Bien des critiques pourront être faites sur ce texte bergoglien qui mêle adroitement des pensées catholiques à des propos modernistes : « Telle page de leur ouvrage pourrait être signée par un catholique : tournez la page, vous croyez lire un rationaliste » constatait déjà, en 1907, Saint Pie X dans sa célèbre encyclique Pascendi sur les erreurs du modernisme. Ce n’est que plus vrai aujourd’hui, tant le modernisme, « ce collecteur de toutes les hérésies », imprègne les esprits des autorités conciliaires les plus haut placées à Rome. Les paroles intrinsèquement et fondamentalement catholiques, sans connotation subtilement ou évidemment progressiste, deviennent même une denrée rare dans les salles des Palais apostoliques et les écrits apostoliques.
Gaudete et Exsultate, « Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse », n’est pas exempt de cet esprit conciliaire qui a dénaturé le message chrétien dans le but d’ouvrir l’Église au monde moderne.
Si le pape François rappelle dans son document que nous sommes tous appelés à la sainteté, message chrétien bimillénaire dont il n’est pas l’inspirateur comme semblent le croire les ignares médias de propagande, il tient à justifier dans son exhortation le primat de l’action sur la contemplation et la prière. Et en cela il est bien dans l’air du temps d’apostasie spirituelle universelle…
Gaudete et Exsultate reprend les thèmes chers au pape François dont le messianisme temporel : il faut concevoir la vie comme « une mission » et « l’identification avec le Christ et avec ses désirs implique l’engagement à construire, avec lui, ce Royaume d’amour, de justice et de paix pour tout le monde. » (§25) Entre la prière et l’action, El papa argentin, partisan de la praxis pour faire bouger les lignes, c’est-à-dire la doctrine catholique, fait la part belle à la seconde :
« Il n’est pas sain d’aimer le silence et de fuir la rencontre avec l’autre, de souhaiter le repos et d’éviter l’activité, de chercher la prière et de mépriser le service. » (§26)
Si le pape rappelle que les Béatitudes sont la voie de la sainteté, il en donne là-aussi une lecture progressiste. Car tout en soulignant que nous serons juger sur la charité (Mt 25, 36) il ne discerne cette charité que dans les œuvres de miséricorde, qui plus est considérées sous leur aspect d’engagement social :
« il ne s’agit pas seulement d’accomplir quelques bonnes œuvres mais de rechercher un changement social. » (§99)
dont il fait le va-tout de la sainteté. Tout engagement humaniste est bon, de la défense de la vie à l’accueil du migrant :
« Est également préjudiciable et idéologique l’erreur de ceux qui vivent en suspectant l’engagement social des autres, le considérant comme quelque chose de superficiel, de mondain, de laïcisant, d’immanentiste, de communiste, de populiste. (…) La défense de l’innocent qui n’est pas encore né, par exemple, doit être sans équivoque, ferme et passionnée (…). Mais est également sacrée la vie des pauvres qui sont déjà nés, de ceux qui se débattent dans la misère, l’abandon, le mépris, la traite des personnes, l’euthanasie cachée des malades et des personnes âgées privées d’attention, dans les nouvelles formes d’esclavage, et dans tout genre de marginalisation. Nous ne pouvons pas envisager un idéal de sainteté qui ignore l’injustice de ce monde où certains festoient, dépensent allègrement et réduisent leur vie aux nouveautés de la consommation, alors que, dans le même temps, d’autres regardent seulement du dehors, pendant que leur vie s’écoule et finit misérablement. » (§101)
Il ne faut donc pas être étonné, après la lecture de ce quelques lignes qui assimilent la sainteté au volontariat social, qu’il n’y ait aucune mention de la vertu de religion comme moyen premier pour accéder à la sainteté. Saint Thomas d’Aquin l’explique cependant clairement : la vertu de religion est supérieure à toutes les autres vertus morales, est spécialement liée à la charité et s’identifie avec la sainteté (II-II q. 81) : « la sainteté est une vertu spéciale, et l’on peut alors d’une certaine façon l’identifier à la religion. » ; « c’est la religion qui touche de plus près à Dieu: elle nous fait accomplir des actes directement et immédiatement ordonnés à son honneur » tels le sacrifice et l’adoration. Mais la vertu de religion commande également les actes propres de la miséricorde telle la visite des orphelins et des veuves puisque « toute œuvre vertueuse est appelée sacrifice en tant qu’on l’ordonne à l’honneur de Dieu ».
Mais pour le pape actuel, aucune mention de cette vertu de religion, ordonnée à la Gloire de Dieu, pour se sanctifier, mais uniquement de la miséricorde :
« Celui qui veut vraiment rendre gloire à Dieu par sa vie, celui qui désire réellement se sanctifier pour que son existence glorifie le Saint, est appelé à se consacrer, à s’employer, et à s’évertuer à essayer de vivre les œuvres de miséricorde. » (§107)
parce que, écrit-il au paragraphe 106, en travestissant Saint Thomas (Cf. Somme Théologique, II-II, 30, a. 4.) : « nos actions les plus grandes », celles « qui manifestent le mieux notre amour de Dieu » « sont les œuvres de miséricorde envers le prochain, plus que les actes de culte ». Or Saint Thomas, dans la même question, s’il note que « parmi les vertus relatives au prochain, la miséricorde est la plus excellente », affirme pourtant que « la miséricorde n’est pas la plus grande des vertus » parce que « chez l’homme, qui a Dieu au-dessus de lui, la charité qui l’unit à Dieu vaut mieux que la miséricorde, qui lui fait secourir le prochain » :
« le sentiment intérieur de charité qui nous unit à Dieu l’emporte sur l’amour et la miséricorde envers le prochain. La charité nous rend semblables à Dieu en tant que nous unissant à lui par affection. Elle est donc préférable à la miséricorde, qui nous rend semblables à lui seulement par la similitude des œuvres. »
Dieu premier servi, selon le mot de sainte Jeanne d’Arc !
Mais en notre époque où l’esprit d’Assise prédomine, il doit être éminemment inconcevable pour le pape argentin de relier la sainteté pour tous, croyants, incroyants, infidèles, athées, etc. au culte du seul vrai Dieu. Exit donc la vertu de religion qui est anti-œcuménique, discriminatoire, identitaire, exclusive, non-plurielle, etc !
Cette exhortation Gaudete et Exsultate est bien dans l’air du temps : anthropocentrique par excellence. Le culte premier n’est pas rendu à Dieu mais à l’Homme, alpha et oméga de la sainteté bergoglienne !
Francesca de Villasmundo
Cet article vous a plu ? MPI est une association à but non lucratif qui offre un service de réinformation gratuit et qui ne subsiste que par la générosité de ses lecteurs. Merci de votre soutien !