L’évolution du nombre de députés eurosceptiques au Parlement européen (PE) depuis la première élection de celui-ci au suffrage direct en 1979 peut être divisée en deux périodes: 1979-1994 et 1994-2019.
De 1979 à 1994, la proportion de députés eurosceptiques est de plus en plus faible. Malgré l’augmentation du nombre de députés européens à cause de l’arrivée de nouveaux pays dans la CEE (qui deviendra après le traité de Maastricht l’UE), le nombre de députés eurosceptiques baisse:
67 sur 410 (16,3%) en 1979, avec 9 pays membres (Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Pays-Bas, Belgique, Danemark, Irlande, Luxembourg). Il y a alors un seul groupes eurosceptique (ED, 63 élus dont 60 conservateurs du Royaume-Uni). Les 4 élus du MSI-DN italien (futur allié du FN) siègent avec les non-inscrits.
67 sur 434 (15,4%) en 1984, avec 10 pays membres (la Grèce a rejoint la CEE en 1981). Il y a cette fois-ci deux groupes: ED (50 élus dont 45 conservateurs britanniques) et 16 élus de DR, le groupe qu’a réussi à fonder autour de lui le FN (10 élus du FN, 5 élus du MSI-DN et un élu grec du parti E.P.EN). Le dernier élu eurosceptique vient du parti néerlandais protestant SGP qui est présent au PE élu en 2019.
56 sur 518 (10,8%) en 1989, avec 12 pays membres (l’Espagne et le Portugal ont rejoint la CEE en 1986). ED ne compte plus que 34 élus (dont 32 conservateurs britanniques) et DR en compte 17 (10 élus FN, 6 élus du parti républicain allemand et un élu du Vlaams Blok belge). MSI-DN a obtenu 4 élus mais ils ont décidé de quitter DR pour siéger avec les non-inscrits. Le dernier élu eurosceptique est à nouveau un membre du parti néerlandais SGP. La Grèce a perdu son unique élu eurosceptique de 1984.
Le creux de la vague est atteint en 1994 avec seulement 44 élus eurosceptiques sur 567 députés (7,8%). Il y a toujours 12 pays. Le groupe ED disparaît car les élus conservateurs britanniques, qui ne sont plus que 18, siègent désormais au PPE sous l’influence de John Major, le nouveau premier ministre du Royaume-Uni favorable à l’UE qui a remplacé l’eurosceptique Margaret Thatcher qui a quand même, me semble-t’il, posé les jalons pour la future campagne électorale victorieuse du Brexit en 2015-2016, même si cette victoire électorale n’est toujours pas suivi d’effet à ce jour! La CEE est appelée désormais l’Union européenne, qui est en fait une structure complexe regroupant plusieurs organismes (CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier), CEE, Euratom, Cour de justice des Communautés européennes etc.). Le groupe DR disparaît aussi car le parti républicain allemand perd ses élus et que le FN (11 élus), le MSI (1 élu), l’Alliance nationale (issu d’une scission du MSI, 10 élus), le Vlaams Blok (2 élus) et le FN belge (1 élu) n’arrivent pas à s’entendre malgré leurs 25 élus. Un nouveau groupe eurosceptique, l’Europe des nations (EDN) est fondé grâce à Philippe de Villiers. Il compte 19 élus, dont 13 en France élus sur la liste de Villiers, 4 au Danemark (2 élus chacun pour deux partis eurosceptiques) et deux élus d’une liste eurosceptique néerlandaise.
Le recul des eurosceptiques entre 1979 et 1994 est dû, je pense, au fait que la CEE (puis l’UE) semblait pour la plupart des électeurs, une protection contre les dangers de la guerre froide entre le bloc occidental mené par les Etats-Unis et le bloc communiste mené par l’URSS.
Depuis 1994, on observe une remontée de l’euroscepticisme qui est la conséquence, me semble t’il de deux phénomènes.
Le premier est le développement à partir du début des années 1990, de l‘immigration dans les pays qui jusqu’alors souffraient au contraire d’émigration, notamment l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce et l’Irlande qui, à cause de la rentabilité relativement faible de leurs terres, de leur faible industrialisation et de leur forte démographie, voyaient partir une partie de leur population chercher des empois à l’étranger… notamment en France et en Allemagne.
Le deuxième est l’incapacité de l’UE, constatée dans les années 1990, d’empêcher la guerre à ses frontières: guerre d’indépendance de la Croatie et de la Slovénie (1992), guerre en Bosnie-Herzégovine (1992-1995), bombardements de l’OTAN sur le Kosovo en 1999 afin de contraindre la Serbie de renoncer au Kosovo, pourtant serbe depuis des siècles. L’UE est également incapable de s’opposer efficacement à l’augmentation de la violence dans la plupart des pays européens, violence due à l’augmentation des trafics (drogue, armes, trafic de migrants, contrefaçons etc.) et au terrorisme (musulman, révolutionnaire ou régionaliste).
Voici les données:
64 députés sur 626 en 1999 (10,2%) avec 15 pays (l’Autriche, la Finlande et la Suède ont rejoint l’UE en 1995). 30 élus pour l’UEN (Union de l’Europe des nations), nouveau nom de l’Europe des nations et 16 de l’EDD (6 élus de CPNT (Chasse pèche nature tradition) en France, 4 élus danois, 3 élus néerlandais et 3 élus de l’UKIP qui font déjà campagne pour le Brexit). 11 élus eurosceptiques siègent au TDI, groupe technique sans unité politique comprenant aussi 7 élus eurocrates. Ces 11 élus sont 5 FN, 2 Vlaams Blok, 3 Ligue du Nord, 1 MSI. Les 7 élus eurosceptiques restant sont 5 FPO (Autriche), 1 élu de la LN ne siégeant pas avec le groupe TDI et un élu de la liste Pasqua-Villiers ne siégeant pas avec l’UEN.
84 élus sur 732 en 2004 (11,5%) avec 25 pays (les trois pays baltes (Lituanie, Estonie et Lettonie), la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie, la Slovaquie, la Slovénie, Malte et Chypre ont rejoint l’UE en 2004). L’UEN n’a plus que 27 élus (9 Alliance nationale en Italie, 7 PiS en Pologne, 4 Fianna Fail en Irlande (ce parti longtemps dirigé par le catholique Edmond de Valera, ami de Monseigneur Lefebvre, a trahi quelques années après son patriotisme pour rejoindre les libéraux de l’ALDE), 4 élus en Lettonie, 2 élus lituaniens et un élu danois. Le groupe des indépendants et démocrates (ex EDD) compte 37 élus dont 11 UKIP, 10 LPR (ligue des familles polonaises, catholiques traditionnels ou conservateurs), 3 MPF, 4 LN, un élu tchèque, un élu danois, un élu grec, un élu irlandais, 2 élus néerlandais protestants et 3 élus suédois. Les 20 eurosceptiques restant sont tous non inscrits (7 FN, 3 Vlaams Blok, 1 Fiamma tricolore, un élu tchèque, un FPO, 6 SO (nationalistes polonais) et un protestant du Royaume-Uni).
102 élus sur 736 en 2009 (13,9%) avec 27 pays (la Bulgarie et la Roumanie ont adhéré en 2007). L’UEN devient l’ECR (Conservateurs et réformateurs européens) et double ses élus pour en avoir 54 dont les conservateurs britanniques qui redeviennent eurosceptiques (24 élus). On compte aussi dans ce groupe un protestant unioniste, un belge, 9 ODS (parti du président tchèque (2003-2013) Vaclav KLAUS), 1 élu lituanien, 1 élu letton, un élu hongrois, un élu protestant néerlandais et 15 élus du PiS. L’EFD (ex-EDD) n’a plus que 32 élus: 13 UKIP au Royaume-Uni, 9 LN en Italie, Philippe de Villiers, 2 Danois, 2 Grecs, 2 Lituaniens, un protestant néerlandais, un en Slovaquie et un nationaliste en Finlande (PS: Vrais finlandais). Il y a 16 eurosceptiques non-inscrits; 2 Vlaams Belang, 3 FN, 3 Jobbik, 4 PVV néerlandais, 2 FPO et 2 BNP au Royaume-Uni.
167 élus sur 751 en 2014 (22,2%) avec 28 pays (la Croatie a adhéré en 2013). L’ECR poursuit sa progression avec 70 élus (19 conservateurs britanniques, 17 PiS, 8 Allemands dont 7 AfD et un de Familie, 4 Belges, 4 Danois, 2 Bulgares, 2 ODS, un Fianna Fail irlandais, un nationaliste grec, un Croate, un Letton, un Lituanien, 2 néerlandais, 2 autres Polonais, 2 Slovaques, 2 PS finlandais et un unioniste britannique. L’EFDD (ex-EDD) a 48 élus (24 UKIP, un Tchèque, Joelle Bergeron (élue sur la liste FN, elle rejoint pourtant dès le lendemain l’EDD), 17 M5S (Mouvement 5 étoiles italien), un Letton, 2 Lituaniens et 2 Suédois. Il y a 49 eurosceptiques non-inscrits dont 38 formeront en cours de mandat l’ENL (dont 20 FN français). Avec le FN, il y aura un VB en Belgique, 4 FPO, 5 LN, 4 PVV, 2 KNP en Pologne, un indépendant en Roumanie et un UKIP ayant quitté l’EFDD. A noter que Jean-Marie Le Pen a été exclu du FN un peu avant et n’a donc jamais été membre de l’ENL. Bruno Gollnish, par solidarité avec Jean-Marie Le Pen, n’a jamais adhéré non plus à l’ENL, tout comme Aymeric Chauprade qui a décidé de fonder son propre parti.
Aux élections de 2019, ont été élus 185 eurosceptiques (24,6%) dont nous détaillerons la répartition dans un prochain article.
Gontran PAUME
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