Quis ut Deus ? Qui est comme Dieu ?
Salut, vous qui au temps opportun placez merveilleusement les fidèles serviteurs de Dieu aux postes élevés. Salut, vous qui déposez invisiblement des hauteurs de la puissance et de la gloire ceux qui sont indignes et méchants. [Hymne Akatiste à Saint Michel]
Nous célébrons aujourd’hui la fête de l’Apparition de Saint Michel, en mémoire de la manifestation de l’Archange sur le mont Gargano dans les Pouilles, le 8 mai de l’an 490, sous le Pontificat de Gélase Ier. Et c’est en ce jour, après 1534 ans, que je voudrais m’arrêter avec vous pour une brève méditation sur celui que l’Église d’Orient appelle le glorieux Archistratège, et que l’Église universelle vénère comme Patron de l’Église et des Armées célestes.
Lorsque Saint Michel apparut sur le Gargano, il déclara que le sommet de la montagne était un lieu placé sous sa protection et qu’il voulait qu’une église soit construite et consacrée en son honneur et en celui des Saints Anges. Il y a donc, et nous le savons par les nombreuses apparitions, des endroits qui bénéficient de la présence de l’Archange et qui sont protégés de la puissance néfaste de Satan. Au même moment, en Phrygie – l’ancienne Colosses, aujourd’hui Konya en Turquie – Saint Michel avait protégé un sanctuaire qui lui était dédié de la destruction par les païens. Et bien d’autres fois, l’intervention du Prince des Armées angéliques a manifesté sa puissance, tant dans des lieux spécifiques que dans des communautés particulières : tout d’abord, la Sainte Église, mais aussi des groupes de fidèles qui lui sont dévoués. Nous pouvons espérer, avec l’humilité confiante de ceux qui comptent sur l’aide divine, que notre petite famille traditionnelle et ses membres puissent également bénéficier du patronage efficace de Saint Michel et de sa protection spéciale contra nequitiam et insidias diaboli. Et c’est une grande consolation que ce grand protecteur ait été choisi parmi les purs esprits pour jeter dans l’abîme Lucifer, le plus beau mais aussi le plus orgueilleux des anges apostats, rebelle à la volonté de Dieu. Quis ut Deus ? C’est ce que signifie le nom Michel en hébreu : qui est comme Dieu ? Un nom qui sonne comme une réponse humble et courageuse à l’arrogant Non serviam de Satan, et qui nous conduit une fois de plus – avec l’exemple lumineux de la Très Sainte Vierge Marie – à voir l’humilité récompensée et l’orgueil puni : Deposuit potentes de sede, et exaltavit humiles.
Dans l’ancienne hymne de la liturgie orientale, l’akatistos en l’honneur de Saint Michel, le chantre s’adresse à l’Archange avec une série de salutations célébrant ses gloires. Parmi elles, je voudrais en mentionner deux que je considère particulièrement appropriés en ces temps de crise.
Salut, vous qui au moment opportun placez merveilleusement les fidèles serviteurs de Dieu aux postes élevés.
Saint Michel est loué pour son rôle au service de la Providence en déterminant la promotion des fidèles serviteurs de Dieu vers les postes élevés. Il est donc l’instrument par lequel la Seigneurie du Christ-Roi et Pontife est représentée – dans le domaine civil et religieux – par ceux qui, par leur fidélité et en esprit de service, méritent d’exercer en forme vicaire l’autorité de Dieu sur la terre. Et cette action ‘‘politique’’, pour ainsi dire, a lieu au temps opportun, c’est-à-dire lorsque cela est conforme à la volonté souveraine du Seigneur.
La deuxième salutation est encore plus explicite et fait écho à l’Écriture Sainte : Salut, vous qui déposez invisiblement des hauteurs de la puissance et de la gloire ceux qui sont indignes et méchants.
Dans ce cas également, l’Archange est célébré comme ministre du Très-Haut : grâce à son ministère les indignes et les méchants sont déchus des rôles de gouvernement et de pouvoir ; et cette action est indiquée comme invisible parce qu’elle opère suivant des chemins souvent inconnus et sans ostentation, mais avec une efficacité indéfectible.
Si nous regardons ce qui se passe dans la société et dans l’Église, nous pouvons voir dirigeants et prélats corrompus et indignes, qui se sont appropriés le pouvoir et l’autorité à des fins opposées à celles qu’ils devraient poursuivre. Serviteurs du diable, ils veulent procurer la mort physique et spirituelle afin d’arracher les âmes à Dieu, se trompant eux-mêmes en occultant la victoire que le Seigneur a obtenue sur le Golgotha. Cependant, nous ne voyons pas les fidèles serviteurs de Dieu placés dans des rôles de gouvernement ; au contraire, tout nous porte à croire qu’humainement le triomphe du Mal est désormais inéluctable.
Mais précisément à la lumière des paroles de l’hymne akatiste, nous devons nous rappeler ce temps opportun où les bons mériteront de reprendre possession de l’autorité aujourd’hui usurpée par les méchants ; nous devons aussi nous rappeler de cet invisiblement, se référant à la chute des usurpateurs indignes et corrompus.
Ce sont des paroles consolatrices, qui réaffirment ce que le Magistère nous enseigne et ce que répète la Divine Liturgie, à savoir que toute puissance vient de Dieu, et que le Sauveur Jésus-Christ est vraiment l’unique Seigneur, en qui toute autorité s’origine et s’achève dans le ciel, sur la terre et sous la terre (Ph 2, 10), Garant suprême de cette même autorité qui est accordée aux gouvernants et aux prélats comme lieutenants du Christ.
La puissance de l’intervention de saint Michel se déploie en vertu de la bienheureuse humilité de l’Archange, et plus la créature est humble et incorporée au Christ, plus puissante est la force que le Seigneur lui accorde, car la Majesté divine se plaît à se manifester précisément dans ceux qui reconnaissent leur propre néant et s’inclinent en adoration devant le tout qui leur vient de Dieu. C’est pourquoi Notre-Dame, la plus sublime et la plus parfaite de toutes les créatures, est toute-puissante par grâce : parce que la Grâce divine et la puissance de l’Esprit Saint trouvent en Elle l’ancilla et font d’Elle la Reine du Ciel, l’Épouse du Paraclet, la Mère de Dieu, le tabernacle du Très-Haut. Dans cette merveilleuse économie surnaturelle, les puissants méchants tombent invisiblement, afin qu’au temps opportun ce soient les élus, les fidèles serviteurs de Dieu, qui récapitulent toutes choses dans le Christ, instaurare omnia in Christo, selon les paroles de l’Apôtre (Ep 1, 10).
Ces considérations devraient nous amener à méditer sur deux grandes vérités.
La première est que, puisque l’autorité terrestre est un reflet de la souveraine Seigneurie du Christ, elle ne peut que retourner nécessairement à cette harmonie universelle établie par Dieu. Les vicissitudes de l’Histoire n’invalident en rien cette Seigneurie, conquise une fois pour toutes par la Passion rédemptrice du Sauveur.
La seconde est que ce retour de l’ordre divin aura lieu au temps opportun, c’est-à-dire lorsqu’il y aura des personnes dignes – grâce à leur sainteté de vie et surtout à leur l’humilité – de remplir ces postes dont les méchants se sont emparés. Et cela ne se produira que lorsque les fidèles comprendront que les destins du monde et de l’Église ne peuvent pas être changés selon la mentalité du monde ou par des moyens humains, mais plutôt en reconnaissant Jésus-Christ comme Pantocrator, Souverain universel, Dieu vivant et vrai, l’unique Seigneur Tout-Puissant.
En ce jour, nos amis très chers, le Comte Giuseppe et la Comtesse Cristina, célèbrent l’anniversaire de leur mariage. Vingt-cinq années se sont écoulées depuis le jour où vos promesses solennelles ont scellé votre union dans le mariage. Vous aussi, comme tout couple marié catholique, vous avez placé toutes vos espérances entre les mains de Dieu, confiants que vous saurez vous maintenir dans la fidélité non pas par vos propres forces, mais en vertu de la grâce sanctifiante. La Providence, qui agit de manière insondable, vous console aujourd’hui – au temps opportun – par la filiation spirituelle, parce que votre engagement pour la Fondation Exsurge Domine et pour le Collegium Traditionis permettra de former de saints prêtres qui, d’une certaine manière, pourront se considérer liés à vous par un lien plus fort et plus durable que celui de la chair et du sang. Si ce projet ambitieux est possible aujourd’hui, nous le devons aussi au Comte Giovanni Vannicelli Casoni, qui a tant œuvré pour la renaissance de la Tradition dans les années troubles qui ont suivi Vatican II : son héritage spirituel se perpétue dans son fils Giuseppe, né et élevé dans une famille solidement catholique.
Il y a cent quarante-huit ans, le 8 mai 1876, commençait la construction de la Basilique de Pompéi, dédiée à la Reine du Saint-Rosaire. À la fin de la Sainte Messe, nous répéterons les paroles si chères de la Supplique : Du Trône de la Clémence, où Vous êtes assise, Reine, tournez votre regard compatissant, ô Marie, sur nous, sur nos familles, sur l’Italie, sur l’Europe, sur le monde, […] en ce jour très solennel de la fête de vos nouveaux triomphes sur la terre des idoles et des démons. Que Notre-Dame, assistée de son écuyer Saint Michel, renouvelle ces gloires : Aux lauriers de votre couronne, aux anciens triomphes de votre chapelet, d’où vous êtes appelée Reine des Victoires, ajoutez ceci, ô Mère : accordez le triomphe à la Religion et la paix à la société humaine.
Ainsi soit-il.
+ Carlo Maria Viganò, Archevêque
8 mai 2024, In apparitione S.cti Michaëlis Archangeli
© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò
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