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En direct de Tacloban, les nouvelles de la situation aux Philippines et de l’action d’ACIM Asia

De Yolly Gamutan, secrétaire d’ACIM Asia (Association catholique des Infirmières et Médecins), infirmière chef de la mission médicale à Tacloban, Ile de Leyte, Philippines au Dr Jean-Pierre Dickès. Le 30 novembre 2013. (Traduit de l’anglais.)

 

Cher Docteur,

Je serai pour la fin semaine au dispensaire de Cayayan de Oro (ndlr : dispensaire de l’ACIM créé en 2011 à la suite du typhon Sendong) où je dois rencontrer le Dr Woo pour voir comment il se débrouille avec les médicaments et organise la Croisade du Rosaire. Mais dans une petite semaine je dois retourner à Tacloban pour le Mémorandum d’Agrément avec les laboratoires, hôpitaux et hôtels. Ceci est indispensable pour nous permettre de travailler à grande échelle sur le plan médical pour la mission de début janvier. 

A Tacloban, il y a actuellement des quartiers où règne une odeur fétide liée à la décomposition des cadavres et aux débris humains qu’il faudra enterrer. Dans l’arrondissement du pont San Juanico qui relie l’île de Leyte à celle de Samar il continue de dégager une importante puanteur. Les maisons autour ont été rasées par le courant.

Une fondation bouddhiste appelée Tzu Chi paye les gens du coin 12 US $ (salaire moyen d’une semaine) pour nettoyer les alentours. Or de toute manière payés ou pas, ils devront faire ce travail. De leur côté les protestants des pays étrangers installent des tentes qui remplacent les hangars en ruine.

Hier je suis allée voir une villa de l’île proche de Samar qui elle aussi a beaucoup souffert du typhon. Ce serait un endroit idéal pour monter un satellite de la mission Rosa Mystica de janvier ? C’est en effet à une heure de Tacloban et on y parvient par le pont Juanico.

Nous avons rencontré là Ate Inday Aseo (ndlr : le mot de « Ate » désigne « la grande sœur » en qui on peut faire confiance). Nous lui avons remis des sacs de riz à répartir dans ses relations. Inday faisait des visites parmi elles afin de leurs apprendre le catéchisme. Quelques-unes d’entre elles sont venues à la messe à Tacloban dans le passé. Mais un membre de ce clan est chef de village à Kagawad et nous aidera certainement à organiser le poste médical de la mission. Les habitants de ce coin ont été vilainement affectés par le typhon : le village était déjà misérable auparavant et il est réduit à la pire des pauvretés. Beaucoup de gens ont perdu leur maison et restent sur place dans l’école primaire partiellement détruite ; d’autres sont réfugiés dans le couvent pourtant lui aussi durement frappé. Dans l’église locale l’autel a disparu ainsi que le mur du fond.

Les gens auxquels j’ai parlé passent leur temps à parler de la phobie qu’ils développent par rapport à la pluie. Ils sont tous traumatisés. Ils disent vouloir tous partir pendant un temps à Manille, Cébu ou à Negros hors de la zone ravagée par le typhon. Un couple de gens assez âgés décrivait les disputes qu’il vivait dès qu’il pleuvait. La femme devenait nerveuse ; son mari la réprimandait alors sévèrement pour lui dire que ce n’était pas le moment d’être nerveux alors que se posaient des problèmes élémentaires de survie qu’il fallait affronter.

La femme se mettait à pleurer en me disant qu’elle ne pouvait pas se contrôler elle-même ; elle ne voulait pas être nerveuse et sans ressort. Mais c’était involontaire. Toutefois son mari ne pouvait pas éprouver de la sympathie pour la faiblesse mentale de son épouse. Lui-même avait fait auparavant une attaque cérébrale et il lui restait une faiblesse dans les membres. Pendant le typhon il avait dû rassembler toutes ses forces pour défoncer une fenêtre et plonger au sein des eaux déchaînées pour sauver sa femme. Son père alité qui était enfermé dans la maison a été avalé par le courant.

Dès que des gouttes de pluie tombent, un petit garçon se mettait à crier les noms des membres de sa famille pour dire que l’eau revenait ; il filait alors pour se cacher, tremblant, ne voulant pas voir la pluie.

Un très vieil homme m’a dit qu’il avait subi pas mal de tempêtes dans sa vie ; mais la dernière ne ressemblait à rien de ce qu’il avait vu auparavant. Les larmes dans les yeux, il expliqua qu’il suppliait Dieu de ne pas lui faire revivre une telle expérience.

Dans un village en retrait de Tacloban, les gens avec lesquels j’ai discuté m’ont dit qu’ils priaient pendant que le vent et la mer les fouettaient. Ils étaient tellement nerveux qu’ils ne réussissaient pas à réciter correctement les paroles du « Je vous salue Marie ». Ils devaient nager dans les eaux en colère et avaient dû lutter pour atteindre un endroit où ils avaient pied. Ils s’émerveillaient d’avoir survécu. Seulement quatre personnes du village sont mortes ; trois corps avaient été retrouvés ; le quatrième avait disparu.

Il est étonnant de voir comment ces gens avaient pu être épargnés car les maisons de cet endroit sont misérables ; je n’ai vu que trois maisons à deux étages ; de plus l’école dans laquelle beaucoup s’étaient réfugiés était proche de la mer et à un niveau très bas. La première et la seconde aide humanitaire qu’ils avaient reçue après la tempête sous la forme de nourriture avaient été larguée par hélicoptère. Seuls les plus costauds réussissaient à saisir les sacs avant qu’ils ne soient entraînés plus loin. La troisième aide est venue des autorités officielles du canton. Elle était mieux organisée et donc distribuée de manière plus équitable.

Ces gens semblaient très simples et ils n’exigeaient guère des choses matérielles. Ils étaient contents de trouver les simples moyens pour faire face aux besoins de la vie quotidienne et continuer à gérer leur survie en dépit de l’épouvante constante de voir arriver un autre typhon.

Nous avons déballé des sacs de riz pour donner aux familles avec lesquelles nous avions parlé. Les voisins regardaient calmement à quelque distance sans demander à bénéficier de cette aide inattendue. C’était poignant ! Là il n’y avait rien de la foule tapageuse et exigeante que nous craignions et à laquelle il avait fallu faire face avec la police dans certaines zones que nous avions visité. Ils étaient dignes et attendaient simplement pour voir si à leur tour ils allaient pouvoir bénéficier d’une telle bénédiction.

J’ai parlé à l’abbé Ghela de ce village et il m’a dit que ce serait une bonne idée de faire une mission éclair en cet endroit. Certes la Croix-Rouge avait déjà mené une mission médicale en cet endroit après le typhon. Mais d’ici janvier, nul doute qu’une nouvelle expédition médicale sera la bienvenue en raison des besoins. Ici la vie est très dure et il est impossible pour ces gens de dégager un peu d’argent pour s’occuper de leur santé. Auparavant j’ai visité d’autres villages ravagés et j’ai discuté avec les survivants de l’endroit. Mais l’intérêt de celui-ci est qu’il est très isolé et nous pouvons envisager avec confiance une mission calme et paisible à ceux qui en ont le plus besoin.

 

Pour résumer, voici nos plans

(Dr Dickès, 2 route d’Equihen Saint Etienne au Mont 62360 Tel : 03 21 10 52 11).

 

Votre en Marie immaculée, Rosa Mystica.

Eileen Yolly Gamutan

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