Dominique Barbe a été enseignant à l’université de Nouvelle-Calédonie. Passionné d’art océanien, il livre ici le résultat de dix ans de travail, de recherche et de réflexions sur l’Histoire du Pacifique. Si le sujet fut jusqu’ici peu traité, il l’a encore moins été de façon aussi complète, ce qui fait de cet ouvrage l’une des rares références en la matière.
Longtemps – et encore fréquemment aujourd’hui -, celui qui regarde une carte du monde européocentrée – ce qu’elles sont en majorité dans nos atlas et nos encyclopédies en Europe – appréhende difficilement l’aire occupée par le Pacifique. La carte du vaste Océan est coupée en deux parties rejetées aux deux extrémités du planisphère, montrant à droite les rives asiatiques se prolongeant par l’Australie, les archipels mélanésiens, la Nouvelle-Zélande, et, à gauche, l’immensité bleue avec une multitude de points, la Polynésie puis l’arc que forment les rives du continent américain. Le partage de la zone semble d’ailleurs justifié par la ligne de changement de date qui sépare le vaste Océan entre Fidji et Tonga. Ce monde aux antipodes du nôtre reste mal connu et confusément perçu.
Aire de contrastes
Dans ce vaste monde Pacifique, les contrastes sont depuis toujours la règle. Les oppositions actuelles concernent tous les domaines : des territoires minuscules, Tokelau ou Niue, face aux pays les plus grands du monde, la Russie et la Chine, des pays d’extrême pauvreté, comme Nauru, face à des nations ayant les indices de développement humain parmi les plus élevés, comme l’Australie, Singapour, la Nouvelle-Zélande, le Canada, le Japon et les Etats-Unis. Dans les territoires de migration, les nouveaux arrivants détiennent la richesse face à des populations autochtones démunies de terres, de biens de consommation et souvent d’accès à l’enseignement.
Une histoire marquée par l’arrivée des Européens
Des siècles qui précèdent immédiatement l’arrivée définitive et régulière des Européens, c’est-à-dire le milieu et la fin du XVIIIe siècle, on a quelques connaissances précises. Cependant, celles-ci sont plus faciles à cerner dans le monde polynésien, voire dans le monde micronésien, que dans l’univers mélanésien. La difficulté pour ce dernier réside dans le morcellement des populations, la multiplicité des langues parlées – environ 80 au Vanuatu, et plus d’une centaine aux Salomon au début du XXe siècle – et l’absence d’autorités représentatives. La Mélanésie est une aire d’organisation sociale fragmentée. Les Mélanésiens vivent en petites communautés de parents, en clans. Pendant longtemps, les guerres, si fréquentes en Mélanésie pour réparer des griefs, en particulier les accusations de sorcellerie et de meurtre, se limitent à quelques rares victimes.
La mondialisation de la région débute avec l’entrée de Magellan et de ses navires dans les eaux du Pacifique aux latitudes tourmentées de la Patagonie. Mais l’essentiel de cet ouvrage est donc consacré à la période qui s’étend du XIXe siècle à 1941, avec l’histoire des mondes coloniaux du Pacifique, puis de la Seconde Guerre mondiale à nos jours, conduisant aux autonomies et indépendances.
Cependant, les découvertes archéologiques récentes continuent de permettre de savoir plus sur cette histoire du Pacifique. En 2004, des fouilles ont permis de découvrir au Vanuatu le premier cimetière Lapita connu à ce jour utilisé entre 980 et 800 avant J.-C. Elles laissent deviner une société très organisée, avec des rites mortuaires où la tête est détachée du tronc et remplacée parfois par un anneau de coquillages. Cet étêtage se poursuit jusqu’au début du XXe siècle dans beaucoup d’îles du Pacifique, disparaissant sous l’effet de la christianisation.
Les mystérieuses statues de l’île de Pâques
Entre le début du XIIe siècle et le milieu du XVIIe siècle, les Pascuans élèvent ce qui fait encore la réputation de leur île, les 900 moai recensés, de poids et de taille différents. Les plus grands, de 15 mètres de haut, gisent encore dans les carrières. Tous sont destinés à être transportés près de la côte pour prendre place sur les ahu, plates-formes établies sur un des côtés des marae, le regard tourné vers la terre. Ces moai sont des représentations d’ancêtres, de chefs et donc d’un certain nombre d’ariki mau divinisés, dont la fonction semble être de veiller sur leurs descendants. Comme la tête du chef est sacrée, le moai porte initialement un pukao, une pierre cylindrique rouge représentant sa coiffure. Le vrai mystère de ces statues reste à ce jour non leur taille ni leur transport ou leur élévation, mais le déchiffrage des tablettes de bois portant des pictogrammes qui semblent constituer un ensemble assez cohérent pour qu’on puisse parler de hiéroglyphes.
Une somme de savoir sur les peuples, les coutumes, les rites et l’histoire de ce Pacifique méconnu.
Histoire du Pacifique, Dominique Barbe, éditions Perrin, collection Tempus, 878 pages, 12 euros
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