« Chanoine honoraire du Latran » : un titre royal

très apprécié par les Présidents français

Aussi étonnant que cela puisse paraître, à l’heure de la laïcité prêchée sur toutes les ondes, l’actuel chef de l’état a reçu peu après son élection le titre honorifique de « premier et unique chanoine honoraire de l’archibasilique du Latran » à Rome, le 26 juin 2018. Il n’est pas le seul puisque tous les présidents de la République française, sans mérites de leur part, quelques soient leurs croyances religieuses, se voient octroyer ce titre prestigieux. Comment l’interpréter ? Voici quelques éléments de réponse.

L’archibasilique Saint-Jean-de-Latran : l’église cathédrale du pape

L’archibasilique du Latran (San Giovanni in Laterano) fut construite vers 320. Consacrée au Très-Saint-Sauveur, à saint Jean-Baptiste et à saint Jean l’Evangéliste, elle est la plus ancienne des églises de Rome, dans laquelle se sont réunis cinq conclaves. Elle était le siège de la papauté jusqu’au début du XIVème siècle. Si aujourd’hui les lieux de pouvoir du Pape se situent dans la Cité du Vatican, il n’en demeure pas moins qu’elle est la cathédrale de Rome, dont l’évêque est le Pape. Sur le fronton on peut lire l’inscription suivante « omnium urbis et orbis ecclesiarum mater et caput » qui signifie : « mère et tête de toutes les églises de la ville et du monde ». Autant dire que ce qui s’y passe, ce qui s’y dit, ou ce qui a à voir avec le chanoine honoraire du Latran, a une portée capitale sur la direction de l’Eglise et son rayonnement dans le monde, surtout quand celui-ci représente, malgré l’apostasie générale des nations, la fille aînée de l’Eglise.

« Chanoine honoraire du Latran » : un titre royal

Si ce titre remonte à Louis XI qui avait fait don en 1483 des revenus de l’abbaye bénédictine de Clairac, dans le Lot-et-Garonne, à la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome pour permettre sa restauration, et c’est le roi Henri IV en 1604 qui permit la réalisation du vœu de son prédécesseur. En remerciement, le chapitre lui accorda trois privilèges : premièrement, il fit ériger une statue du souverain dans la basilique ; deuxièmement, il attribua au roi de France le titre de « premier et unique chanoine honoraire » du chapitre de la basilique : troisièmement, il fit célébrer annuellement une messe autrefois pour le roi, aujourd’hui pour la prospérité de la France, le 13 décembre, jour anniversaire de la naissance d’Henri IV. Et ce titre canonial fut ensuite décerné à tous les rois de France !

La Révolution abolit ces droits en 1791 mais après bien des soubresauts, et depuis que René Coty président de la IVème République a remis au goût du jour la prise de possession du titre à Rome en 1957, tous les présidents de la Vème République ont souhaité, à l’instar de l’empereur Napoléon Bonaparte, « jouir des droits, privilèges, prérogatives et honneurs dont ont joui tous les souverains de la France ». Malgré les abolitions puis les rétablissements successifs de cette coutume, malgré la persécution ouverte contre l’Eglise pendant et après la Révolution, malgré l’expropriation des biens du clergé et la dissolution des ordres religieux, malgré la séparation de l’Eglise et de l’Etat actée en 1905, le chapitre du Latran a souhaité offrir ce titre sur un plateau d’argent aux présidents de la République française.

Des présidents qui aiment les honneurs de l’Eglise

En effet, le titre de « chanoine honoraire du Latran » n’est pas le seul dont héritent les présidents de la République, puisqu’à leur prise de fonctions, ils deviennent aussi :
• co-prince d’Andorre, avec l’évêque d’Urgel, en Espagne
• chanoine honoraire des cathédrales de Saint-Jean-de-Maurienne, Saint-Julien du Mans, Saint-Maurice d’Angers, Saint-Jean de Lyon, Saint-Etienne de Cahors et Saint-Etienne de Chalons et des églises Saint-Hilaire de Poitiers, Saint-Martin de Tours et Saint-Germain-des-Prés, à Paris
• proto-chanoine de la basilique Notre-Dame de Cléry et de la cathédrale d’Embrun
• protecteur du domaine de Chambord et de l’Académie française

Intronisation en grande pompe (voir photo ci-dessus)

Lors de la remise du titre à Emmanuel Macron, la cérémonie avait été retransmise en direct depuis Rome sur KTO TV. Il s’agissait d’une « célébration » et non d’une messe, avec un discours du vicaire du Pape pour le diocèse de Rome, Mgr Angelo de Donatis, des prières d’intercession et la lecture d’un texte biblique. Tous les éléments et les personnes propres à la liturgie sont pourtant présents… S’il n’y a pas de saint sacrifice de la messe, au motif que le titre est remis à un chef d’état en dehors de toute considération pour sa foi religieuse, alors pourquoi une cérémonie dans cette église ? Pourquoi des servants de messe ? Si tout ce beau monde est réuni avec tous les atours d’une grande cérémonie religieuse, il y a finalement tout… sauf le culte dû à Dieu. Après cette « célébration » le chef de l’état a signé les documents qui lui permettent de prendre possession de sa stalle de chanoine. Le profane qui n’a jamais rendu de service à l’Eglise, le dévot de la laïcité et du grand melting pot religieux et culturel, peut prendre la place d’honneur dans le lieu saint. N’est-ce pas encore une « abomination de la désolation dans le lieu saint » ?

Réaction élyséenne et contorsions verbales

La réception de son titre par Emmanuel Macron avait suscité beaucoup de remous, notamment à gauche, bien que personne chez les anticléricaux ne réclame l’abolition de l’octroi du titre.
Alors la communication malaisée de l’Elysée précisa que le titre de chanoine « fait partie du package de la fonction de président » et qu’« on ne peut le refuser » ou encore que « c’est un titre honorifique et historique, sans aucune dimension spirituelle », essayant de minimiser ce qui pourtant aurait du faire bondir tous les Français et les républicains en premier lieu !

La laïcité n’est bonne que pour les Français qui ne voient plus les crucifix ni l’enseignement religieux catholique millénaire dans nos écoles, ni les vacances de Noël rebaptisées vacances d’hiver dans les écoles publiques, mais qui doivent vivre avec des injonctions à garder leur foi dans le domaine privé quand s’observent une multiplication des burqas dans la rue et des exigences alimentaires hallal ou casher au bureau comme à l’école. Celui qui devrait dédaigner ce titre de l’Eglise catholique, en tant qu’héritier de la Révolution (Révolution, c’est le titre de son livre paru en 2017) accepte pourtant avec joie tous ces hommages. Cette amitié, que dis-je ! cet enthousiasme partagé, cet engouement extraordinaire provenant de deux forces sensées s’opposer pour toutes les raisons que l’on connaît… sont surréalistes, voire grotesques ! A moins que….

L’union des deux mondialismes

Le titre n’accorde au président de la République aucun pouvoir ni aucune responsabilité spécifique. Il est symbolique et a pour but de rapprocher la présidence de l’Eglise catholique. La conclusion du discours du président lors de la cérémonie confirme cette perspective puisqu’il avait déclaré vouloir « réparer » le lien « abîmé entre l’Eglise et l’Etat ». Le lien entre l’Eglise antilibérale, intransigeante avec le dépôt de la foi et les mœurs ? Non bien sûr ! Plutôt le lien avec l’Eglise ouverte sur le monde, les vaccins, les migrants et les invertis, pour un avenir commun radieux sous le signe de l’homme.

C’est donc bien plus qu’une distinction d’état : c’est un geste politique bilatéral qui atteste d’une politique commune en vue d’un même mondialisme politique et religieux, l’un s’appropriant un titre royal, l’autre abandonnant en 2020 celui de vicaire du Christ.

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