« Personne ne croit plus aux justifications d’Israël », et quelle que soit la justification qu’on puisse donner, les images de la foule affamée se ruant sur le camion humanitaire pour une croûte de pain demeurent. Ainsi que les balles qui les ont fauchés. Et cette faim a été causée…
Il est difficile de commenter le massacre des Palestiniens qui tentaient de recevoir l’aide envoyée à Rafah : 112 personnes ont été tuées par balles par l’armée israélienne alors que les Palestiniens désespérés étaient rassemblés autour d’un camion humanitaire. Il est intéressant de noter un article d’Amos Harel dans Haaretz, qui, dans le titre, explique que le massacre « pourrait changer le cours de la guerre entre Israël et le Hamas ».
Gaza : la mort, la faim
Et cela malgré les justifications israéliennes habituelles auxquelles, comme le rapporte le journaliste, pratiquement personne ne croit plus. Ainsi le journaliste Harel : le massacre répète « le scénario de Kafr Kana, qui a conduit en 1996 à une conclusion plus précoce que prévue de l’opération Raisins de la Colère au sud du Liban. Dix ans plus tard, lors d’une autre guerre au Liban, le Hezbollah a tenté d’exagérer un incident aux caractéristiques similaires, qui s’est produit dans le même village. Dans ce cas, un cessez-le-feu de 48 heures a été convenu, mais les combats ont ensuite repris pendant encore deux semaines jusqu’à ce qu’une solution mettant fin à la guerre soit trouvée ».
D’autres fois, des tragédies similaires ont été rapidement oubliées, comme celle de l’hôpital Al Shifa au début de la guerre à Gaza, écrit Harel, mais cette fois c’est différent car le massacre de jeudi matin « est réel », c’est-à-dire les morts ne peuvent pas être rabaissés comme à d’autres moments. Par ailleurs, malgré toutes les justifications qui peuvent être avancées, les images de la foule affamée se ruant le camion humanitaire pour une croûte de pain demeurent. Et cette faim a été provoquée, ce n’est pas la faute du Hamas…
Une faim due d’abord aux sévères restrictions imposées par Israël, mais aussi à la réduction des fonds de l’Agence qui aide les Palestiniens, et aujourd’hui l’UE a décidé d’allouer 50 millions d’euros, mais quand arriveront-ils ? Un article de Megan K. Stack publié dans le New York Times intitulé La famine guette les enfants de Gaza parle de la faim endémique à Gaza, où les enfants boivent de l’eau fétide, mangent de l’herbe et de la farine provenant de l’alimentation animale et bien plus encore.
Le cessez-le-feu et la guerre contre le Hezbollah
Dans l’article de Stack, entre autres choses, on retrouve également les remerciements humoristiques, voire tragiques, de Biden à Israël pour avoir autorisé un navire chargé de farine en provenance des États-Unis à atteindre Gaza, sans savoir qu’ « Israël avait fait exactement le contraire », c’est-à-dire qu’il l’avait bloqué au port d’Ashdod.
Harel prévient à juste titre que ce qui s’est passé est plus que probable, et « se répétera à une échelle encore plus grande à mesure que le chaos à Gaza s’étend. Et il n’existe pas de solution politique capable d’apaiser les passions pour tenter d’imposer un peu d’ordre ».
Concernant les perspectives d’un cessez-le-feu, Harel écrit que le massacre de jeudi « s’est produit au milieu des efforts américains pour parvenir à un nouvel accord sur la libération des otages, dont la première phase serait accompagnée d’un cessez-le-feu de six semaines. Il est possible que Washington profite de la catastrophe pour accroître la pression sur Israël afin qu’il limite son activité militaire et accepte une solution rapide ».
Un appel à mettre fin à la guerre est lancé en Israël
Ce n’est pas seulement Harel qui écrit à ce sujet. Haaretz, dans son éditorial, qui ne peut critiquer durement les forces israéliennes, lance un appel à mettre fin à la guerre. Un éditorial qui se termine de manière lapidaire : « Il est temps d’arrêter ». Le Ramadan commence le 10 mars. Date fatidique pour le cessez-le-feu. Nous verrons.
Une autre mention de Harel mérite une note secondaire : « Certaines personnalités israéliennes de haut rang continuent de se plaindre de l’ingérence des Américains dans les efforts de Tsahal pour achever la conquête de la bande de Gaza, et du fait qu’ils ont également le projet d’Israël de lancer une opération surprise. L’attaque contre le Hezbollah du 11 octobre a été déjouée ».
La pression pour étendre la guerre au Liban est toujours forte, voire très forte. Étendre la guerre aurait l’effet d’un lavage capable d’effacer et de faire oublier tout ce qui s’est passé à Gaza. En plus d’obliger l’Occident à resserrer les rangs et à se rapprocher encore davantage de son allié du Moyen-Orient.
Francesca de Villasmundo
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