Dans l’édition du 13 février de Rorate Caeli, Côme de Prévigny, qui écrit tant pour Fideliter que pour Renaissance Catholique, s’essaye à préparer les esprits à une reconnaissance canonique de la FSSPX, dont nul à son sens ne serait en droit de se défier. Son argument principal est simple :
« Peut-on refuser la reconnaissance canonique quand aucun préalable inacceptable n’est assorti à cette concession ? Mgr Lefebvre n’a jamais refusé de structure canonique en elle-même, de son vivant. Il a uniquement refusé les exigences conditionnant la structure qu’il avait originellement souhaitée et obtenue et qui lui a été injustement retirée. »
Admettons pour vraie l’affirmation relative à Mgr Lefebvre même si, Côme de Prévigny le sait, la réalité est beaucoup plus complexe. Même cette supposition faite, il faut être bien naïf pour croire que ceux qui détruisent la Tradition depuis 60 ans avec un acharnement toujours grandissant sont prêts à lui donner gracieusement les « garanties » d’une survie sans contrepartie. En fait, l’argumentation de M. de Prévigny pèche dès sa première phrase : « … quand aucun préalable inacceptable n’est assorti à cette concession ».
Car hélas, préalable il y a. Un préalable non dit, mais déjà en vigueur depuis des années : celui du silence. Silence avant, pendant et après le Synode sur la famille ; silence sur l’instauration d’un « divorce catholique » lors de la réforme des procédures de nullité de mariage ; silence sur Amoris Laetitia ; silence sur la réhabilitation de Luther et l’accueil solennel de sa statue au Vatican, le 13 octobre dernier. Ce jour-là, toujours au Vatican, « on » marchandait dans la salle d’à côté une éventuelle prélature pour la FSSPX ; « on » se pourfendait même d’un communiqué béat à ce sujet, sans dénoncer nullement ni faire allusion aucune au terrible scandale dont était sali ce jour anniversaire des apparitions de Fatima. Ce silence devient parfois dénégation, d’un autre communiqué par exemple : comment ne pas s’attrister de ce qu’est devenu en quelques mois le communiqué rendu public à l’issue de la réunion de tous les supérieurs de la FSSPX de juin 2016…
Ce préalable tacite du silence est d’autant plus dangereux qu’il n’est pas écrit. Il conditionne toute une attitude, que le temps n’a de cesse de rendre de plus en plus ambigüe.
A ce préalable du silence s’ajoute encore le reniement de la parole donnée à toute la Tradition, celle de ne pas passer un accord pratique avant une unité doctrinale retrouvée. Ce sont les paroles mêmes de l’abbé Schmidberger, alors Supérieur Général de la FSSPX, lors des funérailles du grand évêque Marcel Lefebvre :
« Il a en effet formé une petite élite qui est à la disposition du Saint-Siège et des évêques; mais permettez-moi de préciser : elle est à leur disposition en excluant tout compromis et toute concession vis-à-vis du concile Vatican II et des réformes qui en découlent. Tant que l’esprit de destruction soufflera dans les évêchés et dans les dicastères romains, il n’y aura aucune harmonisation ou accord possibles. Nous voulons travailler à la construction de l’Eglise et non pas à sa démolition. »
Les mêmes propos avaient été réitérés maintes et maintes fois par Mgr Fellay, comme à Lausanne en 2007 :
« Tant que Rome ne revient pas, vraiment ne déconnecte pas — ça ne veut pas dire que tout est réglé dans l’Église, évidemment non — on ne peut vraiment travailler que si on est d’accord sur les principes. Et c’est pourquoi nous insistons, et ré-insistons, et disons, qu’il faut d’abord discuter des principes avec Rome avant de pouvoir faire un accord. Sinon, encore une fois, c’est du suicide. »
Henri Queuille est moins connu que ses citations. Une d’entre elles résonne ici plus particulièrement : « La politique n’est pas l’art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent ». La bureaucratie politicienne du Vatican semble sur le point d’exceller. Encore faudrait-il pour cela que la FSSPX donne encore raison à Henri Queille lorsqu’il disait : « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. »
La foi n’oblige pas à croire aux mirages ; le baptême, pour sa part, engage au témoignage.
Le Christ a témoigné devant Pilate ; Pilate a quant à lui cherché un accord avec les juifs : il a fini par se laver les mains.
Christian LASSALE
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