Est-ce possible ? C’est le point-de-vue de Delenda Carthago:
Depuis ce 22 décembre 2014 la fluctuation des cours des métaux précieux, qui n’était pas vraiment libre d’interventions, est strictement encadrée sur les marchés états-uniens.
L’autorité de gestion des marchés à terme avait annoncé ces nouvelles modalités le 11 décembre, pour les deux marchés principaux que sont le COMEX (Commodity Exchange) et le NYMEX (New York Mercantile Exchange), au moyen de la règle n° 589 intitulée Special Price Fluctuation Limits. L’esprit de cette manœuvre est habilement noyé dans des complexités techniques, consistant en une savante grille de fluctuations autorisées en valeur absolue (et non pas en pourcentage), et pour des plages de prix différentes d’un métal à l’autre, puisqu’évidemment la même valeur absolue (100 dollars par exemple) ne représente pas du tout le même pourcentage de la valeur d’une once selon qu’il s’agit de cuivre ou de platine. Ainsi il n’est pas dit que la fluctuation maximale est de 20% pour tous les métaux, mais la lecture attentive de la grille montre par exemple que si le dernier cours de l’or était inférieur à 1000 dollars la fluctuation maximale autorisée (en plus ou en moins) est de 100 dollars, et si le dernier cours se trouvait dans la tranche de 1000 à 2000 dollars la fluctuation permise est de 200 dollars… la tranche maximale prise en considération par la grille étant celle, pour l’or, de 3000 à 4000 dollars (il n’y a pas de tranche ouverte vers le haut, type « 4000 et plus »). Cette nouvelle règle laisse donc le lecteur de la grille libre d’imaginer ce qui se passera lorsque le cours de l’or atteindra 4000 dollars (guère plus du double du cours du 6 septembre 2011), à savoir fluctuation libre sans limite ou fermeture définitive des marchés, à moins que les autorités de régulation de la place d’échanges phare de l’économie de marché mondiale considèrent, et veuillent faire considérer, totalement inconcevable un doublement du prix de l’or, exprimé en dollars, par rapport au prix librement fixé par le jeu de l’offre et de la demande jusqu’aux manipulations monstres de septembre 2011. En-deçà de ce cours maximal pris en considération, dès qu’une fluctuation, par rapport à la dernière clôture, atteint la marge maximale autorisée, le marché est suspendu pour cinq minutes, puis rouvert à partir du cours de la dernière clôture journalière (cours de la veille), et c’est par rapport à celui-ci que se mesure la fluctuation maximale autorisée, alors élargie d’une unité supplémentaire (« additional increment », l’obscurité est intentionnelle), mais mesurée toujours par rapport au cours de fermeture de la veille, pas par rapport au cours précédant l’interruption de séance ; s’il faut interrompre le jeu de l’offre et de la demande deux ou trois fois on réouvre chaque fois au dernier cours de la veille, avec une autorisation de fluctuation élargie… sachant qu’une variation de 200 dollars pour une once d’or représente à peine une fluctuation de 17% par rapport au cours d’aujourd’hui, ou 3 dollars pour une once d’argent représente une fluctuation de 19% par rapport au cours d’aujourd’hui. Et si le même incident se répète quatre fois dans la même journée le marché est fermé jusqu’au prochain jour ouvrable ; et, sauf erreur dans l’entendement de la note, le prochain jour ouvrable (s’il y a…) démarrera au cours de l’avant-dernière journée de cotation, comme si l’emballement du jour précédent n’avait tout simplement pas eu lieu.
En d’autres termes, si vous voulez acheter ou vendre et qu’un équilibre possible entre offre et demande le permet, cela doit être dans le cadre de la marge de fluctuation autorisée et cette règle sera martelée quatre fois par jour, moyennant suspensions de séance, jusqu’à ce que vous acceptiez de négocier dans ces marges ou retiriez votre offre d’achat ou de vente. Les chiffres lors de l’entrée en vigueur du système correspondent à la deuxième tranche pour l’or et la première tranche pour l’argent, mais il n’est pas interdit qu’une progression considérée comme raisonnable, et donc autorisée, amène l’or à s’apprécier, par rapport au dollar, de 15% un premier jour, puis 15% le lendemain et ainsi de suite, donnant le temps aux autorités états-uniennes de prendre les mesures qui s’imposent.
Le dollar définitivement préservé et libre de toute référence?
Exit donc les vidéos alarmistes montrant en cinq minutes sur Youtube un enchaînement d’évènements de marché pouvant mener à l’effondrement total du dollar et de l’économie états-unienne en quelques heures, de l’aube à Tokyo jusqu’au crépuscule à Los Angeles. Désormais il faudra au moins quatre jours de cotation pour que le métal jaune retrouve ne serait-ce que son niveau d’avant les manipulations monstres.
L’organisation qui gère les marchés (CME ou Chicago Mercantile Exchange) se prépare évidemment à un défaut majeur et probablement imminent, concernant un métal significatif, sur le marché qui donne le la au niveau mondial. Il se couvre en limitant simultanément le libre jeu de l’offre et de la demande des principaux métaux, à savoir l’or, l’argent, le cuivre, le platine et le palladium, afin d’empêcher qu’un défaut sur l’or ne génère une ruée sur l’argent ou le platine, par exemple (l’épuisement des réserves de cuivre n’est pas imminente même si la Chine pourrait le laisser croire en stockant de quoi alimenter son industrie pendant plusieurs années), dont l’envolée montrerait alors ce que la fermeture du marché de l’or visait à cacher (que le dollar ne permet d’acheter plus que du sable).
Les Etats-Unis, quant à eux, préparent de toute évidence la fermeture définitive des marchés de métaux précieux.
En 1944 ils ont fixé arbitrairement la valeur du dollar à 1/35° d’once d’or, ont fait pendant quelque temps le plein d’or à ce taux puis un jour de 1971 ont tout simplement, unilatéralement et en violation de traités internationaux (les accords de Bretton Woods qu’ils avaient concoctés pour se faire remettre l’or du monde), refusé de restituer l’or que les pays qui se croyaient amis leur avaient remis. Ils ont toléré ensuite l’existence de marchés d’apparence privée qui vendent au compte-gouttes, ou en tout cas qui n’ont pas été conçus pour les échanges de centaines ou milliers de tonnes nécessaires aux gouvernements et banques centrales, et à des taux fixés en théorie par le jeu du marché mais largement supérieurs à 35 dollars l’once, et plafonnés soudainement à 1927 dollars par une manipulation monstre juste une minute avant l’annonce de la capitulation de la Suisse (objet d’un ultimatum états-unien) le 6 septembre 2011. Ces marchés (COMEX essentiellement) ont pour fonction principale d’afficher une dépréciation fallacieusement modérée du dollar par rapport à l’or, et pour fonction secondaire, depuis cinq ans, de différer la révélation par la Chine de la faillite des Etats-Unis, au moyen de livraisons d’or au taux officiel, mais qui d’une part ne permettront pas d’épuiser les montagnes de dollars dont la Chine veut se défaire, et d’autre part se termineront incessamment, lorsque la baisse artificielle ne suffira plus à faire vendre les derniers détenteurs d’or du monde occidental ; sur ces marchés les cours sont dictés par les promesses de vente (donc justement les marchés à terme), représentant une centaine de fois le volume réel d’or disponible. Cependant si l’hyper-impression de dollars a été accélérée depuis 2011 la valeur véritable du dollar n’a pu que baisser. Les Etats-Unis ont cessé en 2006 de publier l’agrégat M3 de leur masse monétaire, fait unique parmi toutes les puissances économiques et scandaleux puisqu’ils prétendent conserver à leur monnaie le statut d’unique monnaie d’échange internationale tout en refusant de dévoiler combien est en circulation, mais selon la réserve fédérale de Saint-Louis la masse monétaire a de nouveau doublé depuis 2011… donc si un dollar valait vraiment 1/2000° d’once d’or en 2011 (en fait le dollar était déjà très surévalué) il en vaut arithmétiquement de l’ordre de 1/4000° aujourd’hui.
Cette opération est magnifique. Si les marchés s’étaient emballés, comme ils pouvaient le faire jusqu’à la semaine dernière, et sans parler d’hyperinflation ou d’hyperdévaluation mais simplement d’une multiplication ou division par cinq par exemple, le temps que les autorités réagissent (il faut parfois plus de cinq minutes) les marchés auraient pu être fermés (pardon, « cotations suspendues » indéfiniment) à la cotation de 10000 dollars pour une once d’or, signifiant une division par cinq de la valeur du dollar par rapport à 2011, ou dix par rapport à aujourd’hui, et ce chiffre serait entré dans les annales comme la dernière valeur plus ou moins librement établie du dollar par les marchés. Désormais les cotations seront temporairement suspendues dès que le dollar aura subi par rapport à l’or une dépréciation de 15% (quand l’or « augmente » de 17% le dollar baisse de 15%), et si cette dépréciation est confirmée quatre fois elle sera annulée et les marchés définitivement fermés sur la cotation de la veille, il n’y a aucun doute là-dessus. On pourra alors dire qu’il n’y a plus assez de métaux précieux disponibles à la vente pour justifier une salle de marché, laisser passer l’ire de la Chine qui déclarera ne plus pouvoir accepter de paiements en dollars (et la laisser continuer à vendre de l’or à Shangaï pour quelque montant en yuans que ce soit si elle veut), et annoncer au reste du monde que l’or « vaut » définitivement X dollars l’once, par exemple le cours de l’avant-dernière séance peut-être augmenté de 199 dollars s’il était dans la tranche des 1000 à 2000 dollars. La valeur du dollar exprimé en or deviendra donc une constante officielle, et absolument non représentative de l’impossibilité d’obtenir une once d’or pour quelque montagne de dollars que ce soit. Quelque temps plus tard on pourra tolérer l’ouverture au Chili d’une bourse du cuivre, métal important en termes de volumes, ou laisser les industries consommatrices traiter directement avec les mines productrices.
La « valeur » du dollar aura été verrouillée, pour ceux qui souhaiteront (ou seront forcés de) continuer à l’utiliser après l’incident métallique que la CME appelle « triggering event ».
Source: Stratediplo
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A propos de la signature de l’article:
L’expression « Delenda Carthago » est un mot attribué à Caton l’Ancien, qui terminait ses discours, quelqu’en soit le sujet par « Il faut détruire Carthage » (= delenda Carthago.)
L’expression s’emploie aujourd’hui à propos d’une idée fixe, poursuivie sans relâche jusqu’à sa réalisation ; elle signifie donc aussi la poursuite de la destruction d’une institution ou d’une structure .
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