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Émile Keller, le député du Syllabus

En fait, il n’y a que deux camps, disait, à la fin de sa vie Mgr Lefebvre : celui du Syllabus et celui de l’anti-Syllabus.

Il y a cinquante ans, tout le monde connaissait, au moins de nom, le Syllabus : cette liste des erreurs modernes que le pape Pie IX publia en 1864 pour condamner solennellement, d’un seul coup, tout un ensemble d’idées fausses qu’il avait auparavant dénoncées de façon dispersée.

Pour les ennemis de l’Église, le Syllabus était le symbole de l’obscurantisme catholique. Le pape avait osé touché aux idoles du monde moderne ! La Liberté, le Progrès, la Science…

Dans l’Église elle-même, le Syllabus avait fini par tracer une ligne de démarcation : il y avait d’un côté ceux qui l’approuvaient entièrement : les catholiques intégraux ou intransigeants. Et, de l’autre, ceux qui regrettaient cette condamnation trop franche : les catholiques libéraux, ancêtres des progressistes.

1864 : Napoléon III veut censurer le Syllabus

A la fois libéral et autoritaire, Napoléon III voulut interdire en France la publication du Syllabus. Un député de 36 ans se leva : Émile Keller. Trompant la vigilance de la police impériale, il organisa secrètement la diffusion du document pontifical. Puis, dès que le Syllabus fut attaqué par la presse maçonnique, il organisa la contre-offensive. Il publia un commentaire du Syllabus qui en montrait toute la valeur. La liberté, notait-il, ne peut être un absolu. Une certaine liberté est bonne et souhaitable, mais le culte idolâtrique d’une Liberté sans limites finit précisément par détruire toutes les libertés concrètes. L’homme n’est pas Dieu. S’il se prend pour Dieu, s’il refuse de se soumettre au vrai Dieu, il se détruit lui-même, tout en croyant poursuivre la Liberté, le Progrès, la Science…

Ce travail fut fructueux. Grâce au Syllabus, mais aussi à Keller, de nombreux catholiques comprirent les calamités que produisent le libéralisme et son frère jumeau : le socialisme. Une école se forma, le catholicisme social, qui dénonça, combattit et freina les conséquences économiques et sociales de ces erreurs. Les deux plus connus des « catholiques sociaux » français, Albert de Mun et La Tour du Pin ont tous les deux témoigné qu’ils devaient leur « vocation sociale » à la lecture d’Émile Keller.

Émile Keller mena ce combat jusqu’à la mort. Lorsqu’elle le frappa, le 20 février 1909, il était à son bureau, précisément devant ce commentaire du Syllabus, qu’il travaillait encore à réviser pour une réédition qui sera posthume [1].

Le député du Sacré-Cœur

Entre temps, Keller avait appartenu à six assemblées parlementaires, de 1859 à 1889.

Grand combattant anti-libéral, Émile Keller fut aussi un homme libre, indépendant de toutes les coteries et tous les partis, cherchant uniquement la gloire de Dieu et le bien commun de son pays, au mépris de toute ambition personnelle.

Émile Keller : un modèle complet

Dans la famille contre-révolutionnaire française, Keller reste un modèle de penseur, d’orateur, d’homme d’action, mais aussi de père de famille : son union avec son épouse, Mathilde, fut exemplaire, ainsi que l’éducation de leurs quatorze enfants. Tertiaires dominicains tous les deux, Émile et Mathilde Keller surent nourrir leur foi d’une solide doctrine et d’une fervente piété.

Comment ces figures lumineuses ont-elles pu tomber dans l’oubli ? Le ressentiment des catholiques libéraux explique sans doute cet effacement. Émile Keller n’était pas de leur paroisse. Mais à l’heure où la stérilité du progressisme apparaît aux yeux de tous, les jeunes générations doivent redécouvrir ce champion du Syllabus. Il leur fournira des principes clairs et un exemple enthousiasmant pour le combat d’aujourd’hui.

Philippe Girard, « Émile Keller (1828-1909), le député du Syllabus », éditions du Sel, 2018.

Diffusion-distribution

• Librairie : Chiré-DPF, BP 70001, 86190 Chiré-en-Montreuil.

[1]  — Des passages de ce commentaire du Syllabus ont été reproduits dans Le Sel de la terre 90, sous le titre : « Le Syllabus vengé par l’histoire » (p. 27-55).

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