Dans cet entretien, il s’abstient cependant de faire une quelconque déclaration sur le silence du pape argentin aux questions soulevées ni sur la division doctrinale qui surgit actuellement au sein de l’Église conciliaire. S’il condamne le protestantisme, il ne cite en revanche jamais François quand il répond aux questions qui portent sur la réhabilitation du luthéranisme au Vatican, pourtant entreprise par la plus haute autorité romaine elle-même.
Son intention semble donc plutôt de retrouver, en condamnant la façon dont est conçu l’actuel dialogue religieux avec la foi protestante, une unité doctrinale au sein de l’Église conciliaire au sujet du protestantisme, qu’il s’agit de repousser, sans nommer les responsables de la division. Et pour retrouver cette unité il se fonde sur Vatican II… Ce même Vatican II sur lequel se fonde l’actuel dialogue inter-religieux et cette réhabilitation de Luther. La quadrature du cercle, en somme !
C’est Vatican II, la source ambiguë à laquelle s’abreuve ce rapprochement avec le protestantisme – que déplore le cardinal Brandmüller-, que le prélat allemand devrait rejeter pour retrouver enfin cette véritable union doctrinale à laquelle il aspire.
« Il Giornale : Cardinal Brandmüller, le débat sur Luther est en train d’agiter l’Église catholique. Y-a-il en acte une vraie réhabilitation de cette figure ?
Cardinal Brandmüller : Déjà après la commune expérience de la persécution de la part des nazis, les conflits confessionnels entre catholiques et protestants dans l’historiographie sur Luther ont diminué. Joseph Lortz ou Erwin (deux historiens de l’Église qui n’ont pas omis les différences et les affrontements doctrinaux, ndlr) furent les représentants d’une historiographie catholique objective, sereine, impartiale, sans, pour autant, sous-évaluer la dissension spirituelle.
Il Giornale : Mgr Galantino (secrétaire de la Conférence épiscopale italienne, ndlr) a été jusqu’à dire que la réforme luthérienne est « un événement de l’Esprit-Saint ». Ne serait-ce pas un peu beaucoup ?
Cardinal Brandmüller : En effet, dans un pays de culture catholique « Luther » ou la « Réforme » sont parfois perçus comme des phénomènes exotiques et donc, pour certains, fascinants. Cependant avant de s’extérioriser sur eux, il conviendrait d’étudier un peu plus que des journaux.
Il Giornale : Certains estiment que le choix de mettre une statue de Luther au Vatican ait été déplacé. Qu’en pensez-vous ?
Cardinal Brandmüller : Le désaccord entre les différentes formes de protestantisme, et il y en a beaucoup, et la foi catholique concerne les fondements. Déjà les concepts par exemple de foi, de sacrement, de grâce, d’Église dans la doctrine protestante ont un sens nettement opposé à celui de la foi catholique, mais ici ce n’est pas le lieu d’en parler.
Il Giornale : Quelles sont les lignes de démarcation doctrinale qui séparent encore catholicisme et protestantisme ? On parle aussi du risque d’une « messe œcuménique »…
Cardinal Brandmüller : On parle d’une « messe œcuménique » ? Volontiers, mieux aujourd’hui que demain. Mais avant de sonner les cloches, il serait nécessaire de clarifier ce qu’est la messe. Peut-être une cérémonie de rencontre fraternelle en mémoire de Jésus ou, plutôt la célébration du mystère du sacrifice eucharistique, comme l’enseigne finalement la Sacrosanctum Concilium de Vatican II.
Il Giornale : Certains ont défini les propositions rigides sur le thème en question comme les « marmonnements des traditionalistes »…
Cardinal Brandmüller : A propos des marmonnements des traditionalistes : suis-je un des leurs puisque je suis convaincu que la thèse de Pythagore est encore vraie ?
Il Giornale : Il semble, parfois, qu’une partie de l’Église ait assumé une attitude typiquement luthérienne : faire passer les questions politiques avant celles spirituelles. Est-ce une interprétation correcte ?
Cardinal Brandmüller : Vous touchez là un sujet sensible ! Quant on s‘occupe plus de politique en laissant de côté la réalité de Dieu, grâce et péché, d’autant plus on trahi l’Évangile. Au cours d’un entretien de plus de 20 minutes sur l’année 1517 et sur Luther un haut représentant du protestantisme allemand ne mentionna pas une seule fois Dieu ou Jésus. » (Traduction de Francesca de Villasmundo)
Francesca de Villasmundo
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