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Entretien exclusif avec Alban Guillemois, prix international de la BD chrétienne 2021

J’ai découvert au fil de leur parution chez Artège les deux derniers albums de bande dessinée d’Alban Guillemois puis j’ai suivi son compte Twitter. Appréciant beaucoup son travail, je lui ai proposé une interview pour Médias Presse Info que vous retrouverez en intégralité ci-dessous. J’espère que CIVITAS pourra réorganiser sa traditionnelle Fête du Pays Réel en 2022 (sans passe sanitaire) et que ce sera l’occasion que cet artiste vienne y dédicacer ses ouvrages.

Alain Escada

Alban Guillemois, vous avez reçu cette année le Prix International de la bande dessinée chrétienne à Angoulême pour votre album Bernadette & Lourdes, l’enquête paru chez Artège. Pouvez-vous nous présenter cet album et ce qu’a représenté ce prix pour vous ?

D’emblée beaucoup de choses m’ont intéressés sur ce sujet de Lourdes que je raconte dans la bande dessinée : d’abord l’histoire de la ville, les évènements les plus marquants, à savoir l’histoire du blason absolument passionnante, car ce blason symbolise, en quelque sorte, l’origine des conversions de musulmans dès le VIIIème siècle, fait intéressant pour notre époque ! Je voulais aussi révéler ou redire à travers mes illustrations que les protestants ont massacré les catholiques à Lourdes, car bien souvent malheureusement ces actes violents et d’une rare atrocités, et il y en a eu beaucoup au XVIème siècle en France, n’apparaissent nulle part dans les manuels d’histoire de l’éducation nationale. Effectivement on se doute bien que l’école de la république contrôle une histoire de France avec filtre, ce qui arrange bien les camarades protestants.
Et bien sûr je voulais raconter surtout le sujet principal de cet album : l’apparition de la Sainte Vierge à la grotte de Massabielle, son message d’amour envers les plus pauvres et les plus faibles, ses demandes aux hommes et l’histoire de Sainte Bernadette Soubirous. Cette adolescente d’un milieu très pauvre capable de tenir tête, du haut de ses 14ans, à l’Establishment républicain très anticatholique de l’époque, ça aussi c’est un miracle ! Des fonctionnaires de l’Etat avaient voulu faire passer Bernadette pour folle en 1858 de la même manière que l’Etat de 2021 fait passer des lanceurs d’alerte pour fous.
L’idée de cette Bande Dessinée était donc de pouvoir voyager dans le temps à travers un récit historique et un message d’espoir chrétien. Il fallait ainsi créer un personnage fil conducteur, ce personnage c’est Léonore, étudiante en journalisme, inspirée par ma fille aînée qui se prénomme Léonore et qui est aussi une fidèle admiratrice de la voyante de Lourdes. Le fait que Léonore soit américaine dans l’album m’a permis de mettre en avant aussi avec humour, par des détails illustrés, le décalage entre le New-York progressiste et Lourdes la catholique. Quant à l’Abbé Joe O’Connor américain d’origine irlandaise, c’est le personnage numéro deux de l’album, ce prêtre est inspiré par Monsieur l’Abbé Duhar curé de Lourdes, c’est un hommage afin de remercier l’Abbé car sans lui cette BD n’aurait pas vu le jour, il a fait beaucoup pour aider au projet.
Concernant le prix à Angoulême, en effet j’ai été agréablement surpris quand l’éditeur m’a annoncé cette nouvelle, les éditions Artège attendaient ce prix depuis longtemps d’ailleurs ! Je ne m’y attendais pas et j’ai été très content, je remercie au passage Monseigneur Gosselin, évêque d’Angoulême, et les membres du jury.

J’ai été frappé, dans vos deux derniers albums, par la multitude de détails qui accompagnent le récit principal. Non seulement vos bandes dessinées sont d’excellents outils d’apostolat mais en outre ils rappellent des scènes historiques tantôt effrayantes (comme la Terreur révolutionnaire et les massacres de prêtres et religieux) tantôt édifiantes (comme les œuvres des Sœurs de la Charité de Nevers pour les malades, les miséreux et les orphelins). Et vos BD contiennent également d’innombrables allusions à la laideur d’un monde moderne marqué par le mondialisme et le multiculturalisme. Peut-on dire qu’il existe une double lecture de vos ouvrages ?

D’excellents outils d’apostolats”, merci pour ce beau compliment !
Effectivement le lecteur éclairé peut percevoir non pas une double lecture mais plutôt des petits clins d’oeil un peu mordants ou taquins, il s’agit de montrer parfois la dure réalité d’un système démocrate, système ploutocrate qui établit de manière sournoise un monde aux valeurs inversées où la laideur, le mensonge et la médiocrité seraient la norme. Je donne donc de l’importance au détail comme vous avez pu le voir aussi dans mes illustrations de presse pour Vexilla Galliae et aussi sur les couvertures des livres de mon ami et voisin le poète génial Romain Guérin.

Si je ne m’abuse, on retrouve également au gré des pages de vos albums l’un ou l’autre clin d’œil comme lorsque vous y glissez le visage de Mgr Lefebvre, de l’abbé Xavier Beauvais ou de quelques auteurs contemporains. Est-ce moi qui ai la berlue ou est-ce bien le cas ?

Oui c’est un peu ma manière à moi de rendre hommage à des gens que j’apprécie beaucoup, qui ont lutté et qui luttent pour le Bien. Dans ce cas le trait sera doux et joyeux.

L’abbé Xavier Beauvais inséré dans l’album Bernadette & Lourdes, l’enquête

Mais parfois c’est l’inverse et je vais caricaturer de vils personnages dont vous avez dû deviner les trognes de certains (rire).

Il semble aussi que vous aimez réaliser les portraits des grands personnages de France, tels sainte Jeanne d’Arc ou encore saint Louis. Cela traduit-il un amour particulier pour la France et son histoire catholique ?

Oui, vous avez vu juste ! Depuis l’enfance, j’ai toujours été en quête d’un idéal de beauté héroïque, bienfaisant ou chevaleresque, la chevalerie étant une voie de Sainteté. Sans doute parce que mes aïeux ont été des chouans, leur devise en Breton était : “Doue ha mem bro” ce qui signifie “Dieu et mon pays”.

Moi aussi j’aime Dieu et mon pays, le sang des guerriers-poètes coule dans mes veines. Voyez, beaucoup de glorieuses figures du Duché de Bretagne et du Royaume de France m’inspirent donc depuis fort longtemps.

Le lycéen idéaliste que j’étais a hésité entre Saint-Cyr et les Beaux-Arts, la Providence m’a plutôt guidé vers des études aux beaux-Arts et je m’aperçois que cette route était la bonne, puisque finalement le champ de bataille est l’information et l’image dans ce XXIème siècle.

D’où vous vient cette façon si particulière de dessiner vos personnages ? Et quelles sont vos sources d’inspiration ? Avez-vous été un grand lecteur de bandes dessinées ?

J’ai découvert la BD à 6 ans avec les aventures de Tintin. Hergé est vraiment l’élément déclencheur qui m’a donné envie de raconter des histoires en Bandes Dessinées très tôt. Cela dit pour la sensibilité du trait j’admire plutôt Uderzo, Franquin, Alex Raymond. Leurs traits sont si bien maîtrisés, de véritables maîtres de la plume !

Après concernant le style graphique si particulier dont vous parlez, je dirais qu’il s’agit d’un gloubi-boulga de choses que j’aime (rire). Pour commencer mes maîtres sont finalement les grands caricaturistes du XIXème, tels que Granville, Draner, Robida, grands graveurs aquarellistes de talent, Gustave Doré également notamment son album “Histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie” publié en 1854. La peinture aussi, Le Gréco dont les œuvres résonnent avec le style des peintres expressionnistes auxquels je suis assez sensible. Cela se voit dans mes œuvres. Et puis je suis très inspiré, surtout pour le décor, par le génial Antoni Gaudi et le cinéma expressionniste allemand. J’ajouterais Karel Zeman cinéaste et décorateur tchèque grand rêveur dont l’univers copié sur Georges Méliès est très poétique et proche du mien.
Oui, j’ai été un grand lecteur de Bandes dessinées, mais aujourd’hui les grands noms de la bande dessinée franco-belge sont quasiment tous morts et on ne peut pas dire que les nouveautés soient à la hauteur des anciens. De plus à notre époque la majorité des bandes dessinées contemporaines, même si quelque fois on trouve par chance que le dessin est beau, tendent à n’être plus que l’enseigne du shopping ou de la bien-pensance unique bobo-snob-gauchiste.

Les quelques images de vous trouvées sur internet reflètent un souci d’élégance hors du temps, tout comme la photo de votre bureau de travail. Le goût pour le décor fait semble-il partie de vous-même. Pouvez-vous présenter quelque peu à nos lecteurs les différentes facettes de vos activités ?

Ah oui vous pouvez dire que mon bureau fait partie de moi-même en effet, j’ai besoin d’être entouré d’un univers d’objets anciens pour travailler. Des statues, des gravures de personnages que j’aime, vous n’avez pas tout vu dans mon bureau, j’ai aussi une partie de ma collection de chapeaux et de coiffures militaire. Je souris car je pense à mes enfants, qui disent que mon bureau est un véritable salon des antiquaires.

Oui l’élégance ne semble plus à la mode à notre époque et je crois que cette célèbre phrase de Monsieur Karl Lagerfeld résume très bien la situation : « Les pantalons de jogging sont un signe de défaite. Vous avez perdu le contrôle de votre vie, donc vous sortez en jogging. »

En effet j’ai le goût du décor, j’ai d’ailleurs commencé mon parcours artistique comme décorateur pour le cinéma et aujourd’hui je travaille à la restauration de peintures d’églises. Entre les deux j’ai été réalisateur, professeur d’art et de cinéma d’animation dans trois écoles parisiennes, illustrateur de presse, scénariste et auteur de bandes dessinées.

La reconquête des idées passe inévitablement par la reconquête culturelle. Quel est votre avis à ce sujet ? Comment voyez-vous cette possible reconquête culturelle ?

Et bien, il y a un grand historien de la littérature française, Monsieur Marc Fumaroli, qui disait à juste titre : “la culture est un autre nom de la propagande”. Je crois que les marxistes ont bien compris cette histoire de conquête par la culture, contrairement aux catholiques. Ces derniers ont abandonné le bateau et ils s’accrochent à la nostalgie d’un art qui fût grand sous le Royaume de France et ils n’ont pas tout à fait tort non plus parce que culturellement le pays s’écroule et les points de repères disparaissent.

Je pense que l’art du futur ne doit plus être quelque chose qui doit provoquer facilement ou choquer gratuitement par son infamie récurrente comme c’est souvent le cas de l’art dit “contemporain”, mais au contraire quelque chose qui doit coordonner tout ce que l’Histoire nous a apporté, mettre en valeur notre patrimoine et héritage des siècles passés pour arriver à un véritable art contemporain empreint de culture européenne, donc chrétienne.
Il faut donc se retrousser les manches et avec l’aide de Dieu combattre de toutes nos forces cet art républicain qui n’est qu’une propagande démoniaque et enfin diffuser le Bien, le Vrai, le Beau, retrouver l’équilibre naturel perdu ! Cela veut dire peut-être créer des manifestations artistiques ou mouvements artistiques partout dans le pays, en marge des évènements culturels dictés par Paris, un peu comme les fameuses journées chouannes par exemple avec des artistes.

Quels sont vos projets ?

J’ai un grand projet de long-métrage d’animation depuis quatre ans mais je n’ai pas trouvé de producteur malgré une petite aide financière du CNC. Le milieu du long-métrage étant très hermétique, beaucoup plus que celui du court-métrage ou du clip, la recherche d’un producteur s’avère être un véritable parcours infernal. Je ne suis donc pas certain de pouvoir réaliser ce film un jour.
Avec Romain Guérin, écrivain, Christoff Bzh, chanteur, et Antoine Bernard, réalisateur, nous avons le projet de créer une chaîne sur le net où le présentateur-marionnette serait une parodie d’un youtubeur, nous verrons dans ce programme un esprit persifleur, un mélange des guignols de l’info et du petit rapporteur. Ce sera une sorte de chouannerie audiovisuelle !
Actuellement je travaille avec un scénariste de films, Jean-Cyril Vadi, nous écrivons une série de bandes dessinées inspirées des prophéties catholiques. L’histoire se passe en 2032, le prétendant au trône de France, lieutenant du Christ est pourchassé et en danger de mort, il rassemble une poignée de chevaliers acquis à sa cause afin de reconquérir son royaume, dans un pays en proie à de multiples menaces et guérillas intestines. Un futur qui nous attend peut-être ?!… Nous retrouverons aussi bien sûr dans cette BD quelques trombines du système en guest-stars appréciés de mes lecteurs semble-t-il, suspens ! Nous aurons aussi besoin de soutien afin de financer ce projet.

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