Cette matinée de négociations qui ont duré trois heures a donné des résultats suffisants pour pouvoir organiser un face à face entre les présidents Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky. C’est ce qu’a déclaré le conseiller présidentiel ukrainien, Mikhailo Podolyak, à la fin du cycle de négociations. Le chef de la délégation ukrainienne, David Arakhmia, a ajouté que si le système de garanties pour la sécurité de l’Ukraine, proposé à la Russie, devait « fonctionner », le gouvernement de Kiev accepterait le statut de « neutralité ».
De son côté, par la bouche du ministère de la Défense, la Russie a annoncé une réduction « radicale » de l’activité militaire dans les régions ukrainiennes de Kiev et Tchernihiv. Le négociateur en chef russe Vladimir Medinsky a déclaré qu’une rencontre entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky était possible, mais seulement après qu’un projet de traité ait été conclu entre les parties. Medinsky a précisé que si les travaux sur le traité Moscou-Kiev progressent rapidement, un compromis peut être trouvé. Il n’est pas encore clair si les négociations se poursuivront demain.
Alexandre Fomine, représentant du ministère russe de la Défense, a fait savoir qu’« en raison du fait que les négociations sur l’élaboration d’un accord sur la neutralité et sur le statut d’Etat exempt d’armes nucléaires de l’Ukraine, ainsi que sur les garanties de sécurité pour l’Ukraine, entrent dans la phase pratique », le ministère russe de la Défense avait « résolu – afin de renforcer la confiance mutuelle et de réunir les conditions nécessaires pour poursuivre les négociations et atteindre les objectifs d’harmonisation et de signature de l’accord susmentionné – de réduire considérablement l’activité militaire dans les secteurs de Kiev et de Tchernigov ». Il a précisé que cette décision devrait être entérinée au retour de la délégation russe à Moscou et qu’elle avait pour objectif la conclusion d’un accord au sujet de la neutralité de l’Ukraine et des garanties de sécurité pour la Russie.
Dans ces négociations, la Turquie a joué le rôle de médiateur. Le “patron de la maison” Recep Tayyp Erdogan a lancé le coup d’envoi aux négociations à Istanbul, annonçant sa volonté d’organiser un éventuel face-à-face entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky au cas où, dans les prochaines heures, il y aurait la fumée blanche tant attendue :
« l’avancée des pourparlers de paix entre les délégations ukrainienne et russe en Turquie pourrait ouvrir la voie à une rencontre au niveau des dirigeants ».
Le président turc, vêtu des habits du grand médiateur, s’est adressé aux deux camps en les qualifiant de « précieux amis » et a expliqué que le moment était venu « d’attendre des résultats solides ». Il reste à voir si ces résultats émergeront à la suite des pourparlers qui ont eu lieu au Palais Dolmabache et lors de réunions ultérieures. Ce qui est certain, c’est qu’Erdogan, après avoir déclaré ces derniers jours que l’Ukraine et la Russie semblaient proches d’un accord, a souligné qu’ « il appartient aux deux parties d’arrêter la tragédie ».
À la table des négociations, du côté russe siégeaient Vladimir Medinsky, conseiller de Vladimir Poutine et ancien ministre de la Culture. Il est considéré comme un membre du groupe « faucon » de Moscou et est connu pour avoir des positions nationalistes plutôt fermes. A ses côtés, on retrouve Alexander Formine, vice-ministre de la Défense de la Fédération de Russie, Leonid Slutsky, président de la Commission des affaires étrangères de la Douma, et Andrei Rudenko, vice-ministre des Affaires étrangères depuis 2019.
La délégation ukrainienne était conduite par Oleksii Reznikov, ministre de la Défense de Kiev et fidèle bras droit de Zelensky. Il était accompagné de David Arakhamia, chef du Serviteur du peuple, parti de Zelensky, Mykola Tochytskyi, ancien ambassadeur en Grande-Bretagne et auprès de l’UE, Mykhailo Podolyak, conseiller de Zelensky, et Rustem Umerov, représentant adjoint des Tatars de Crimée.
Également présent aux négociations, Roman Abramovich, qui n’est pas assis à la table principale des délégations russe et ukrainienne, mais à côté d’Ibrahim Kalin, porte-parole du président Erdogan.
Un des principaux sujets abordés lors des pourparlers concernait les termes du statut de neutralité de l’Ukraine. Selon une source à l’agence Interfax, la rencontre pourrait s’achever « par la mise sur papier des termes du statut neutre » de Kiev. Le Financial Times, citant notamment un projet d’accord, écrit que Moscou ne demandera plus la « dénazification » de l’Ukraine, ni sa « démilitarisation ». Au contraire, la Russie serait prête à permettre à l’Ukraine de rejoindre l’Union européenne comme garantie de sécurité et au cas où elle renonce à rejoindre l’OTAN. « La Fédération de Russie n’est pas contre la volonté de l’Ukraine de rejoindre l’Union européenne », a également dit Vladimir Médinsky, à l’antenne de la chaîne russe Pervy Kanal. « L’Ukraine renonce à rejoindre des alliances militaires, à déployer des bases et contingents militaires étrangers [sur son territoire], ainsi qu’à mener des manœuvres militaires sur le territoire ukrainien sans approbation de la part des Etats garants, y compris la Russie », a-t-il également annoncé.
L’Ukraine obtiendrait les garanties de sécurité précitées, similaires à l’article 5 de l’OTAN – à savoir celui qui engage tous les pays membres de l’Alliance atlantique à intervenir en cas d’attaque de l’un d’entre eux – de la part du Canada, des États-Unis, de la France, de l’Italie, de l’Allemagne, de la Pologne, d’Israël, de la Turquie et, en théorie, de la Russie elle-même. Kiev réclame en effet un « mécanisme international de garanties de sécurité » dont seraient signataires plusieurs pays garants, selon une déclaration du négociateur en chef ukrainien. « Nous insistons pour qu’il s’agisse d’un accord international qui sera signé par tous les garants de la sécurité », a insisté David Arakhamia, poursuivant :
« Nous voulons un mécanisme international de garanties de sécurité où les pays garants agiront de façon analogue au chapitre 5 de l’OTAN et même de façon plus ferme. »
Selon lui, les conditions sont par ailleurs « suffisantes » pour une rencontre Poutine-Zelensky.
Le ministre turc des Affaire étrangères Mevlüt Cavusoglu a pour sa part salué les « progrès les plus significatifs » depuis le début du conflit. Le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan avaient convenu, lors d’un appel téléphonique le 27 mars, qu’Istanbul accueillerait les pourparlers, dont le principal enjeu est un cessez-le-feu en Ukraine.
Mais la route n’est nullement terminée, car, par exemple, les nœuds épineux relatifs aux territoires occupés par l’armée russe restent à résoudre.
Francesca de Villasmundo
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