Enseigner la guerre (Morgane Barey)

Morgane Barey est officier de l’armée de terre et docteur en histoire contemporaine de l’ENS Paris-Saclay. Depuis juillet 2022, elle est chef du département Histoire et Géographie de l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. Elle signe le premier ouvrage de synthèse sur la formation des militaires en France au sortir d’une guerre (1914-1918) et à l’orée d’une autre (1939-1945).

Former des chefs et faire des soldats

L’idée d’une formation spécifique, dédiée et conçue comme telle pour les besoins des armées, est relativement récente au regard de l’histoire de l’institution. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour qu’à une initiation jusqu’alors empirique à l’exercice du métier des armes succède et s’impose la notion d’une formation codifiée, organisée, structurée, adaptée à la diversité des fonctions, des responsabilités et des formes de combat. Progressivement, la guerre ne s’apprend plus seulement en la faisant, mais encore en l’analysant à la manière des sciences expérimentales, afin de déboucher sur des lois éphémères que l’on transforme, par le biais d’un système éducatif militaire, en nouvelles habitudes. Le terme d’école se théorise alors et s’inscrit progressivement dans le vocabulaire militaire : il désigne à la fois des institutions d’enseignement – les écoles militaires proprement dites – tout comme les modes spécifiques d’un certain type d’apprentissage collectif – comme l’école du soldat, qui permet d’exécuter des mouvements du corps en harmonie avec l’ensemble du groupe et participe à la réussite de l’ordre serré.

A cet impératif de formation répondent des exigences tactiques différentes selon les armées, qui imposent un type d’instruction censée correspondre à la spécificité de leurs modes de combat. Les armées de terre, de mer et de l’air possèdent ainsi leurs écoles, en charge de fournir les bases nécessaires à l’instruction de leurs soldats et officiers, mais aussi de proposer une certaine communauté de culture au-delà des particularismes techniques, au-delà aussi de la diversité des vocations et de celle des modes de vie.

A partir de 1918, à l’instar d’un de Gaulle, certains officiers réfléchissent aux améliorations à apporter à la formation des cadres en intégrant les évolutions apparues avec la guerre et condamnent l’isolement dans lequel se maintient l’armée française. D’autres, à l’inverse, estiment que rien ne doit changer. Ainsi, passé le choc des combats de la Grande Guerre, les écoles sont invitées à reprendre leur fonctionnement sans que les enseignements récents n’imprègnent pleinement l’instruction des cadres et contribuent, inversement, à consacrer un triptyque qui s’est progressivement affirmé : la formation d’un triple point de vue humain, militaire et physique.

Révolution militaire ou Révolution nationale ?

Cet ouvrage est traversé par de nombreux questionnements, dont le plus important est celui de la capacité d’adaptation d’institutions pluriséculaires en périodes de crise – sociale avec les lendemains de 1918 puis de 1945 ; militaires puis politique avec la défaite de 1940 et ses conséquences. La mission de l’officier et de sa formation sont-elles redéfinies ? Face à l’apparition d’écoles concourant à des objectifs communs – former des cadres -, comme discordants – créer des chefs fers de lance de la Révolution nationale à Vichy ; participer aux combats aux côtés des Britanniques pour la France libre ; réussir l’amalgame dans le but de reprendre la conduite de la guerre en Afrique du Nord -, observe-t-on une continuité ou une rupture de la formation ?

En centrant cette étude sur les officiers en formation, ce livre offre ainsi à voir les ambitions et les souhaits qui sont formulés par et pour les armées au prisme d’un avenir parfois incertain, mais souvent idéalisé.

Ex Libris

Enseigner la guerre, Morgane Barey, éditions Perrin, en collaboration avec le Ministère des Armées, 361 pages, 25 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

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