi : « Il est inconcevable que ce qui a été enseigné pendant deux mille ans et qui est une part d’éternité, ne soit plus vrai aujourd’hui. C’est l’éternité qui nous a été enseignée. C’est Dieu éternel, c’est Jésus-Christ, Dieu éternel. Or, tout ce qui est fixé en Jésus-Christ est fixé dans l’éternité, et tout ce qui est fixé en Dieu est fixé pour l’éternité. Jamais on ne pourra changer le fait qu’il y ait la Trinité. Jamais on ne pourra changer le fait qu’il y ait l’œuvre rédemptrice de Notre-Seigneur Jésus-Christ par la Croix et par le sacrifice de la messe. Ce sont des choses éternelles qui appartiennent à l’éternité, qui appartiennent à Dieu. Comment quelqu’un ici-bas pourrait changer ces choses-là ? Quel est le pape qui se sentirait le droit de les modifier ? C’est impossible. Quand nous tenons le passé, nous tenons le présent et nous tenons l’avenir, parce qu’il est impossible, je dirais métaphysiquement, divinement impossible, de séparer le passé du présent et de l’avenir. Impossible, ou Dieu n’est plus Dieu ; ou Dieu n’est plus éternel, ou Dieu n’est plus immuable. (7) »
« S’il arrivait, dit saint Paul, que NOUS-MÊME ou un Ange venu du ciel vous enseigne autre chose que ce que je vous ai enseigné, qu’il soit anathème. » (Gal. 1, 8)
« N’est-ce pas ce que nous répète le Saint-Père aujourd’hui ? Et si une certaine contradiction se manifestait dans ses paroles et ses actes ainsi que dans les actes des dicastères, alors nous choisissons ce qui a toujours été enseigné et nous faisons la sourde oreille aux nouveautés destructrices de l’Église.
Ce passage de la Déclaration, important, montre comment ce n’est pas Mgr Lefebvre qui se pose en contradiction avec Rome, mais que c’est Rome qui s’oppose à elle-même, la Rome éternelle avec la Rome néo-moderniste, et ce hélas en la personne même du pape. Car le pape, par son être-même, rappelle la doctrine catholique ; il n’est en effet pape qu’en tant que successeur de tous les papes qui l’ont précédé ; comme eux et à leur suite, de par sa fonction-même, il est porteur du dépôt de la foi. Tous les papes qui l’ont précédé continuent à enseigner à travers le pape présent, avant même que ce dernier ne prononce un seul mot. Successeur, il rappelle donc, de par sa fonction même, le dépôt de la foi transmis de génération en génération, et qui nous unit à l’éternité (8). Aussi est-ce le pape lui-même, si imprégné qu’il soit de modernisme, qui rappelle en quelque sorte par sa fonction même qu’« aucune autorité, même la plus élevée dans la hiérarchie, ne peut nous contraindre à abandonner ou à diminuer notre foi catholique clairement exprimée et professée par le magistère de l’Église depuis dix-neuf siècles. » C’est précisément ce que disait saint Paul : « S’il arrivait, dit saint Paul, que NOUS-MÊME ou un Ange venu du ciel vous enseigne autre chose que ce que je vous ai enseigné, qu’il soit anathème (Gal. 1, 8). » On constate l’insistance de Mgr Lefebvre, lorsqu’il inscrit en majuscules le « Nous-même » de saint Paul.
Mais hélas, c’est également ce même pape qui, « dans ses paroles et ses actions », se fait le destructeur de la foi. Là se situe la contradiction, dans la personne même du pape. La Rome éternelle qu’évoque Mgr Lefebvre n’est pas la Rome d’hier par opposition à la Rome d’aujourd’hui, mais la Rome d’hier, d’aujourd’hui et de demain – la Rome éternelle – incarnée aujourd’hui dans le pape d’aujourd’hui, mais contredite par « ses paroles et ses actes ». Devant cette contradiction aussi flagrante que douloureuse, Mgr Lefebvre professe donc sa fidélité à la Rome éternelle et fait « la sourde oreille aux nouveautés destructrices de l’Église ».
« On ne peut modifier profondément la « lex orandi » sans modifier la « lex credendi ». À messe nouvelle correspond catéchisme nouveau, sacerdoce nouveau, séminaires nouveaux, universités nouvelles, Église charismatique, pentecôtiste, toutes choses opposées à l’orthodoxie et au magistère de toujours.
« Cette Réforme étant issue du libéralisme, du modernisme, est tout entière empoisonnée ; elle sort de l’hérésie et aboutit à l’hérésie, même si tous ses actes ne sont pas formellement hérétiques. Il est donc impossible à tout catholique conscient et fidèle d’adopter cette Réforme et de s’y soumettre de quelque manière que ce soit.
« La seule attitude de fidélité à l’Église et à la doctrine catholique, pour notre salut, est le refus catégorique d’acceptation de la Réforme.
L’adage prononcé par Célestin Ier, pape de 422 à 432, repris ensuite par nombre de ses successeurs, est célèbre : « La loi de la foi établit la loi de la prière », et réciproquement. Toucher substantiellement à l’un entraîne une modification substantielle de l’autre.
En citant cet adage, Mgr Lefebvre montre que le chamboulement liturgique, le plus visible parmi toutes les modifications des « traditions » de l’Église, n’est que la manifestation d’un changement substantiel plus profond, et historiquement antécédent, qui touche la foi même de l’Église : comme l’indiquait déjà saint Pie X, le modernisme dont est issu cette Réforme est en effet « l’égout collecteur de toutes les hérésies ». Aussi cette Réforme ne peut-elle qu’engendrer la perte de la foi dans les âmes, et c’est pourquoi elle se doit d’être rejetée dans son ensemble : « La seule attitude de fidélité à l’Église et à la doctrine catholique, pour notre salut, est le refus catégorique d’acceptation de la Réforme ». Autrement dit – et Mgr Lefebvre l’explicite dès 1974 – il serait vain et illusoire de réduire la crise de l’Église à une crise liturgique, ou de vouloir y remédier par le seul « combat pour la Messe ».
« C’est pourquoi sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun ressentiment nous poursuivons notre œuvre de formation sacerdotale sous l’étoile du magistère de toujours, persuadés que nous ne pouvons rendre un service plus grand à la Sainte Église Catholique, au Souverain Pontife et aux générations futures.
Écrite en 1974 alors qu’il allait être demandé à Mgr Lefebvre de fermer le séminaire d’Ecône, la Déclaration affirme par avance que l’ancien archevêque de Dakar ne se soumettra pas à cet ordre : indu il l’est, parce que, loin d’être donné par la Rome éternelle, il émane de la Rome néo-protestante.
Au-delà de cette circonstance particulière, ces mots décrivent une attitude d’âme qu’il importe de toujours garder vivante en nous : « sans aucune rébellion, aucune amertume, aucun ressentiment ». Parce qu’elle est d’abord une profession d’amour et de fidélité à la Rome éternelle, la Déclaration n’est pas une déclaration de guerre pour faire sus à tous ceux qui s’opposeraient à la Rome éternelle. Conscient de ne pas avoir à combattre contre la chair et le sang (cf. Ep 6, 12), conscient que « l’amour de la vérité ne doit pas faire oublier la vérité de l’amour » (saint Augustin), Mgr Lefebvre entend simplement continuer à rendre service « à la Sainte Église Catholique, au Souverain Pontife et aux générations futures ». Il ne dira pas autre chose lorsqu’il célébrera ses trente ans d’épiscopat : « Sans nous préoccuper de ce qui se passe autour de nous aujourd’hui, nous devrions fermer les yeux sur l’horreur du drame que nous vivons, fermer les yeux. Répéter notre Credo, répéter notre Décalogue, répéter le sermon sur la Montagne qui est notre loi également. Nous attacher au saint sacrifice de la messe, nous attacher aux sacrements en attendant que la lumière se fasse à nouveau autour de nous. C’est tout. Voilà ce que nous devons faire, et non pas entrer dans des rancœurs, dans des violences, dans un état d’esprit qui ne serait pas fidèle à Notre-Seigneur, qui ne serait pas dans la charité. Restons, demeurons dans la charité, prions, souffrons, acceptons toutes les épreuves, tout ce qui peut nous arriver, tout ce que le bon Dieu peut nous envoyer comme épreuves. (9) »
« C’est pourquoi nous nous en tenons fermement à tout ce qui a été cru et pratiqué dans la foi, les mœurs, le culte, l’enseignement du catéchisme, la formation du prêtre, l’institution de l’Église, par l’Église de toujours et codifié dans les livres parus avant l’influence moderniste du concile en attendant que la vraie lumière de la Tradition dissipe les ténèbres qui obscurcissent le ciel de la Rome éternelle.
Toujours du point de vue pastoral qui l’anime, Mgr Lefebvre ajoute qu’il s’en tiendra aux livres liturgiques, disciplinaires et canoniques d’avant le Concile, en attendant que la lumière soit faite sur toutes ces zones d’ombres plus ou moins obscures. Si un simple regard de foi suffit pour constater que ces réformes sont entachées de néo-modernisme et tendent à nous rendre protestants, Mgr Lefebvre rappelle que ce n’est pas à lui de déterminer doctrinalement le degré d’obscurité de chacune d’elles. Cette lumière définitive, seule la Rome éternelle pourra la faire, une fois qu’elle sera débarrassée des ténèbres néo-protestantes qui continuent à l’obscurcir. Dans cette attente donc, « nous nous en tenons fermement à tout ce qui a été cru et pratiqué dans la foi, les mœurs, le culte, l’enseignement du catéchisme, la formation du prêtre, l’institution de l’Église, par l’Église de toujours et codifié dans les livres parus avant l’influence moderniste du concile ». Le jugement de Mgr Lefebvre est donc prudentiel, pratique, conforme à l’attitude que l’Église a toujours eue et que saint Vincent de Lérins a si bien synthétisée en son Commonitorium : « Que fera donc le chrétien si quelque contagion nouvelle s’efforce d’empoisonner non plus seulement une petite partie de l’Église, mais l’Église tout entière à la fois ? Alors, son grand souci sera de s’attacher à l’antiquité, qui évidemment ne peut plus être séduite par aucune nouveauté mensongère ». Ce sera le grand moyen de garder la foi de l’Église, de « s’en tenir à ce qui a été cru partout, toujours, et par tous. »
« Ce faisant, avec la grâce de Dieu, le secours de la Vierge Marie, de saint Joseph, de saint Pie X, nous sommes convaincus de demeurer fidèles à l’Église Catholique et Romaine, à tous les successeurs de Pierre, et d’être les « fideles dispensatores mysteriorum Domini Nostri Jesu Christi in Spiritu Sancto ». Amen.
Mgr Marcel LEFEBVRE
Source : Le Pescadou n° 248 de novembre 2024
Notes de bas de page
(1) – Mgr Lefebvre, Le coup de maître de Satan, 13 octobre 1974. C’est en ce même texte que Mgr Lefebvre use pour l’une des premières fois, sinon la première, de la distinction entre la Rome éternelle et la Rome temporelle : « Qu’on ne nous dise pas rebelles, ou orgueilleux car ce n’est pas nous qui jugeons mais c’est Pierre lui-même qui comme successeur de Pierre condamne ce qu’il encourage par ailleurs, c’est la Rome éternelle qui condamne la Rome temporelle. Nous préférons obéir à l’éternelle. »
(2) – Mgr Lefebvre, Poitiers, Homélie du 02/09/1977
(3) – Les Dubia (dubium veut dire doute) consistent en une démarche officielle, par laquelle on expose à Rome ses doutes, pour demander au Magistère un point d’éclaircissement. Mgr Lefebvre présenta à Rome ses 39 doutes (dubia) sur la liberté religieuse conciliaire, incompatible avec l’enseignement du Magistère des papes antérieurs. Les cinquante pages de « non réponse » de la part de Rome sera l’un des éléments qui le détermineront à réaliser « l’opération survie de la Tradition », à savoir les sacres épiscopaux de 1988.
(4) – Le pape Benoît XVI le reconnaîtra lui-même, dans son discours sur l’herméneutique de la continuité, du 22/12/2005 : « Il fallait définir de façon nouvelle la relation entre foi et sciences modernes [… ] En second lieu, il fallait définir de façon nouvelle le rapport entre Église et État moderne, […] Cela était lié, en troisième lieu, de façon plus générale avec le problème de la tolérance
religieuse – une question qui exigeait une nouvelle définition du rapport entre foi chrétienne et religions du monde. En particulier, […] il fallait évaluer et définir de façon nouvelle le rapport entre l’Église et la foi d’Israël. » C’est donc, à ses dires, un nouveau comportement que le concile voulut définir, une nouvelle praxis.
(5) – Mgr Lefebvre, entretien dans la revue Fideliter n°79 de janvier-février 1991.
(6) – Mgr Lefebvre, sermon du 18/09/1977 pour ses 30 ans d’épiscopat, Ecône, chaire de vérité, p. 293
(7) – Mgr Lefebvre, ibid.
(8) – C’est ainsi que Mgr Lefebvre dira à ses futurs prêtres : « Nous nous rattachons à lui [au pape présent] et à travers lui à tous ses prédécesseurs, ontologiquement si je puis dire. Et puis ensuite, ses actions, ce qu’il fait, ce qu’il pense, et les idées qu’il répand, c’est autre chose, bien sûr. C’est une grande douleur pour l’Église catholique, pour nous, que nous soyons obligés de constater une chose semblable » (Mgr Lefebvre, retraite sacerdotale 1989, 5B).
(9) – Mgr Lefebvre, sermon du 18/09/1977 pour ses 30 ans d’épiscopat, Ecône, chaire de vérité, p. 294
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