Deux déclarations diffusées ces deux derniers jours viennent lever une part du voile qui cache les desseins ourdis derrière les manifestations en Iran pour renverser le pouvoir iranien: celle du procureur général iranien et celle d’Emmanuel Macron.
I – Procureur général iranien: « les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite [provoquent] les désordres en Iran. »
Pour le procureur iranien, les États-unis seraient le bras armé d’Israël dans cette opération, et l’Arabie saoudite le banquier.
«Un groupe spécial réunissant les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite a été mis en place pour provoquer des désordres en Iran. Michael D’Andrea et un officier lié au service de renseignement extérieur israélien, le Mossad, qui ont été placés en tête du groupe. Tous les frais ont été couverts par l’Arabie saoudite», a déclaré jeudi le procureur général iranien Mohammad Jafar Montazeri cité par l’agence IRNA. (Source)
La cellule des opérations iraniennes de la CIA à la tête de laquelle a été nommée M. d’Andréa, n’est pas une découverte de ces derniers jours. La nouvelle de sa nomination était déjà parue le 2 juin dans le le Wall Street Journal et le New York Times:
Michael d’Andréa est « connu comme le prince noir ou l’hayatollah Mike, surnoms qu’il a gagné en menant, à la CIA la chasse à Oussama ben Laden et la campagne de frappe qui a tué des milliers de combattants islamistes et des centaines de civils » en Afghanistan.
Maintenant, l’officier D’Andrea, a un nouvel emploi. Il dirige les opérations iraniennes de la C.I.A., selon d’anciens et d’actuels responsables du renseignement, une nomination qui est le premier signe majeur que l’administration Trump met en application la ligne dure que le président a prise contre l’Iran pendant sa campagne.
Le nouveau rôle de M. D’Andrea […] indique une approche plus musclée des opérations secrètes sous la direction de Mike Pompeo, le républicain conservateur et ancien membre du Congrès, ont indiqué les sources « .
II – Emmanuel Macron : « les États-Unis, Israël, l’Arabie Saoudite, [vont] nous conduire à la guerre en Iran »
Michael D’Andréa n’aurait donc pas perdu de temps. Ce qui est nouveau dans la déclaration du procureur général iranien c’est la dénonciation d’une implication d’Israël et de l’Arabie Saoudite en plus de celle des USA. Ces trois Etats désignés dans ce complot corroborent les étranges réflexions qu’Emmanuel Macron a faites le 3 janvier en marge de ses vœux à la presse:
Macron met en garde ses alliés sur l’Iran, même s’il juge qu’il faut « accroître la pression internationale sur l’Iran » mais pas « rompre les discussions ». Car « ce qui est en train de se jouer, sinon, est qu’on est en train de subrepticement reconstruire un ‘axe du mal’. On voit bien le discours officiel qui est porté par les Etats-Unis, Israël, l’Arabie Saoudite, qui sont nos alliés à de nombreux égards : c’est quasiment un discours qui va nous conduire à la guerre en Iran », a-t-il dit. « On est en train de reproduire la stratégie délibérée de certains. Il est très important que, nous, on préserve les équilibres dans ce contexte », a-t-il affirmé. Source: Europe1
A l’occasion de cette évocation des rapports de la France avec l’Iran, le Président a néanmoins signalé l’annulation de la visite en Iran de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian: « J’ai dit [à Hassan Rohani], s’il y va, il condamne ce que vous êtes en train de faire, je vais être clair avec vous. Donc on a décalé ».
Emmanuel Macron confirme ainsi une ligne de politique étrangère très instable avec des coups d’accélérateurs, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre ainsi qu’il le fait depuis sa campagne électorale des présidentielles. C’est d’ailleurs la seule stabilité de sa politique étrangère que de changer sans cesse de position.
Ainsi lors de ses vœux à la presse, Macron a eu quelques mots sur l’Iran, comme échappés, qui jettent le trouble sur la ligne que le président français défendait encore le 9 novembre 2017. A cette date, à l’instar du président américain, Emmanuel Macron a donc annoncé qu’il voulait alourdir l’accord avec l’Iran. Un accord pourtant jugé comme le «point culminant de 13 ans de diplomatie» par Paris, Berlin et Londres à la mi-octobre et qu’on aurait pu penser gravé dans le marbre. Mais Macron voulait en novembre dernier ajouter à cet accord conclu du temps d’Obama «une négociation sur l’activité balistique de l’Iran, avec des sanctions si besoin». Une disposition qui n’existait pas jusque-là. Il avait même rajouté une nécessité «d’encadrer l’hégémonie iranienne dans toute la région». Ce qui serait la porte ouverte à tous les prétextes de conflits, c’était aussi un gage apporté à Israël, à l’Arabie saoudite et à leur allié américain. Macron avait alors probablement en tête l’espoir de convaincre Trump sur l’accord écologique de Paris. De plus ces déclarations de novembre ont été faites lors de sa visite dans les Émirats arabes, ce qui n’est pas anodin.
Cela c’était en novembre et l’influence du président américain reçu en grande pompe lors du défilé du 14 juillet laissait encore tous les espoirs à Macron, sur les Accords de Paris. Mais depuis le président américain a affirmé sa volonté définitive de ne plus adhérer aux accords écologiques. Du coup, Emmanuel Macron, qui pense à tort ou à raison que sa caution à Trump est un gros atout pour cet homme isolé dans le camp occidental, prend en ce début janvier ses distances avec la politique de Donald Trump en Iran. Non pour des raisons de paix mais pour des raisons d’intérêts économiques.
Guerres et transition énergétique: l’Accord de Paris
Faisant du ping-pong entre guerre et paix, vie et mort, jouant avec la destinée des Français qui dépend en grande partie de la paix ou de la guerre dans cette partie du monde, la politique étrangère de la France au Moyen-Orient ne reposerait-elle donc uniquement que sur l’Accord de Paris? Un Accord de Paris, il faut en avoir conscience, qui est source de fabuleux profits pour de nombreuses multinationales, principalement dans les domaines énergétiques et leurs sous-domaines liés (exemple: l’automobile), et qui est aussi prétexte aux prélèvements de fortes taxes sur les populations, avec lois contraignantes sur de nouveaux équipements. L’Accord de Paris c’est en fait le triomphe de la transition énergétique à laquelle les compagnies pétrolières semblent tout particulièrement attachées, que ce soit dans les pays occidentaux, dans les pays du Golfe, ou en Russie notamment. Que cache la transition énergétique en réalité ? C’est un sujet qu’il serait intéressant de creuser plus en profondeur.
Par ailleurs, il faudrait être bien naïf pour croire à la sincérité des accusations de dictature proférées contre l’Iran, quand on fait ami-ami avec l’Arabie saoudite, la Chine et avec tant d’autres régimes durs. La nature des régimes n’est mise en cause que pour servir de prétexte au déclenchement de guerres civiles ou autres, comme dans l’Irak de Saddam Hussein, la Libye de Mouammar Kadhafi, la Syrie de Bachar-el-Assad, ou même au sein de l’Europe: l’Ukraine de Ianoukovitch et la Russie de Poutine, tellement proches de nous. Partout où les pouvoirs légaux prétendument dictatoriaux ont été renversés avec l’appui de l’étranger, ils ont été remplacés par la guerre civile, le chaos, la dictature sanglante et les vagues d’immigration. Le bilan est proche de l’Apocalypse, mais comme ça marche, pourquoi y renoncer ?
Comme presque toujours en matière de diplomatie et de guerres au Moyen-Orient, lorsqu’on creuse un tout petit peu la surface des choses, les intérêts énergétiques apparaissent. Mais oui, derrière les Accords écologiques de Paris se profile une politique énergétique source d’immenses profits -à force de créations de besoins nouveaux, de lois contraignantes et de taxes-, auxquels se mêlent quelques intérêts stratégiques locaux, notamment ceux d’Israël. L’insurrection iranienne fomentée de l’étranger se situe dans cette lutte d’intérêts. Malheureusement les intérêts des populations, leur vie ou leur mort, arrivent très très loin derrière les intérêts des grandes compagnies et des banques; les intérêts suscités par les Accords de Paris sont au cœur de la diplomatie élyséenne, quitte à faire payer la facture aux populations d’ici et de là-bas, au sens propre comme au sens figuré.
Sur le même sujet voir aussi: Iran: Après leur défaite (organisée?) en Syrie, les USA tentent de faire triompher un « Maïdan »
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