Mgr Carlo Maria Viganò clarifie sa position

après le décret du Dicastère pour la Doctrine de la Foi

PARTIE I

Entretien avec Matt Gaspers  de Catholic Family News

Dans votre nouvelle déclaration (ici), vous distinguez « l’Église conciliaire » de l’Église catholique de telle sorte que vous affirmez qu’il y a « deux Églises, certainement », alors que dans le passé (ici) vous aviez déclaré que : « Il est évident qu’il n’y a pas deux Églises, ce qui serait impossible, blasphématoire et hérétique ». Il semble donc que votre position ait changé. Pensez-vous maintenant que « l’église conciliaire » soit complètement séparée de l’Église catholique, plutôt qu’une secte subversive qui existe au sein de la véritable Église ? 

Ma position n’a pas changé : il n’y a qu’une seule véritable Église, c’est l’Église Catholique Apostolique Romaine. Mais il y a en fait deux réalités superposées, pour ainsi dire, dont l’une est la véritable Église, précisément, et l’autre, la fausse église, la deep church (église profonde). Si vous faites attention, dans ma déclaration J’accuse, j’ai expressément écrit « deux églises » avec l’initiale minuscule, pour souligner l’anomalie de cette coexistence.

Qu’y a-t-il de nouveau dans cette secte par rapport aux autres qui, au cours de l’Histoire, ont remis en question les dogmes de l’Église ? 

L’Église a été confrontée à mille hérésies au cours des siècles. Les hérétiques prétendaient avoir « découvert » la vraie doctrine et accusaient l’Église d’avoir erré, d’avoir échappé à son autorité. L’Église, pour sa part, condamnait l’hérésie et les hérétiques étaient éloignés du corps ecclésial. Ils continuaient à faire des dégâts, mais au moins leur séparation d’avec l’Église Catholique était claire et les fidèles se tenaient à l’écart d’eux. Cette fois, cependant, nous avons des hérétiques (et des apostats) qui savaient que s’ils se séparaient de l’Église de Rome, ils connaîtraient la fin misérable de tous les hérésiarques. Ils se sont donc organisés pour être à la tête de l’Église, afin de pouvoir promulguer l’hérésie depuis le Siège de Pierre, en l’imposant comme une vérité à croire en vertu de l’autorité du Pontife Romain ; et d’être capables de faire taire toute voix dissidente par des sanctions canoniques et des excommunications, et en même temps d’utiliser les chaires, les pupitres, les séminaires et les universités pour répandre systématiquement l’erreur. Auparavant, on pouvait s’adresser au Saint-Siège pour régler les questions doctrinales et disciplinaires, alors qu’aujourd’hui c’est le Saint-Siège lui-même qui est l’instrument institutionnel des hérétiques qui l’occupent.

Comme cela se produit dans la sphère civile, face aux violations flagrantes de la Loi par l’autorité, il est impossible d’obtenir justice de cette même autorité corrompue, qui se sert de la complicité de tous les organes administratifs et judiciaires qui rendent son action possible. En théorie, cette autorité est usurpée et nulle, mais en fait, elle agit sans être dérangée. Il est nécessaire de prendre acte de l’usurpation du Siège Apostolique – qui n’est pas seulement vacant, mais occupé – afin de mettre fin à une situation très grave ; sans oublier que l’illégitimité de Bergoglio entraîne également la nullité de tous les actes de gouvernement et de magistère qu’il a accomplis, effaçant onze années d’erreurs et d’horreurs.

Ceux qui reconnaissent cette autorité comme valide et légitime le font soit parce qu’ils sont ses complices et ne veulent pas être découverts dans leur propre trahison, soit parce qu’ils ne veulent pas accepter les conséquences nécessaires qui en découlent : tout d’abord, reconnaître que ce coup d’État a commencé avec le Concile Vatican II. Admettre que l’on est tombé dans une terrible supercherie exige d’abord de l’humilité, et jusqu’à présent, personne parmi les cardinaux et les évêques n’a eu le courage de reconnaître que l’Église Catholique a été l’otage d’hérétiques pendant des décennies, et que ces hérétiques l’ont humiliée et discréditée devant le monde précisément pour lui enlever son autorité.

Tout cela répond-il à un schéma précis ?

Certainement ! Le modus operandi est le même que celui utilisé par la Franc-Maçonnerie pour délégitimer les gouvernements et s’approprier la souveraineté nationale. D’abord, les Loges sapent la formation professionnelle et morale de la future classe dirigeante ; puis ils corrompent ces politiciens largement incompétents, faisant que leurs scandales discréditent la politique et les institutions qu’ils président ; ensuite, ils pointent du doigt la corruption de la politique et des institutions pour privatiser les services publics, avec d’énormes profits ; et enfin ils embauchent des politiciens corrompus dans leurs entreprises ou fondations pour continuer à les manœuvrer.

Dans l’Église Catholique aussi, la corruption morale et la formation hérétique du Clergé ont contribué à l’acceptation des changements en matière doctrinale, morale et liturgique. Mais une fois mis en lumière le lien de complicité qui unit inextricablement l’état profond et l’église profonde, l’horreur qui entoure ces criminels sera telle qu’elle constituera une véritable Apocalypse, au sens étymologique du terme, c’est-à-dire « dévoilement », « révélation ».

Vous avez souvent établi un parallèle entre ce qui se passe dans le monde civil et dans l’Église.

Dans le domaine civil, nous assistons à un coup d’État organisé par un lobby subversif, dans lequel les chefs de gouvernement, les ministres et les fonctionnaires de l’État qui sont censés être les représentants des citoyens agissent contre les intérêts des peuples au profit du lobby qui les a nommés. Sont-ils des fonctionnaires de l’État ? Oui. Sont-ils des traîtres ? Oui. Ils ne devraient pas l’être, dans un monde normal, mais en fait, ceux qui détiennent l’autorité dans l’État sont presque partout soumis à une force ennemie qui l’a infiltré pour l’utiliser à son avantage et le détruire. S’agit-il de deux états ? Non : l’un est l’État, l’autre est l’état profond, sa contrefaçon, qui précisément en tant que telle parvient à agir et à se faire obéir.

Nous sommes confrontés à la même situation dans le domaine ecclésiastique. Le même lobby maçonnique qui, depuis plus de deux siècles, a systématiquement démoli les gouvernements civils, a réussi à pénétrer dans l’Église Catholique, à faire nommer ses propres émissaires, à éliminer progressivement toute opposition interne et à imposer une série de changements radicaux qui subvertissent l’enseignement magistériel de deux mille ans. Le but de ces cinquièmes colonnes a été de s’approprier l’autorité de l’Église afin de la démolir de l’intérieur, en utilisant la force de la loi dans un but opposé à celui qui la légitime. S’agit-il de deux églises ? bien sûr que non : l’une est la vraie Église, l’autre est l’église profonde, c’est-à-dire sa contrefaçon, la contre-église, l’anti-église de l’Antichrist.

L’Archevêque Fulton Sheen a écrit : « Le Faux Prophète aura une religion sans croix. Une religion sans monde à venir. Une religion pour détruire les religions. Il y aura une église contrefaite. L’Église du Christ [l’Église Catholique] sera une. Et le faux prophète en créera une autre. La fausse église sera mondaine, œcuménique et mondiale. Ce sera une fédération d’églises. Et les religions formeront un certain type d’association mondiale. Un parlement mondial des églises. Il sera vidé de tout contenu divin et sera le corps mystique de l’Antichrist. Le corps mystique sur la terre aujourd’hui aura son Judas Iscariote, et ce sera le faux prophète. Satan le recrutera parmi nos évêques. » 

Mais l’église profonde ne se manifeste pas officiellement comme telle, car elle perdrait immédiatement son pouvoir sur les fidèles. Son but est de faire accepter aux gens non pas tant et seulement tel ou tel changement de doctrine, de morale, de liturgie, mais le changement en lui-même, c’est-à-dire l’idée d’une révolution permanente selon laquelle l’enseignement de l’Église doit changer et même se contredire selon les époques et les contextes. Une fois que l’église profonde a réussi à faire accepter ce principe, elle peut agir sur tous les fronts, en contradiction avec ce que l’Église a enseigné jusqu’à Vatican II.

Les fidèles et les clercs qui ne connaissent pas cette supercherie continuent d’appartenir à l’Église Catholique, bien sûr, tout comme ils auraient appartenu à l’Église d’il y a cent ans. En revanche, ceux qui se considèrent comme membres de l’« église conciliaire » auraient été condamnés comme hérétiques il y a cent ans, et ne peuvent donc pas être considérés même aujourd’hui comme en communion avec l’Église Catholique. Le paradoxe est que le chef de l’église conciliaire, qui est hérétique et apostat, puisse également être considéré comme Pontife de la Sainte Église Catholique Romaine, et usurper à Notre-Seigneur la voix de Son Épouse pour la déshonorer et déshonorer Jésus-Christ Lui-même.

Dans ce cas également, nous avons un chevauchement des deux entités – Église et anti-église – dans la même Hiérarchie, et c’est ce qui constitue le « coup de maître de Satan » que Mgr Lefebvre a dénoncé dès le début.

Dans votre nouvelle déclaration (ici), vous affirmez que « la Hiérarchie conciliaire… appartient à une autre entité et ne représente donc pas la véritable Église du Christ », tandis que dans le passé (ici) vous avez parlé de la « coexistence de deux entités à Rome : l’Église du Christ est occupée et éclipsée par la structure moderniste conciliaire, laquelle s’est imposée dans la même hiérarchie et utilise l’autorité de ses Ministres pour prévaloir sur l’Épouse du Christ et notre Mère ». Croyez-vous maintenant que la « hiérarchie conciliaire » soit complètement séparée de l’Église catholique ? En outre, qui considérez-vous comme faisant partie de la « Hiérarchie conciliaire » ? 

L’ « église conciliaire » est doctrinalement, moralement et liturgiquement séparée de l’Église Catholique, mais en même temps, sa hiérarchie se définit catholique et, en tant que telle, exige l’obéissance des fidèles de la véritable Église. Cette hiérarchie ne représente pas la véritable Église du Christ, mais prétend la représenter, parce que si elle se séparait officiellement d’elle, elle ne pourrait plus se prévaloir de l’autorité et de la crédibilité de la véritable Église et devrait agir comme n’importe quelle secte hérétique. Le Modernisme, suivant la stratégie typique des sectes maçonniques, apprenait à ses émissaires à se cacher, afin d’arriver sans être dérangés aux postes de commandement. Saint Pie X, avec une organisation de fer et s’appuyant sur des collaborateurs fidèles, a réussi à éradiquer ce « cloaque de toutes les hérésies », mais ce dernier a repris de la force dès que le système de défense voulu par le Saint Pontife a d’abord été affaibli par naïveté, puis délibérément supprimé par ceux qui déploraient alors les « prophètes de malheur » comme on stigmatise aujourd’hui les « théoriciens du complot ». Le but est le même que celui de ceux qui ont inspiré et financé le pacifisme : désarmer l’adversaire afin de pouvoir le conquérir sans résistance. L’ennemi a en effet été en mesure de prendre possession de toutes les places fortes que la Hiérarchie a laissées coupablement sans surveillance.

Le dernier bastion encore resté après la période post-conciliaire – celui de la sacralité de la vie – est aujourd’hui gravement menacé par la présence d’avorteurs néo-malthusiens notoires parmi les membres de l’Académie Pontificale pour la Vie (qui ont occupé ou occupent encore des rôles importants dans des organisations ouvertement hostiles à l’Église Catholique) et par l’admission à la communion de dirigeants pro-avortement – pensons par exemple à Joe Biden et Nancy Pelosi.

Le silence honteux de la Hiérarchie américaine et du Saint-Siège lui-même sur l’inscription, par l’administration Biden, des mouvements pro-vie parmi les organisations terroristes nous laisse horrifiés.

Le problème n’est donc pas de savoir si nous sommes dans l’Église, mais plutôt si ceux qui usurpent son autorité pour démolir l’Église font partie de l’Église. Ce sont eux qui doivent être expulsés, et pas nous qui devons partir ! Ils ne font pas partie de l’Église dont ils ont usurpé l’autorité ; ils n’ont donc pas le droit de faire ce qu’ils font et ne peuvent en aucun cas exiger l’obéissance des fidèles.

19 juillet 2024

© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò

Bientôt la seconde partie.

Les autres articles – sur cette fausse excommunication – parus sur MPI :
– 20 juin 2024 : Communiqué de S.E. Mgr Carlo Maria Viganò, archevêque, à propos de l’ouverture du procès pénal extrajudiciaire pour crime de schisme que lui intente Rome
– 20 juin 2024 : Le Vatican accuse Mgr Viganò de schisme pour « déni de la légitimité du pape François »
– 24 juin 2024 : Mgr Viganò : “non, je ne me suis pas rendu au Vatican et je n’ai pas l’intention d’aller au Saint-Office le 28 juin”
– 28 juin 2024 : “J’accuse” : déclaration de Mgr Carlo Maria Viganò, Archevêque Titulaire d’Ulpiana, Nonce Apostolique, sur l’accusation de schisme
– 28 juin 2024 : Solidarité pour Mgr Viganò, le pasteur qui donne la parole aux véritables marginalisés
– 29 juin 2024 : Sur « l’affaire Viganò » : un regard d’ensemble
– 01 juillet 2024 : Wikileaks 2017 et “affaire Viganò” : le coup d’État de Clinton, Obama, Soros contre Benoît XVI
– 03 juillet : Procès contre Mgr Viganò : le soutien de Iustitia in Veritate
– 05 juillet : L’Église conciliaire excommunie Mgr Viganò
– 05 juillet : Mgr Schneider avait demandé au pape François de ne pas excommunier Mgr Viganò
– 07 juillet 2024 : Mel Gibson envoie une lettre de soutien à Mgr Carlo Maria Vigano, archevêque titulaire d’Ulpiana, Nonce apostolique
– 08 juillet 2024 : Mgr Strickland : “Le Vatican est plus intéressé à faire taire Mgr Viganò qu’à répondre à ses allégations”
– 15 juillet 2024 : Suite des réflexions sur la déclaration de Mgr Vigano à la suite de son « excommunication »
– 23 juillet 2024 : Suite des réflexions sur la déclaration de Mgr Vigano : questions canoniques épineuses et petites pensées d’un catholique basique

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