En septembre 2004, le professeur suédois Mat Brännström annonçait avoir réussi la première greffe d’utérus ayant abouti à la naissance d’un enfant vivant et en bonne santé. Cet organe avait été prélevé sur la maman d’une femme elle-même stérile. Tout le monde il est gentil et content… Mais à l’heure où l’hôpital Foch de Suresnes et une équipe médicale de Limoges entendent se lancer dans cette aventure peu banale, le Pr Henrion de l’Académie de Médecine – il fût mon maître de thèse – a été chargé par cette institution de mener une réflexion sur une affaire plus délicate qu’il apparaît. L’indication est celle d’une femme qui ne peut avoir d’enfant en raison de l’absence ou de mauvais état de son utérus et qui désire une greffe de cet organe.

À Limoges, les chirurgiens penchent vers la solution consistant à prélever les utérus de femmes décédées ou dont le cerveau a été détruit et qui sont déclarées en état de mort cérébrale. Le problème majeur est que toute greffe doit être effectuée rapidement. Les circonstances du décès ne sont jamais prévisibles et la mise en route de la technique ne peut pas se faire vite. Rappelons que depuis avril dernier, toute personne peut servir de réservoir de pièces à la médecine y compris contre la volonté de la famille ; sauf s’il a inscrit son nom au « registre des refus ». L’intervention est très simple et ne durerait que 19 minutes.

À Suresnes, l’inévitable Frydman est partisan lui de prélever sur des donneuses vivantes. Il est d’abord évident qu’une femme en état de procréer ne peut être amputée de sa fonction de reproduction sous le prétexte de rendre service à une autre femme. En revanche si la donneuse est post-ménopausique comme dans le cas suédois il ne semble pas y avoir de problème majeur dans la mesure où le prélèvement ne concerne pas un élément vital de l’organisme ; cette personne peut même être certaine qu’elle ne fera jamais de cancer sur un organe qui lui a été enlevé. L’utérus peut provenir aussi d’une femme qui a voulu changer de sexe et devenir un homme : mutilation absolument scandaleuse. Cependant, globalement, l’intervention chirurgicale elle-même est extrêmement complexe et dangereuse pour la donneuse. Ce sont dix heures d’opération avec des risques majeurs comme des lésions des organes voisins, des hémorragies, des phlébites ou des embolies.

Dans tous les cas il faudra faire un traitement antirejet dit « immunosuppresseur ». Il peut être mal toléré. La grossesse elle-même entraîne dans le tiers des cas une hypertension artérielle ; l’enfant peut se développer insuffisamment (retard de croissance intra-utérin), ou naître prématurément (la moitié des cas).

Par contre, il y a à l’actif de cette option le fait qu’elle évite d’avoir recours à la GPA c’est-à-dire d’acheter un enfant à l’étranger.

Mais surtout l‘Académie de Médecine doit prendre une responsabilité effrayante. En effet les enfants nés dans de telles conditions ont été soumis au véritable matraquage du traitement immunosuppresseur. Celui-ci entraîne une modification de leur ADN. À long terme ils risquent de développer des maladies auto-immunes et des cancers. Ce pour quoi la Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique avait donné dès 2008 un avis s’opposant au principe de la greffe d’utérus.

Dr Jean-Pierre Dickès

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