Walter Echo-Hawk a été le président, de 2020 à 2023, de la Pawnee Nation of Oklahoma qui regroupe les 3 500 Pawnees qui constituent une tribu officiellement reconnue par l’Etat. Né en 1948, il s’est vite orienté vers des études de Droit, pour devenir depuis 1970 l’un des spécialistes de la défense des droits et de la souveraineté des peuples autochtones. Juriste et historien, il a enseigné à l’université d’Hawaii-Monoa. Les éditions du Rocher viennent de publier dans leur excellente collection Nuage rouge consacrée aux Indiens d’Amérique la traduction française de son livre sur les Pawnees.
Ce livre est intitulé Dans un océan d’herbe. Une famille pawnee au cœur de l’Amérique. Cette « saga », comme il l’appelle dans sa préface, dépasse largement le cadre familial et nous entraîne au cœur de l’histoire, de la vie et des coutumes des Indiens pawnees depuis leurs premiers contacts avec les colonisateurs européens jusqu’à aujourd’hui.
Epidémies et guerres de territoire
Le territoire historique des Pawnees se situe dans le Nebraska et le nord du Kansas, autour d’affluents du Missouri où les Pawnees considèrent avoir été créés et vécu « depuis des temps immémoriaux ». Ils menaient une existence semi-sédentaire essentiellement rythmée par l’agriculture et deux grandes chasses annuelles aux bisons. Ils vivaient en villages, chacun rassemblant entre 300 et 500 personnes. Les Pawnees constituaient l’une des plus puissantes tribus des Plaines, avec une population estimée à au moins dix mille personnes au XVIIIe siècle. Ils eurent des relations commerciales pacifiques avec les Français dès la fin du XVIIe siècle, notamment pour le commerce des fourrures. Le XIXe siècle fut le temps des grands bouleversements. Ils furent largement décimés par des épidémies importées par les Blancs, la grippe, le choléra et surtout la variole qui frappa à cinq reprises les Pawnees. Ce fut une tragédie pour ce peuple indien dépourvu de tout remède pour traiter cette maladie très contagieuse. Leur déclin démographique provoqué par les épidémies successives attira leurs ennemis (les Sioux, les Osages, les Cheyennes,…) qui en profitèrent pour tenter de les exterminer et s’emparer de leur territoire.
La métaphore océan d’herbe fait référence à la manière dont les premiers explorateurs ont décrit les grandes plaines de l’Ouest de l’Amérique. mais aussi à la manière dont les Pawnees conçoivent leur territoire comme le pays de l’herbe verte.
C’est l’histoire de personnes réelles…
Comme l’explique Echo-Hawk, « C’est l’histoire de personnes réelles qui vivaient dans des lieux réels où des choses réelles se sont produites (…) C’est l’histoire d’une tribu indienne racontée par un membre de cette tribu à travers une voix tribale au sujet du peuple pawnee, de notre vision, de notre cosmologie, notre conception du monde, toutes ancrées dans notre culture ». C’est tout l’intérêt de ce livre : découvrir ces événements par le regard indien, plus précisément par le regard pawnee. Une histoire transmise de génération en génération par tradition orale. On s’amuse de la façon dont sont perçus les Espagnols, des « Gens-à-Moustache », au tout début vêtus de « chemises de métal » (cuirasses). Les Pawnees se méfiaient bien plus des Soldats Longs-Couteaux, les soldats américains. Le lecteur européen sera probablement quelque peu surpris par le récit d’une certaine cruauté assumée, relevant de coutumes et de traditions tribales.
Le livre regorge par ailleurs de détails sur l’organisation des sociétés guerrières des Pawnees, sur la spiritualité de ces Indiens, sur leurs liens étroits avec la nature et les animaux, sur les rivalités et les haines entre peuples indiens, sur la création au XIXe siècle d’un bataillon d’éclaireurs pawnees dans l’armée américaine, sur le vol de leurs terres par l’administration américaine et leur déplacement en réserve, sur toutes les mesures de l’administration américaine pour les déraciner.
Et, paradoxalement, malgré tout ce que les Pawnees ont enduré comme trahisons et injustices de la part de l’administration américaine, beaucoup de jeunes pawnees – dont le peuple était presque décimé – ont revêtu l’uniforme de l’armée des Etats-Unis durant les deux guerres mondiales.
La nation pawnee n’a pas disparu
Les peuples indiens – dont les Pawnees – ont retrouvé à partir de 1970 quelques possibilités de choisir leur propre destinée. La nation pawnee n’a pas disparu. Des 650 survivants en 1900, elle est passée à 3 500. Elle a désormais son propre gouvernement, ses lois, sa police tribale, son université et son musée.
Un livre précieux pour comprendre comment un peuple peut être dépossédé de ce qui lui appartient. Et comment il peut trouver la force de survivre.
Ex Libris
Dans un océan d’herbe, Une famille pawnee au cœur de l’Amérique, Walter R. Echo-Hawk, éditions du Rocher, collection Nuage rouge, 494 pages, 25,90 euros
A commander en ligne sur le site de l’éditeur
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