Les conférences
La première intervenante, maçonne grecque, a insisté sur la présence trop discrète des femmes au sein de l’Union Européenne ; a été avancé le nombre de 33 % de femmes présentes à la Commission européenne et cinq présidentes seulement à la tête des pays membres. Le rejet du rapport Estrela, cause des pressions de la droite et l’extrême-droite et les « régressions » de l’Espagne vis-à-vis des lois en relation avec l’IVG ont été dénoncées avec vigueur. Une solution a été proposée : la création d’une charte pour le droit des femmes, afin que la vision « progressiste » soit établie à l’échelle européenne ; tout pays voulant entrer dans l’Union devra adopter celle-ci pour y être intégré favorablement.
Le deuxième intervenant, est revenu sur les questions d’immigration dans l’Union Européenne ; cette question a été le vecteur majeur de la campagne électorale, a-t-il indiqué, soulignant que l’immigration extra-européenne se fondait sur un dumping-social[2] qui favoriserait le vote extrémiste. Il a insisté ensuite sur ses problèmes à l’échelle intra-européenne, indiquant que d’importants fonds financiers étaient disponibles en faveur de l’intégration des populations roms et qu’ils ne sont pas mis en œuvre comme il conviendrait[3]. Enfin, la récession du droit d’asile a été jugée inacceptable et les modalités de régulation de l’immigration clandestine, comme le dispositif FRONTEX, désormais inefficace. La solution avancée : redéfinir une politique de coproductions entre pays du nord et pays du sud et non une affiliation de uns sur les autres : « Les hommes sont dans une maison commune : la planète Terre. Il faut que chacun puisse y vivre dans la dignité. L’immigration n’est pas un fléau si elle est pensée en termes humanistes ».
Le troisième intervenant s’est interrogé sur l’Etat de l’Union Européenne à l’heure actuelle ; les critères de création de l’Union Européenne partageaient certaines valeurs avec la Franc-Maçonnerie (« Fraternité, humanisme,… ») que le vote Front National a remis en cause ; « une certaine vision de l’Europe est morte ce dimanche dans les urnes. Nous sommes renvoyés à notre devoir d’imaginer notre Europe » dira le Grand Maître Daniel Keller dans sa conclusion. La constitution de groupes de travail dans les loges maçonniques pour réfléchir sur les questions européennes, la création de forums pour rassembler les loges et proposer de nouveaux projets, ont été les solutions indiquées pour « redéfinir une Europe humaniste »[4].
La deuxième partie du débat a proposé une interrogation sur les facteurs de causalité de cet ‘’échec régressif’’ cristallisé par le vote frontiste et les solutions mises en œuvre pour recréer une « Europe humaniste ».
Les « lobbys catholiques » en défaveur de l’Europe humaniste maçonne
Il convenait avant tout d’opérer une «reconquête étique et idéologique[LC1] (et de contre-offensive, a souligné un membre dans l’assemblée) » en faveur des valeurs de la République. Ré-intéresser le citoyen français, trop autocentré sur ses problèmes internes[5], aux questions européennes est une nécessité ; il faudra faire preuve de pédagogie, notamment dans les médias. Et l’introducteur de séance de souligner l’inanité de l’article de l’un de ses « confrères du Point », qui a prêché l’abstention au cours de l’un de ses articles.
Lors du débat, beaucoup de membres des loges présents ont dénoncé l’importance du ‘’lobbysme catholique’’, d’une influence certes moins prégnante (sic) depuis la mise en vigueur de l’article 17 du Traité de Lisbonne[6] qui élève le ‘’dialogue’’ avec les autorités religieuses au statut d’obligation juridique. Ont été dénoncés d’influence majeure l’Opus Dei et les groupes religieux (notamment les Orthodoxes) qui interviendraient de façon trop forte sur les questions des droits des femmes, bioéthiques et en rapport avec la « mort dans la dignité ». Si un maçon intervenait et dénonçait un anathème passéiste, un autre fulminait : « comment se fait-il qu’un lobby catholique puisque encore s’exercer au sein d’une France qui se déchristianise de jour en jour ? ». Enfin, d’autres reprochaient aux catholiques de s’être accaparés la question des « droits de l’enfant » et, en le dissociant des droits de l’Homme, de l’avoir retourné en leur faveur – il devient une sorte de postulat intouchable auquel il est difficile de répondre. Une solution a été proposée : il va falloir bientôt « mettre la main à la poche » pour se constituer un véritable « bureau de lobbying ».
La nécessité de recréer une Europe humaniste
La Franc-Maçonnerie, selon ses propres termes, est disparate et comporte de petites et de grandes obédiences ainsi que des formations nationales qui doivent se fédérer et réagir communément, en optant pour une pédagogie à l’extérieur des loges. Le combat doit commencer par la réappropriation du langage ; le Front National s’est attribué les termes de « patrie » et de « nation », qu’il convient de réintégrer dans le vocabulaire maçonnique. Un membre du Grand Orient de France a insisté ensuite sur l’importance de faire face au fascisme montant en accompagnant les partis politiques sans que le Grand Orient en devienne un lui-même ; il faut être visible et écouté, que les Grands Sages se lient aux cérémonies officielles. Que la « gauche soit plus stratégique » dans l’établissement de ses projets de lois est une nécessité pour la constitution de cette Europe humaniste[7].
La présence de l’influence franc-maçonne s’impose à Bruxelles, au sein de la Commission européenne[8]. Il serait également utile, ajoute un membre du public « sous un intitulé pas trop visible » de faire un bureau de lobbying autour du Parlement. Un autre admet qu’il existe un bureau relatif au droit des femmes à la Commission européenne.
Les derniers mots de Daniel Keller
Refaire une Europe humaniste avec l’équerre et le compas entraînerait l’obligation de rassembler les loges et d’insister sur la promotion des valeurs maçonnes ; celles-ci impulseraient un devoir d’imagination d’avenir dans les idéaux maçons avant que d’autres, « éloignés de nos convictions, ne le fassent à nos dépends » a souligné Daniel Keller avant de conclure : « Nous sommes les Enfants du Siècle des Lumières. Puisse celui-ci ne pas trop s’assombrir » et de terminer en soulignant que ceci n’est que le début de leur combat.
A plusieurs reprises, les termes de « reculer devant les partis nazis » ont fait leur apparition au cours de la séance ; fort heureusement, l’introducteur de la séance avait averti l’auditoire : aucun amalgame facile ne serait réalisé au cours de ce débat.
1A l’échelle régionale (Saint-Quentin-en-Yvelines par exemple) et nationale (Grand Orient de France, loge espagnole, bruxelloise notamment).
2C’est-à-dire que les partis jugés extrêmes dénonceraient la concurrence des travailleurs immigrés sur l’emploi des français dits de souche pour stigmatiser l’immigration.
3 Le rapport d’information déposé par la commission des affaires européennessur l’intégration des populations roms et présenté par Mme Marietta Karamanli et M. Didier Quentin indique en effet : « De façon plus globale, il existe toutefois à l’heure actuelle une programmation de 26,5 milliards d’euros de concours financier de l’Union européenne pour soutenir les efforts d’ensemble des États membres dans le domaine de l’intégration sociale. Ces fonds comprennent ceux mobilisables y compris pour l’aide à la population rom ; elle est loin d’être intégralement mobilisée ». Rapport no 1387 de l’Assemblée Nationale, quatorzième législature, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 septembre 2013.
4 L’idée de faire un Grand Orient à l’échelle européenne a été abandonnée, quoiqu’elle ait fait l’office de nombreuses tentatives cependant.
5 La citation exacte n’a pu être notée ; il s’agit là d’un propos rapporté.
6 Dialogue dit de l’Article 17: Dialogue avec les Églises, les associations ou communautés religieuses et les organisations philosophiques et non confessionnelles. Source : BEPA.
7 Est repris en exemple le rapport ESTRELA, dans lequel avaient été incorporées les questions de la Procréation Médicalement Assistée et des droits des transsexuels, qui ont entraînés l’objection d’une quarantaine de démocrates-chrétiens et le rejet de la loi à sept voix. La maçonne grecque dit que les Francs-Maçons n’ont pas été interrogés quoique quelques-uns (« dont je ne donnerai pas les noms ici, je n’en vois pas l’utilité ») ont contribué à la rédaction du texte. Il a été souligné que les verts n’avaient pas voté en sa faveur, fait fort dommageable.
8 Le BEPA est alors mentionné en liaison avec le président de la Commission Européenne, José Manuel Barroso.
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