Dans la partie d’échec qui se joue actuellement entre l’OTAN et la Russie, les apparences pourraient bien être lourdement trompeuses. Rappelons-nous la politique de la terre brûlée d’Alexandre 1er, le tsar de Russie, pour mettre en échec le grand stratège Napoléon 1er.
La stratégie russe n’avait pas été d’affronter la Grande Armée, mais de lui opposer la terre brûlée. La Grande Armée n’a rencontré aucun obstacle jusqu’à Moscou. Pas l’ombre d’un cosaque! Les autorités russes ont alors fait mettre le feu à toutes les récoltes, tous les greniers et toutes les réserves de nourriture, elles avaient même fait incendier Moscou, la ville rutilante que Napoléon avait pu admirer de loin et tous les villes et villages alentour. Lorsque la neige s’est mise à tomber il n’est même pas resté d’abris aux pauvres Français. De sorte que ne pouvant plus nourrir ses soldats, Napoléon avait du ordonner la retraite. Une retraite meurtrière, très loin de la France, dans le froid et la faim, la Grande Armée poursuivie par les soldats russes sur ses arrières. La Russie a obtenu l’une des plus grandes victoires de l’Histoire, sans jamais aucun affrontement de face et avec très peu de pertes russes.
Il semble bien que la prétentieuse Amérique, si loin de sa base (malgré les bases de l’OTAN en UE), soit en train, d’expérimenter le même piège tendu par la même Russie. Et peut-être que certains alliés européens de l’OTAN sont en train de s’en aviser. Ce n’est sans doute pas pour rien que Vladimir Poutine a inauguré une gigantesque statue au tsar Alexandre 1er sous les murs du Kremlin.
C’est toujours une erreur de ne pas tenir compte des leçons de l’Histoire. Mais de la part de ceux qui prétendent réécrire l’histoire, la génétique, les réalités à leur convenance, cet aveuglement n’est pas étonnant. Dans son discours à la nation du 4 décembre dernier, Vladimir Poutine a pourtant bien prévenu les États-unis.
E.D.
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I -Les apparences en faveur de l’OTAN
Lors du sommet annuel sur la sécurité, organisé par la Fondation Bertelsmann et l’Otan à Munich, en 2007, le président Vladimir Poutine avait souligné que l’intérêt des Européens de l’Ouest n’était plus uniquement outre-Atlantique, mais aussi et surtout avec la Russie. Depuis cette date, il n’a cessé de tenter de nouer des relations économiques, dont la construction du gazoduc North Stream sous la direction de l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder. De leur côté, les États-Unis ont tout fait pour empêcher ce rapprochement, dont l’organisation du coup d’État de Kiev et le sabotage du gazoduc South Stream.
Selon la presse atlantiste, la Russie aurait été gravement impactée par les « sanctions » unilatérales —en réalité des actes de guerre économique— prises à l’occasion du rattachement de la Crimée à la Fédération ou de la destruction du Boeing de la Malaysia Airlines et par la baisse du prix du pétrole. Le rouble a perdu 40 % de sa valeur, les investissements inutiles dans le gazoduc South Stream ont coûté 4,5 milliards de dollars, et l’embargo alimentaire a coûté 8,7 milliards de dollars. En définitive, assure la presse atlantiste, la Russie est aujourd’hui ruinée et isolée politiquement.
La presse atlantiste fait par contre l’impasse sur les conséquences de cette guerre économique dans l’Union européenne. Outre que l’interdiction des exportations alimentaires est susceptible de détruire des pans entiers de son agriculture, le renoncement à South Stream pèsera très gravement sur l’avenir de l’Union en renchérissant le prix de l’énergie.
- La baisse du cours du rouble par rapport au dollar
- Source : Boursorama
Il semble que les « sanctions » unilatérales aient eu comme conséquence imprévue la chute des cours du pétrole. En effet, ceux-ci ont débuté le 20 juin, mais ils ne sont sortis des variations habituelles qu’à la fin juillet, lors des premières « sanctions » économiques. Le prix du pétrole n’ayant aucun rapport avec la loi de l’offre et de la demande, mais comme pour tout marché spéculatif, avec le volume des capitaux qui y spéculent, le déplacement des capitaux russes à l’annonce des sanctions ont accéléré le mouvement. Dans un premier temps, on avait attribué la baisse du prix du pétrole à un effort de l’Arabie saoudite pour plomber les investissements états-uniens dans le gaz de schiste et les pétroles non-conventionnels mais, lors de la réunion de l’Opep, il s’est avéré que les Saoudiens n’y étaient probablement pour rien. Au demeurant, il semblait impossible que l’Arabie saoudite spécule contre son suzerain états-unien.
- La chute des cours du pétrole.
- Source : Boursorama
Quoi qu’il en soit, la Russie a surpris Washington en renversant l’échiquier diplomatique : Vladimir Poutine s’est rendu en Turquie, État membre de l’Otan, juste après le vice-président états-unien Joe Biden, pour y conclure de gigantesques accords économiques. Non seulement ils contournent les sanctions unilatérales de l’Alliance, mais ils la désorganisent profondément.
La Turquie actuelle est un État en passe de redevenir une terrible dictature. Selon le département d’État —pourtant complaisant vis-à-vis d’un membre de l’Otan— l’internet est censuré ; le gouvernement a abusé de son pouvoir pour stopper les enquêtes de corruption conduites contre ses membres et leurs familles ; il a sanctionné les policiers et les magistrats qui ont conduit ces enquêtes ; les minorités n’ont aucun droit, à l’exception des trois minorités désignées dans le Traité de Lausanne en 1923 ; l’administration Erdoğan détient des centaines de prisonniers politiques (principalement des officiers supérieurs coupables d’avoir pris contact avec l’Armée chinoise, des responsables politiques d’opposition, des journalistes et des avocats) ; la torture est généralisée, les détentions arbitraires et les assassinats extra-judiciaires sont légion.
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Le président Erdoğan s’est fait construire le plus grand palais du monde. Il l’a fait dans un parc naturel, alors que la Justice le lui avait interdit. Il en a coûté 615 millions de dollars à ses contribuables.
La dérive criminelle de l’administration Erdoğan est devenue un grave sujet de préoccupation au sein de l’Otan. D’autant que la Turquie s’avère devenir aussi un allié récalcitrant. Ainsi, elle persiste à aider les jihadistes dans leur lutte contre le peuple kurde (pourtant très majoritairement sunnite) au lieu de rejoindre activement la coalition états-unienne contre l’Émirat islamique. C’est pourquoi le vice-président Joe Biden s’est rendu le 22 novembre à Ankara, manifestement pour menacer le président Erdoğan s’il ne rentrait pas dans l’ordre états-unien.
Or, le 1er décembre, Vladimir Poutine se rendait également à Ankara. Distinguant les questions économiques des politiques, il présentait une offre longuement préparée : une alliance économique sans précédent entre les deux nations. Comprenant que cette offre inattendue était sa seule issue face à Washington, le président Erdoğan signait tous les documents qui avaient été rédigés par les Russes. Il acceptait le renforcement du gazoduc sous-marin reliant son pays à la Russie via la Mer Noire ; il achetait à bon prix du gaz russe et même des centrales nucléaires civiles pour alimenter son industrie ; il livrait ses produits agricoles à la Russie malgré l’embargo de tous les autres États atlantiques ; etc.
Pour l’Otan, le problème turc vire au cauchemar.
Vladimir Poutine n’a certes pas changé d’avis sur Recep Tayyip Erdoğan. C’est un petit criminel qui a rejoint les Frères musulmans, a été propulsé au pouvoir avec l’aide de la CIA, et qui se comporte aujourd’hui comme un vrai chef mafieux. Mais le président russe a l’habitude de traiter avec des oligarques ou des chefs d’État d’Asie centrale qui ne valent pas mieux. Lui-même est parvenu au Kremlin en s’infiltrant dans le cercle de Boris Elstine et de Boris Berezovski.
De son côté, Recep Tayyip Erdoğan sait qu’il doit son pouvoir à l’Otan, et qu’aujourd’hui elle lui demande des comptes. Il n’a aucune difficulté à faire le grand écart : allié de Washington en politique et de Moscou en économie. Il sait qu’aucun État n’a jamais pu sortir de l’Alliance [erreur, la France est sortie de l’OTAN sous de Gaulle! NDLR], mais il imagine se maintenir au pouvoir par ce double jeu.
II- Maintenant observons la stratégie de Vladimir Poutine.
La puissance des États-Unis réside à la fois dans leur monnaie, qu’ils imposent au reste du monde via le contrôle du marché du pétrole, et dans leur armée.
L’Otan vient de lancer une guerre économique contre la Russie. Pour les besoins de la propagande, elle masque ses attaques sous le vocable de « sanctions ». Pourtant des sanctions supposeraient une mise en examen, un procès et un verdict. Pas dans ce cas. Les « sanctions » les plus importantes ont même été décidées après la destruction d’un avion civil en Ukraine alors que, selon toute probabilité, il a été abattu par les nouvelles autorités de Kiev.
Pour y répondre, Vladimir Poutine a d’abord fait basculer l’avenir de son pays de l’Europe occidentale vers l’Extrême-Orient en signant les plus importants contrats de l’histoire avec ses partenaires chinois. Puis, il a utilisé la Turquie contre l’Otan pour contourner les « sanctions » commerciales occidentales. Que ce soit avec la Chine ou avec la Turquie, la Russie vend son énergie en monnaies locales ou en troc, jamais en dollars.
Les experts russes ont calculé que Washington interviendrait si le cours du pétrole se maintenait plus de six mois à un cours inférieur à 60 dollars le baril. Il y a deux mois, le gouverneur de la Banque centrale russe, Elvira S. Nabiullina, attestait devant la Douma être prête pour ce scénario, son institution détenant suffisamment de réserves. [Les réserves d’Or de la Russie sont les plus importantes du monde après celles de la Chine, alors que celles des USA n’existent pratiquement plus. NDLR]
Par conséquent, si pour le moment la Russie est gravement touchée par l’attaque économique de l’Otan, la situation pourrait s’inverser dans six mois. [C’est un sacrifice qui a été consenti à l’avance. NDLR]. Pour maintenir sa domination sur le reste du monde, Washington serait alors contraint d’intervenir pour faire remonter les prix du pétrole. Mais entre temps, cette guerre aura plombé l’Union européenne et l’Otan, tandis que la Russie aura muté son économie vers son allié chinois, [Et vers les autres pays des BRICS: Brésil, Indes, Pakistan, etc. NDLR].
En définitive, la Russie agit ici comme elle l’a toujours fait. Jadis, elle pratiquait la « stratégie de la terre brûlée » lorsque la France de Napoléon ou l’Allemagne d’Adolf Hitler l’envahissait. Elle détruisait elle-même ses propres richesses à la place des troupes ennemies et ne cessait de reculer vers l’Extrême-Orient. Puis elle refluait contre les envahisseurs exténués par leur trop longue pénétration.
Source originale en russe: Odnako
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