Les vieux clivages sémantiques ont la vie dure. Surtout en politique. Parce que, souvent, ils servent à simplifier le débat et à faciliter la compréhension. Mais, aujourd’hui, les positionnements sont plus complexes et il y a dans chaque famille politique des différences de degrés qui sont autant de facilités à la mobilité partisane. Certains en abusent honteusement ou hypocritement… Il n’en reste pas moins que le vieux concept, gauche/droite, n’a plus sa pertinence et qu’un nouveau fractionnement se met en place. D’un côté, les mondialistes, qui considèrent le monde comme un vaste marché totalement ouvert à la concurrence et à la libre circulation des biens et des personnes, où l’ultralibéralisme et le multiculturalisme seront les nouvelles normes. De l’autre côté, les souverainistes, qui pensent que chaque pays, fier de son histoire, doit rester libre dans ses propres frontières avec sa monnaie, ses lois et sa culture. Ce nouveau clivage n’efface pas l’ancien : il s’y superpose.
La dernière élection présidentielle, en écartant du duel final les traditionnels partis de droite et de gauche, a fait émerger cette nouvelle donne. Qui est principalement représenté, pour l’instant, par le gagnant, En Marche (mondialiste) et le perdant, le Front national (souverainiste). Pourtant, ces deux entités politiques sont encore perçues et définies avec le qualificatif, gauche/droite. La première, En Marche, mouvement social-démocrate à l’anglo-saxonne, c’est-à-dire libéral, se présente comme n’étant, ni de droite, ni de gauche… L’autre, Front national, se considère de droite et de gauche… Il faut bien distinguer la différence de ces affirmations. Quand on se revendique, ni de droite, ni de gauche, cela peut dire que nos convictions sont assez floues et qu’elles pourraient fluctuer, suivant les circonstances, tantôt à droite, tantôt à gauche. Par contre, se proclamer à la fois, de droite et de gauche, peut signifier que l’on prend le meilleur de la droite et le meilleur de la gauche, pour en faire une synthèse heureuse, qui pourrait se révéler efficace. Les mots ayant un sens, au propre comme au figuré, il serait bon que les observateurs politiques s’en souviennent. Les partis concernés, aussi !
Au-delà du constat sémantique et pour la suite des évènements, on doit s’interroger sur l’avenir politique, en France, des principaux représentants du mondialisme et du souverainisme. D’abord, le Front national, qui entre dans une phase de maturité qui l’oblige à clarifier encore plus son orientation et son discours. Bien que le travail de transformation, déjà entrepris par Marine le Pen, et son équipe, soit colossal et qu’il ait porté ses fruits tout au long de son mandat à la tête du FN, on a pu constater ses limites à la présidentielle… Et, son échec, relatif – 34 % des suffrages et presque 11 millions de voix, ce n’est pas rien – va, probablement, provoquer un débat en interne. C’est souhaitable pour la pérennité de ce parti. Quant au mouvement En Marche, qui n’est qu’un montage médiatique, mais qui a bénéficié de moyens financiers faramineux (soutien massif de toutes les banques d’affaires et de toutes les entreprises du CAC 40), il faut lui reconnaître l’intelligence d’avoir su utiliser ces avantages pour faire élire son candidat à la présidence de la République. Malgré cela, pas sûr que ce mouvement, machine à gagner faite de bric et de broc, puisse perdurer dans le temps. En général, les machines à gagner ne servent qu’une fois. À suivre attentivement !
Dans le contexte actuel, les prochaines élections législatives, programmées pour les 11 et 18 juin, devraient entériner les nouveaux clivages politiques qui se dessinent et rebattre les cartes. Avec de nouveaux protagonistes, la France va repartir pour cinq ans d’affrontements et de débats houleux, mais, cette fois, la distinction entre mondialistes et souverainistes conditionnera clairement les enjeux.
Et, peut-être, que l’on nous parlera un peu moins de gauche et de droite, mais un peu plus de mondialisme et de souverainisme.
Claude PICARD
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