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Elections présidentielles, pourquoi Marine Le Pen peut battre Macron malgré le « front républicain »

Les données réelles du vote en France confirment celles renvoyées par la sortie des urnes : Emmanuel Macron et Marine Le Pen se disputeront le second tour des élections présidentielles, qui se déroulera le 24 avril. Ils y arrivent avec respectivement 27,6% et 23,4% des voix, alors que Jean-Luc Mélenchon clôture à 21,95%, Eric Zemmour à 7,05%, Valérie Pécresse à 4,79%, Yannick Jadot à 4,58%, Jean Lassalle à 3,16%, Fabien Roussel à 2,31%, Anne Hidalgo à 1,74 %. Les deux grandes familles politiques françaises, les gaullistes représentés par Pécresse, et les socialistes représentés par Hidalgo, sont fermement repoussées.

Zemmour s’est tout de suite exprimé en appelant à voter Marine Le Pen : « Je pense d’abord à la France. J’ai des désaccords avec Marine Le Pen, mais il fait face à un homme qui a laissé entrer deux millions d’immigrés, un homme qui n’a jamais dit un mot d’identité et de sécurité pendant la campagne et qui fera pire s’il est réélu », a expliqué Zemmour. « Je ne me tromperai pas d’adversaire : c’est la raison pour laquelle, a-t-il précisé, j’appelle mes électeurs à voter pour Marine Le Pen. »

Et Mélenchon en insistant pour qu’aucune voix n’aille à Marine mais sans appeler à voter pour le président sortant :

« Il ne faut pas accorder une seule voix à Marine Le Pen. J’ai été clair ? Parce que parfois je dis des choses mais on ne m’écoute pas alors je recommence : Vous n’êtes pas obligé d’accorder une seule voix à Marine Le Pen ».

Tous les autres candidats battus, de Pécresse la gaulliste à Roussel le communiste en passant par les Ecolos de Jadot et les roses d’Hidalgo sans oublier les ringards camarades trotskystes, ont appelé à voter Macron lors du scrutin du 24 avril. Le fameux « front républicain » est de nouveau de sortie pour barrer la route au Rassemblement National, anciennement Front National. Ils ont appelé leurs électeurs à voter celui qu’ils ont conspué pendant toute la campagne du 1er tour, Emmanuel, le président des riches, celui qui veut repousser l’âge de la retraite (« nous travailleront comme les Italiens »), celui détesté par les gilets jaunes, celui de la casse sociale et de l’immigration-invasion. Mieux vaut lui, cependant, que l’héritier du « frontiste » Jean-Marie Le Pen.

« Le peuple français m’a fait l’honneur d’accéder au second tour. J’exprime ma sincère gratitude aux électeurs. Tous ceux qui n’ont pas voté pour Emmanuel Macron aujourd’hui sont appelés à rejoindre notre groupe », a déclaré Marine Le Pen hier soir, à l’issue des premiers sondages à la sortie des élections présidentielles françaises. « Nous allons gagner », a-t-elle ensuite assuré. « Les décisions politiques des cinq prochaines années dépendront de votre vote, a-t-elle ajouté, même si en réalité elles engageront la France pour les 50 prochaines années. Nous mettrons de l’ordre dans la France en cinq ans ». C’est à un référendum contre Macron qu’en appelle le Rassemblement National via ce second tour.

« J’invite solennellement nos concitoyens, quel que soit leur choix au premier tour, à nous rejoindre », a déclaré de son côté Macron. Insistant pour discréditer son adversaire le spectre facile de l’extrême-droite, il a ajouté qu’il était « pleinement conscient » que « certains le feront pour faire un mur contre l’extrême droite » et que « ce n’est pas un soutien pour mon projet, et c’est quelque chose que je respecte ». « Mais je veux saluer ici leur clarté, faire un mur contre l’extrême droite », a-t-il déclaré, expliquant qu’ « il ne faut pas se leurrer : rien n’est décidé et le débat que nous aurons dans les 15 prochains jours sera décisif » pour notre pays et pour « l’Europe ».

Un appel qui est un aveu de faillite : « Je suis prêt à inventer quelque chose de nouveau, à fédérer des convictions et des sensibilités différentes pour construire avec elles une action commune, au service de notre nation, pour les prochaines années », a-t-il poursuivi, s’adressant ensuite aux abstentionnistes et aux déçus comme si ce n’était pas lui qui est le dernier locataire de l’Elysée de ces cinq dernières années :

« A tous ceux qui se sont abstenus ou ont voté à l’extrême ou parce qu’ils sont en colère contre les inégalités persistantes, le désordre écologique, l’ insécurité et la difficulté de vivre dignement même quand ils travaillent dur, ou parce qu’ils se sentent insuffisamment représentés ou écoutés, je veux les convaincre dans les prochains jours que notre projet répond mieux que celui de l’extrême droite à leurs peurs et au défi du temps ».

Sur le front de l’abstention, ce premier tour des présidentielles a atteint son plus haut niveau depuis 2002. Selon les résultats officiels communiqués par le ministère de l’Intérieur de Paris, en effet, 74,86 % des citoyens ont voté. En 2017, 77,8% des électeurs avaient voté et en 2012 79,5%. En 2002, année où Jean-Marie Le Pen avait surpris tout le monde en arrivant au second tour face à Jacques Chirac, 71,6 % des électeurs avaient voté. De plus, 1,14% de bulletins blancs et 0,5% de bulletins nuls s’ajoutent aux 25,14% d’abstentionnistes cette année.

Le système des deux tours semble condamner Le Pen. Pourtant, pourtant, les sondages ne sont pas si convaincus. Une marge d’incertitude subsiste principalement en raison de la très faible participation enregistrée hier : 65 % des votants contre 69,4 % il y a cinq ans. Il y a donc un large vivier d’électeurs à conquérir et qui sera au centre de la bataille électorale dans les prochains jours. Si la guerre en Ukraine, que Macron risque bien de remettre au centre de la campagne du 2d tour, le permet.

Selon les derniers sondages, Macron recueille 54 % des intentions de vote pour le scrutin, contre 46 % pour Le Pen, d’autre font état d’un score encore plus serré, 51% contre 49%. Le duel au second tour s’annonce donc, selon ce sondage, plus serré qu’en 2017, quand Macron l’avait emporté avec 66,1 % des voix, contre 33,9 % à Le Pen. De plus, selon tous les observateurs, rien n’est acquis.

Macron peut théoriquement compter sur l’écrasante majorité des soutiens contre Eric Zemmour (7%) et Dupont-Aignan seuls (2%) qui feront converger leur total de 9% vers Le Pen. Après ce calcul, le président sortant devrait l’emporter. Mais les voix de la gauche de Mélenchon seront dans la balance, raison qui a poussé le leader de la gauche radicale à s’exposer si clairement. Si une partie de ses 20% devait choisir le candidat ‘radical’ contre le président du ‘système’, ou décider de ne pas se présenter aux urnes, alors le jeu se rouvrirait. Le nouveau cap entrepris par Marine pourraient convaincre les électeurs de gauche que la France n’est pas en danger en cas d’élection. Et donc les pousser à ne pas aller aux urnes en faveur du Macron détesté : après tout, les électeurs de Mélenchon sont à considérer comme ‘anti-système’ (comme Marine, mais à gauche) et ont voté pour un programme électoral qui abaisse l’âge de la retraite tandis qu’En Marche ! entend le relever.

Les sondages parlent d’eux-mêmes : la moitié des électeurs de Mélenchon devrait se réfugier dans l’abstention, tandis que l’autre moitié convergerait plutôt en faveur de Le Pen. Même son de cloche pour le paquet de voix de Pécresse. Si tel était le cas, le résultat final entre les candidats serait presque égal. Et un jeu dans la balance peut toujours réserver quelques surprises. « Je connais votre colère, a dit Mélenchon alarmé à ses électeurs, ne vous y abandonnez pas, ce qui risque de vous faire commettre des fautes qui seraient définitivement irréparables » c’est-à-dire élire Marine.

Le jeu est en cours. Et c’est un paradoxe : pour l’emporter, Marine doit viser les voix de la gauche.

Francesca de Villasmundo

  

  

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