Cinq cardinaux adressent des dubia à François sur le synode, octobre 2023
Les Cardinaux Brandmüller, Sarah, Sandoval Iniguez, Burke et Zen ont adressé des « dubia » à François sur le synode de la synodalité.

Comme la plupart d’entre nous le sait, le 2 octobre dernier, le Vatican a rendu public des “dubia” (doutes, en latin) adressés à François par cinq Cardinaux conservateurs au sujet du climat et des récents évènements délétères dans l’Eglise, ainsi que les réponses de François. Celles-ci ont été jugées insatisfaisantes par les intéressés, qui ont précisé leurs questions. Voici une chronologie de l’affaire réalisée par le site Riposte Catholique :

Face à l’enfumage orchestré par le Vatican, voici la chronologie des Dubia présentés par les Cardinaux Burke, Brandmüller, Sandoval Iniguez, Sarah, Zen :

  • 1) 10 juillet 2023 : Envoi de la lettre des Cardinaux au Pape François, incluant les dubia.
  • 2) 11 juillet 2023 : Réponse du pape François aux dubia
  • 3) 13 juillet 2023, vers 9h : remise de la réponse du Pape François aux Cardinaux Burke et Brandmüller.
  • 4) 21 août 2023 : Lettre des Cardinaux au Pape François, incluant des dubia reformulés
  • 5) 25 septembre 2023 : audience du Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi avec le Pape François. Aucun document n’est publié ce jour-là.
  • 6) 2 octobre 2023, vers 8h à Rome : publication des lettres et des dubia (§1 et §4) et de la notification aux fidèles.
  • 7) 2 octobre 2023, dans la matinée : publication sur le site du Dicasterium pro doctrina fidei d’une partie de la réponse du pape François du 11 juillet (§2) et d’un rescrit ex auditu du 25 septembre 2023.
  • 8) 2 octobre 2023 dans l’après-midi : publication de la lettre complète du pape François (§2)

A ce jour, la lettre du 21 août 2023, (§3) avec les dubia reformulés n’a pas obtenu de réponse.

Ce document contient des erreurs et hérésies que nous analyserons dans de futurs articles, mais nous voulons ici présenter les présupposés philosophiques de celles-ci.

Dans sa réponse au premier dubium, pourtant “sur l’affirmation selon laquelle la Révélation divine devrait être réinterprétée en fonction des changements culturels et anthropologiques en cours”, François répond :

« il est vrai que le Magistère n’est pas supérieur à la Parole de Dieu, mais il est également vrai que tant les textes de l’Écriture que les témoignages de la Tradition ont besoin d’une interprétation qui permette de distinguer leur substance pérenne du conditionnement culturel. »

Cette phrase peut être interprétée en un sens catholique en lui faisant dire que dans les documents plus anciens du Magistère, il y a une juxtaposition d’affirmations du dépôt révélé, et de prescriptions pratiques qu’il n’est pas impératif (ni parfois possible) de reproduire dans tous les contextes. Aussi, ce qu’a ordonné ou autorisé l’Eglise à un moment donné dans un contexte donné n’est pas toujours opportun, ni même possible à reproduire partout et toujours, mais ne peut jamais être considéré comme intrinsèquement mauvais. Nous renvoyons à ce sujet à cet article :

L’infaillibilité des lois de discipline générale de l’Eglise : exposé général

Citons en particulier le Pape Grégoire XVI enseigne d’ailleurs :

« Alors que ces hommes étaient en pleine élucubration, ils proposèrent de s’attaquer aux erreurs condamnées par l’Eglise dans la proposition 78 de la constitution Auctorem fidei (publiée par Notre prédécesseur Pie VI le 28 août 1794). Ils attaquèrent aussi la pure doctrine qu’ils prétendent vouloir conserver sans tâche, soit ils ne comprennent pas la situation, soit ils prétendent astucieusement ne pas la comprendre. Tandis qu’ils soutiennent que l’entièreté de l’apparence extérieure de l’Eglise puisse être changée indifféremment, ne prêtent-ils pas sujet aux changements ces articles de discipline qui trouvent leur fondement dans la loi divine et qui sont intimement liés à la doctrine de la foi ? Est-ce que la loi des croyants ne génère donc pas la loi des actes ? De plus, n’essayent-ils pas de rendre l’Eglise humaine en la privant de l’autorité divine et infaillible, alors qu’elle est gouvernée par cette volonté divine ? Et considérer que la discipline actuelle de d’Eglise se fonde sur des erreurs, des obscurantismes et d’autres choses inconvenantes ne cause-t-il pas le même effet ? Ils pensent que cette discipline contient beaucoup d’éléments inutiles, prétendant qu’elle va contre la sûreté de la religion Catholique. Pourquoi se fait-il que des individus privés s’approprient ce qui n’appartient qu’au Pape ? […]

L’Eglise est la colonne et le fondement de la vérité – et l’intégralité de cette vérité est enseignée par l’Esprit Saint. L’Eglise peut-elle ordonner, générer ou autoriser ces choses qui ont pour conséquence la destruction des âmes et la disgrâce au détriment des sacrements institués par le Christ ? » (Encyclique Quo graviora, aux évêques de Rhénanie du 4 octobre 1833 – Condamnation d’un mouvement de fausse réforme menaçant l’Eglise)

Le grand théologien bénédictin Dom Paul NAU (1901-1984) disait à ce sujet :

« Devons-nous ajouter, à la suite de Dom Guéranger, que la pratique de l’Eglise est elle-même, pour qui sait y regarder, une source précieuse de lumière. A qui en douterait il suffirait de faire remarquer au bas de chacune des pages, du Codex du Droit Canon, les nombreuses références à des documents émanés de Rome dont beaucoup sont des décisions prises dans le but d’orienter l’action. Sans doute, ici la continuité sera moins apparente et plus délicate à saisir ; si les principes directeurs sont invariables, les circonstances, elles, sont passagères et, pour demeurer vrai, le rapport entre les uns et les autres devra s’exprimer par une nuance dans la décision. Il faudra tenir compte de toutes ces données pour retrouver à travers elles la doctrine, et souvent peut-être, faute d’information suffisante, suspendre prudemment notre conclusion. Nous ne devrons jamais oublier pourtant, que même commandées par « l’utilité des âmes », ou des « considérations d’ordre pastoral » les directions données par les Lettres Pontificales sont guidées par le Saint-Esprit et révélatrices d’une doctrine d’ordre universel en laquelle nous devons chercher la règle divine de notre pensée. » (Une source doctrinale : les encycliques, éditions du Cèdre, 1952, pp. 84-85)

François continue en disant :

« Cela est évident, par exemple, dans les textes bibliques (comme Exode 21:20-21) et dans certaines interventions magistérielles qui ont toléré l’esclavage (cf. Nicolas V, Bulle Dum Diversas, 1452). Il ne s’agit pas d’un argument secondaire, vu son lien intime lié à la vérité éternelle de la dignité inaliénable de la personne humaine. »

Il faut répondre à cela d’une part que la référence à Exode 21:20-21 n’est pas pertinente car il s’agit premièrement de l’Ancienne Alliance qui, dans ses aspects accidentel a pu être révisé par la Nouvelle Alliance, et secondement que Dieu pouvait changer à volonté ce que les théologiens appellent “la loi naturelle divine secondaire” tant que celle-ci est conforme à “la loi naturelle divine primaire”, mais ces changements sont définitivement fixés avec la fin de la révélation qui est close à la mort du dernier apôtre (Saint Pie X, Décret Lamentabili sane exitu, 3 juillet 1907 -Ccondamnation des principales erreurs modernistes, n°21), le Magistère ne peut donc pas intervenir en la matière, son rôle se limite à déclarer infailliblement le contenu et le sens du dépôt révélé.

Il faut répondre d’autre part que François reprend à son compte une calomnie anticatholique concernant le Pape Nicolas V et l’esclavage. La réfutation se trouve dans l’article suivant : 

Le Pape Nicolas V a-t-il autorisé l’esclavage des Noirs ?

Notons que François avait déjà utilisé cet argument pour créer un précédent à ses innovations doctrinales :

« Venons-en au concret. Aujourd’hui, posséder des bombes atomiques est un péché ; la peine de mort est un péché, elle ne peut être pratiquée, et ce n’était pas le cas auparavant ; quant à l’esclavage, certains Papes avant moi l’ont toléré, mais les choses sont différentes aujourd’hui. Donc on change, on change, mais avec ces critères. J’aime utiliser l’image « vers le haut », c’est-à-dire ut annis consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate. Toujours sur ce chemin, à partir de la racine, avec une sève qui monte peu à peu, et c’est pour cela que le changement est nécessaire. » (Rencontre avec les Jésuites du Portugal le 5 août 2023, lors de son voyage apostolique au Portugal à l’occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse

François termine sa réponse en disant :

« Enfin, la seule formulation d’une vérité ne pourra jamais être adéquatement comprise si elle est présentée isolément, isolée du contexte riche et harmonieux de l’entière Révélation. La «hiérarchie des vérités» implique également de placer chaque vérité en juste connexion avec des vérités plus centrales et avec l’enseignement de l’Église dans son ensemble. Cela peut enfin éventuellement conduire à différentes manières d’exposer la même doctrine, même si «pour ceux qui rêvent d’une doctrine monolithique défendue par tous sans nuance, cela peut sembler une dispersion imparfaite. Mais en réalité, cette variété aide à mieux manifester et à développer les différents aspects de l’inépuisable richesse de l’Évangile» (Evangelii gaudium, 40). Tout courant théologique comporte des risques, mais aussi des opportunités. »

Ce paragraphe est lui-même plus dangereux que faux, car, comme souvent dans le langage de la Rome conciliaire, on manie l’ambiguïté afin qu’à la foi les modernistes puissent exulter et que les conservateurs/traditionalistes puissent psychologiquement se rassurer. Mais ce paragraphe piégé est la porte ouverte au réexamen et la négation de tous les dogmes. Nous le verrons dans notre article sur sa réponse concernant le sacerdoce des femmes, ainsi que de l’invalidité des ordres anglicans (thème qu’il a d’ailleurs évoqué lui-même alors que la question ne lui était absolument pas posée). De plus, François avait déjà ouvert cette porte lors de la conférence de presse dans l’avion qui le ramenait du Canada le 29 juillet 2022. A la question : “De nombreux catholiques, mais aussi de nombreux théologiens, estiment qu’une évolution de la doctrine de l’Eglise en ce qui concerne les contraceptifs est nécessaire. Il semblerait que même votre prédécesseur, Jean-Paul I er, pensait qu’une interdiction totale devait peut-être être reconsidérée. Que pensez-vous à ce sujet, en d’autres termes: êtes-vous ouvert à une réévaluation dans ce sens? Ou encore, existe-t-il une possibilité pour un couple d’envisager la contraception?”, au lieu de donner la seule réponse catholique possible, à savoir un “Non”, définitif, il ouvrait sans le dire trop fort cette possibilité en répondant :

« J’ai compris, c’est une chose très ponctuelle. Sachez que le dogme, la morale, est toujours sur un chemin de développement, mais un développement dans le même sens. Pour parler en termes clairs, je crois l’avoir déjà dit ici: pour le développement d’une question morale, un développement théologique, disons, ou  dogmatique, il existe une règle qui est très claire et qui illumine, je l’ai dit d’autres fois: c’est ce qu’a fait Vincent de Lérins au Ve siècle, il était français. Il dit que la vraie doctrine pour avancer, pour se développer, ne doit pas être tranquille, elle se développe ut annis consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate. C’est-à-dire qu’elle se consolide avec le temps, elle se dilate et se consolide et devient plus ferme, mais toujours en progressant. C’est pourquoi le devoir des théologiens est la recherche, la réflexion théologique. On ne peut pas faire de la théologie avec un «non» devant. Ensuite, ce sera au Magistère de dire: «Non, tu es allé trop loin, reviens». Mais le développement théologique doit être ouvert, les théologiens sont là pour cela. Et le Magistère doit aider à comprendre les limites. En ce qui concerne la question des contraceptifs, je sais qu’une publication est parue sur ce sujet et sur d’autres questions matrimoniales. Ce sont les actes d’un congrès et dans un congrès il y a les «ponenze» [présentations], puis ils discutent entre eux et font des propositions. Il faut être clair: ceux qui ont participé à ce congrès ont fait leur devoir, parce qu’ils ont essayé d’avancer dans la doctrine, mais dans un esprit ecclésial, pas en dehors, comme je l’ai dit avec cette règle de saint Vincent de Lérins. Ensuite le Magistère dira: «Oui cela va» – «Non, cela ne va pas».

Mais beaucoup de choses sont en jeu. Pensez par exemple aux armes atomiques: aujourd’hui, j’ai officiellement déclaré que l’utilisation et la possession d’armes atomiques sont immorales. Pensez à la peine de mort: avant, la peine de mort, oui… Aujourd’hui, je peux dire que nous sommes proches de l’immoralité parce que la conscience morale s’est bien développée… » (Conférence de presse pendant le vol de retour du Canada, le 29 juillet 2022)

D’ailleurs, en rebondissant sur ces propos, le 10 novembre 2022, Mgr Vincenzo PAGLIA, Président de l’Académie pontificale pour la vie, déclara qu’une telle révision de position de la Rome conciliaire interviendrait peut-être :

« Ces remarques ont alimenté les spéculations selon lesquelles un document papal est en préparation. La publication jésuite La Civiltà Cattolica a même suggéré un titre : Gaudium Vitae (“La joie de la vie”). Une encyclique papale sur les questions de vie serait-elle possible, ai-je demandé à Paglia. “Évidemment, cette question devrait être posée au Saint-Père, plus qu’à moi”, répond-il. “Je crois que le jour viendra où le pape François ou le prochain pape [le fera]. Mais que puis-je dire ? Il est certain que nous devons nous pencher sur la question.” » (https://www.riposte-catholique.fr/archives/172448)

Cela veut tout dire, lorsqu’on sait que le contenu de La Civiltà Cattolica est validé avant publication par la Secrétairerie du Vatican !

A ces propos de François s’appliquent parfaitement ces quelques sentences du Magistère des Papes antérieurs à Vatican II :

« C’est ce que vous ferez parfaitement si, comme votre charge vous en fait un devoir, vous veillez sur vous et sur la doctrine, vous redisant sans cesse à vous-mêmes que « toute nouveauté bat en brèche l’Église universelle » [5], et d’après l’avertissement du saint pape Agathon, « rien de ce qui a été régulièrement défini ne supporte ni diminution, ni changement, ni addition, repousse toute altération du sens et même des paroles. » [6] » (Grégoire XVI, Encyclique Mirari vos, 15 août 1832 – Condamnation du libéralisme et de l’indifférentisme religieux)

« Les ennemis de la révélation divine, Vénérables Frères, n’ont pas recours à des moyens de tromperie moins funestes lorsque, par des louanges extrêmes, ils portent jusqu’aux nues les progrès de l’humanité. Ils voudraient, dans leur audace sacrilège, introduire ce progrès jusque dans l’Église catholique : comme si la religion était l’ouvrage non de Dieu, mais des hommes, une espèce d’invention philosophique à laquelle les moyens humains peuvent surajouter un nouveau degré de perfectionnement. […]

En effet, notre très sainte religion n’ayant pas été inventée par la raison, mais directement manifestée aux hommes par Dieu, tout le monde comprend aisément que cette religion, empruntant toute sa force et sa vertu de l’autorité de la Parole de Dieu Lui-même, n’a pu être produite et ne saurait être perfectionnée par la simple raison. » (Pie IX, Encyclique Qui pluribus, 9 novembre 1846 – Sur les principales erreurs du temps)

« Car la doctrine de la foi que Dieu a révélée n’a pas été livrée comme une invention philosophique aux perfectionnements de l’esprit humain, mais elle a été transmise comme un dépôt divin à l’Épouse du Christ pour être fidèlement gardée et infailliblement enseignée. Aussi doit-on toujours retenir le sens des dogmes sacrés que la sainte Mère Église a déterminé une fois pour toutes, et ne jamais s’en écarter sous prétexte et au nom d’une intelligence supérieure de ces dogmes. Croissent donc et se multiplient abondamment, dans chacun comme dans tous, chez tout homme aussi bien que dans toute l’Église, durant le cours des âges et des siècles, l’intelligence, la science et la sagesse ; mais seulement dans le rang qui leur convient, c’est-à-dire dans l’unité de dogme, de sens et de manière de voir (Saint Vincent de Lérins, Commonitorium, XXIII*) » (Concile Vatican I, Constitution dogmatique Dei Filius, 24 avril 1870, Chapitre IV : « De la Foi et de la Raison »)

« Les dogmes que l’Église déclare révélés ne sont pas des vérités descendues du ciel, mais une certaine interprétation de faits religieux que l’esprit humain s’est formée par un laborieux effort. » (Saint Pie X, 22è proposition condamnée du Décret Lamentabili sane exitu, 3 juillet 1907 – Condamnant les principales erreurs du modernisme)

« Moi, N…, j’embrasse et reçois fermement toutes et chacune des vérités qui ont été définies, affirmées et déclarées par le magistère infaillible de l’Eglise, principalement les chapitres de doctrine qui sont directement opposés aux erreurs de ce temps. […]

Quatrièmement, je reçois sincèrement la doctrine de la foi transmise des apôtres jusqu’à nous toujours dans le même sens et dans la même interprétation par les pères orthodoxes ; pour cette raison, je rejette absolument l’invention hérétique de l’évolution des dogmes, qui passeraient d’un sens à l’autre, différent de celui que l’Eglise a d’abord professé. Je condamne également toute erreur qui substitue au dépôt divin révélé, confié à l’Epouse du Christ, pour qu’elle garde fidèlement, une invention philosophique ou une création de la conscience humaine, formée peu à peu par l’effort humain et qu’un progrès indéfini perfectionnerait à l’avenir. […]

Toutes ces choses, je promets de les observer fidèlement, entièrement et sincèrement, et de les garder inviolablement, sans jamais m’en écarter ni en enseignant ni de quelque manière que ce soit dans ma parole et dans mes écrits. J’en fais le serment ; je le jure. Qu’ainsi Dieu me soit en aide et ces saints Evangiles. » (Saint Pie X, Motu proprio Sacrorum antistitum, 1er septembre 1910, Établissant des lois pour repousser le péril du modernisme – Ou « serment antimoderniste »)

« Si tout d’abord ils doivent cultiver leur foi, ils doivent aussi acquérir des connaissances exactes et parfaites et faire progresser les sciences selon les traditions de leur ordre. Qu’ils se persuadent que c’est par ce chemin, si rude soit-il, qu’ils peuvent le mieux concourir à la plus grande gloire de Dieu et à l’édification de l’Eglise. De plus, ils doivent s’exprimer, tant dans leurs paroles que dans leurs écrits, de telle sorte que les hommes de notre époque les comprennent et les écoutent volontiers. D’où l’on peut conclure que, dans la façon d’exposer et de mettre en lumière les questions, dans la conduite des discussions, dans le choix aussi du genre littéraire, il faut qu’ils adaptent sagement leurs paroles à l’esprit de notre époque et à son goût. Que personne ne trouble et ne bouleverse ce qui ne doit pas être changé. On a dit trop de choses et d’une manière insuffisamment fouillée, au sujet de la « nouvelle théologie », qui doit évoluer comme toute chose évolue, être toujours en progrès sans se fixer jamais. Si l’on devait embrasser une telle opinion, qu’adviendrait-il des dogmes immuables de l’Eglise catholique ? Qu’adviendrait-il de l’unité et de la stabilité de la foi ? » (Pie XII, Discours aux participants à la XXIXè Congrégation générale de la Société de Jésus (Jésuites), 17 septembre 1946)

« Dieu a donné à son Eglise, en même temps que les sources sacrées [l’Ecriture Sainte et la Tradition : ndlr], un magistère vivant pour éclairer et pour dégager ce qui n’est contenu qu’obscurément et comme implicitement dans le dépôt de la foi. Et ce dépôt, ce n’est ni à chaque fidèle, ni même aux théologiens que le Christ l’a confié pour en assurer l’interprétation authentique, mais au seul magistère de l’Eglise. Or si l’Eglise exerce sa charge, comme cela est arrivé tant de fois au cours des siècles, par la voie ordinaire ou par la voie extraordinaire, il est évident qu’il est d’une méthode absolument fausse d’expliquer le clair par l’obscur, disons bien qu’il est nécessaire que tous s’astreignent à suivre l’ordre inverse. Aussi notre Prédécesseur, d’immortelle mémoire, Pie IX, lorsqu’il enseigne que la théologie a la si noble tâche de démontrer comment une doctrine définie par l’Eglise est contenue dans les sources, ajoute ces mots, non sans de graves raisons : « dans le sens même où l’Eglise l’a définie » [Inter gravissimas, 28 oct. 1870, Acta, vol. I, p. 260]. » (Pie XII, Encyclique Humani generis, 12 août 1950 – Sur les opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique)

Notons enfin un fait méconnu : Paul VI avait ouvert exactement la même porte, avant de finalement ne pas s’y aventurer et de promulguer au contraire le 25 juillet 1968 sa célèbre encyclique Humanae Vitae, sur le mariage et la régulation des naissances, condamnant totalement la contraception chimique. En effet, le 24 juin 1964, Paul VI avait déclaré au Sacré-Collège :

« Mais pour l’instant Nous disons franchement que Nous n’avons pas jusqu’ici de raisons suffisantes de considérer comme dépassées et par conséquent (comme) non obligatoires [ndlr : c’est donc qu’il pourrait y en avoir] les normes données par le Pape  Pie XII à ce sujet. Elles doivent donc être retenues comme valables au moins aussi longtemps que Nous ne Nous estimerons pas obligé en conscience à les modifier. Dans des questions aussi graves, il est bon que les catholiques suivent une seule loi, celle que propose l’Eglise avec toute son autorité, et il paraît par conséquent opportun de recommander que personne pour le moment ne s’arroge le droit de se prononcer en termes opposés aux règles en vigueur. » (Allocution au Sacré-Collège du 23 juin 1964. Texte original en italien publié sur le site du Vatican. Traduction française publiée in : Osservatore Romano, 24 juin 1964 et La Croix, 24 juin 1964, reproduits in : Nouvelle revue théologique, tome 86, n° 7 (1964), pages 754 et 755)

Voici une autre traduction possible publiée à l’époque du passage le plus intéressant :

« Nous n’avons pas jusqu’à présent de raisons suffisantes pour considérer comme dépassées, et par conséquent n’ayant pas un caractère d’obligation, les règles données par le pape Pie XII à ce sujet. Celles-ci doivent donc être considérées comme gardant toute leur valeur, du moins tant que nous ne nous sentirons pas en conscience obligé de les modifier » (Documentation Catholique, LXI, 5 juillet 1964, n° 1427, p. 817)

Le hic, c’est que déjà à l’époque de Paul VI, cela était déjà faux ! Tout cela est documenté dans le document suivant : 

Paul VI et la contraception : une hésitation contraire à la foi

François a donc contre lui non seulement les enseignements de Pie XI et Pie XII que Paul VI avait déjà contre lui, mais il a en plus contre lui l’encyclique Humanae Vitae, ainsi que les innombrables déclarations dans le même sens de Jean-Paul II et Benoît XVI !

Aussi, peut-être que de fait, la Rome conciliaire ne reviendra jamais sur ses enseignements actuels de condamnation de la contraception artificielle, d’exclusivité masculine du sacerdoce et d’invalidité des ordres anglicans, mais le mal irréversible est déjà fait car François a officiellement déjà déclaré que de droit la remise en cause de ces enseignements était possible. Or le simple fait d’autoriser la remise en cause d’enseignements définitifs et infaillibles est déjà une négation de la foi !

Nos analyses sur ses autres réponses seront publiés dans les articles suivants qui comportent quatre parties.

Louis FLETENCHARD

Autres articles sur le synode 2023
– 16 septembre 2023 – Synode : des laïcs dans le gouvernement de l’Eglise ?, par Louis Flétenchard
– 19 septembre 2023 – Synode : l’Église « de nature synodale » ? par Louis Flétenchard

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