La Dépakine ou acide valproïque est mise sur le marché depuis 1967. Elle est le traitement le plus efficace connu contre les crises d’épilepsie ; mais elle se trouve aussi sous la forme de génériques commercialisés par une dizaine de laboratoires. Cependant dès 1980 s’est posée la question de savoir si ce médicament n’induisait pas des anomalies fœtales chez la femme enceinte. Il est déjà mentionné à l’époque des spina bifida, des cas d’autisme, des troubles du comportement, diverses malformations, etc.
Or, en 1989, le ministre de l’époque M. Evin écrit au laboratoire Sanofi à propos d’un autre psychotrope du nom de Depamide (commercialisé en 1977). Ce médicament est prescrit dans les syndromes maniaco-dépressifs appelés de nos jours troubles bipolaires, ainsi que pour les troubles de l’humeur . Voilà les termes rédigés par le ministère « La Dépamide se transforme en grande partie en acide valproïque. Compte tenu de ces données, des moyens contraceptifs efficaces sont indiqués pendant la durée du traitement.» Ce qui laisse supposer que ce produit est contre-indiqué en cas de grossesse. Or précisément la Dépakine c’est de l’acide valproïque. Toute la question est là.
En toute logique le laboratoire Sanofi inventeur du produit aurait dû mettre en garde contre l’usage de ces deux produits chez la femme enceinte. Or apparemment le rapprochement n’a pas été effectué.
D’où le fait qu’une enquête est diligentée par le Parquet de Paris. Mais est aussi probablement dans le collimateur, l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas) qui investiguait sur cette affaire pratiquement dès le début et a laissé faire.
Notre commentaire
Il est le suivant. Ce que ne note pas Le Figaro du 10 octobre qui publie l’information en exclusivité. Tant la Dépakine que la Dépamide ont été mis au point par le même laboratoire. Il est évident qu’apparemment Sanofi a une main qui ne sait ce que fait l’autre ; et au pire ce sont peut-être les mêmes chercheurs qui ont mis au point les deux médicaments.
De plus le hasard nous ayant fait garder le Vidal 2006 ; cette année-là il y est notifié que l’usage de la Depamide chez la femme enceinte peut être tératogène (générer des malformations) dans 1 à 2 % des cas. Il y est repris la mise en garde du ministère Evin mais de manière bizarre. En effet, il n’y est pas déconseillé d’envisager une grossesse chez une femme enceinte ; non plus que d’arrêter le traitement. Il est sous-entendu bien sûr que l’échographie déterminera la nécessité d’un avortement en cas de malformation. Or ce moyen radiologique ne diagnostique nullement l’autisme.
Changement de ton en 2013 toujours à propos de la Dépamide : « Ce médicament ne doit pas être utilisé pendant la grossesse ». Les femmes enceintes qui prennent la Dépamide doivent être mises sous contraceptifs, est-il ajouté. Mais en 2006 le Vidal signale déjà les malformations diverses induites par la Dépamide. Toutefois, il se contente de dire vaguement que « si une grossesse est envisagée c’est l’occasion de peser à nouveau l’indication du traitement antiépileptique ». Or quel est le traitement antiépileptique ? C’est précisément la Dépakine qui en 2013 est simplement « déconseillée » . Nous tournons dans le même circuit.
La conclusion globale est qu’en 2006 et probablement bien antérieurement Sanofi n’a pas déconseillé formellement aux femmes enceintes l’usage de ces deux médicaments. Mais la responsabilité est partagée aussi avec les 9 labos qui ont commercialisé les génériques, l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas), le ministère Evin qui n’a pas formellement interdit la prise de Dépakine pendant la grossesse ; mais aussi les praticiens qui, face à de vagues contre-indications, ont hésité à priver leurs patients de ce traitement ; face au risque de voir leurs patientes se mettre à faire des convulsions liés à leur épilepsie.
C’est un incroyable écheveau que la justice va devoir démêler… Bon courage !
Dr Jean-Pierre Dickès
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