Outre un taux de chômage et une précarité locale ahurissante – ainsi qu’un quartier gitan (saint Jacques) qui pulvérise tous les indicateurs de pauvreté, précarité et misère sociale nationaux, Perpignan traîne d’autres calamités, comme celles liées au trafic de drogue, et notamment du crack.
Made in Perpignan consacre un dossier au crack, qui prospère sur la grande pauvreté et le laxisme généralisé :
« Lors d’une conférence à l’invitation de « L’Alternative En Davant« , les sociologues Mickael Caetano, Sophie Albert et Dominique Sistach ont livré leur analyse sur la hausse récente et inquiétante de la consommation de crack à Perpignan. La consommation de cette drogue dite « du pauvre », aux effets de courte durée mais dévastateurs, est particulièrement visible dans les rues de la cité catalane.
Dans cette étude, les sociologues également travailleurs sociaux Mickael Caetano, Sophie Albert ont mis à jour une cartographie de la ville de Perpignan. Les caractéristiques d’hyper addictivité du crack, mais aussi son effet ultra-court, contraint les consommateurs à rester à proximité des lieux d’approvisionnement. En effet, ce dérivé de la cocaïne – qui se fume – a un effet très puissant, mais aussi très court. Selon Mickael Caetano, travailleur social à Perpignan, « la cocaïne en poudre et le crack sont des produits stimulants, ils provoquent une augmentation de la sécrétion de dopamine dans le cerveau.
Mais il y a une différence au niveau de l’effet, son effet peut durer 1 à 2 heures, mais le flash, cette sensation de bien-être sera très bref. C’est ce phénomène qui crée des zones de consommation qui n’existaient pas auparavant. Ils sont obligés de rester près de la zone de deal pour vite retourner en racheter après la fin de l’effet ».
[…] Selon Dominique Sistach, la drogue et plus particulièrement le crack ou la cocaïne transformée ont créé une économie de flux très particulière. « On retrouve nos quartiers prioritaires reliés par les mouvements de population. En haut de Saint Jacques, il y a des jeunes qui font la manche pour acheter du crack ou de la cocaïne. En redescendant, juste à côté de la nouvelle faculté de droit, on retrouve les dealers. Et plus bas, il y a des gens qui cuisinent dans les appartements où les acheteurs viennent aux pieds des immeubles. En face du quartier Saint-Mathieu [plus bas dans le centre-ville, autour de l’église dévolue à la FSSP], la zone qui va jusqu’à la poste centrale est une zone de repos ». Mais aussi de prostitution pour les jeunes femmes et jeunes hommes. « Les policiers les ont repoussés du centre-ville et on les retrouve désormais derrière l’église du Moulin-à-vent » [quartier sensible de Perpignan, au sud du centre-ville].
[…] les commerces du quartier du lycée Arago s’adaptent à ces nouveaux besoins. Les épiceries vendent de l’aluminium en forte quantité [les consommateurs le font brûler sur de l’aluminium avant d’inhaler les fumées] et selon le sociologue, les pipes à crack s’affichent dans certaines vitrines« .
Selon les sociologues, Perpignan est plus touchée par la consommation que d’autres villes de même taille. Les pharmacies et les centres spécialisés fourniraient 15% de plus de Stéribox à Perpignan que dans des villes équivalentes. Ces kits sont destinés à réduire les risques de transmission de maladies infectieuses chez les consommateurs de drogue. Dominique Sistach évoque ces chiffres fournis par l’OFDT, Observatoire français des drogues et des tendances addictives.
[…] Le 5 octobre dernier, 1.000 policiers avaient été déployés pour démanteler le « campement du crack » à Paris. Bilan des opérations, 39 interpellations et 500 grammes de produit saisis. « Un bien maigre butin aux vues des moyens », estime Dominique Sistach. Idem à Perpignan, le sociologue fait le récit d’un récent déploiement sur le quartier Saint-Matthieu. « En ce moment, les gendarmes agissent sur Saint-Matthieu. Ils essayent de chasser les dealers, et dissuader les consommateurs. Il y a 48h, les gendarmes ont garé 6 camions du côté du conservatoire de musique et ils font un quadrillage du territoire. Rue par rue, ils vérifient toutes les caches visibles, contrôlent les identités. Puis les dealers se déplacent de quelques rues ».
[…] Selon un rapport de l’OFDT sur le crack en région parisienne publié en janvier 2021, la galette de crack était vendue entre 15 et 20€. Dominique Sistach indique qu’à Perpignan, la galette est en vente à 7,50€, ce qui attire les consommateurs d’autres régions. « Il y a des gens à Perpignan qui n’habitaient pas la ville avant de venir pour y consommer du crack. Ils sont étrangers de la communauté européenne, de Rouen, des Bretons, des jeunes, des saisonniers. Il y a des gens qui s’appellent au téléphone et qui se disent à Perpignan le crack est à 7,50€ la galette. Ce qui fait de Perpignan une ville qui attire les populations les plus fragiles ». Une autre spécificité est également constatée : Dominique Sistach parle d’un étirement du prix des produits vendus à Perpignan.
Pour les sociologues, le problème est très complexe, tant pour la sécurité que pour la santé publique. « Le crack est hyperaddictif et destructeur. En seulement un mois de consommation, les gens semblent avoir pris dix ans ! Or, les institutions chargées d’accompagner les usagers (réduction des risques, désintoxication…) touchent seulement les consommateurs volontaires. Certains publics ne viennent jamais nous voir. Il est difficile de connaître les implications en termes de santé publique, de savoir par exemple combien d’overdoses le crack engendre. Et les discours sont contradictoires, certains acteurs disent qu’il n’y a pas de crack, d’autres qu’il y en a toujours eu. Mais à l’hôpital ils comptent les morts », se désole Dominique Sistach.
« Il y a une forme de dénégation qui consiste à dire que notre ville est clean alors que ce la souffrance de ces gens qui font la manche saute aux yeux. Leur détérioration physique est flagrante. Alors oui, depuis les années 80, il y a une prise en charge via les traitements de substitutions pour les morphiniques, mais pas pour la cocaïne ou ses dérivés ».
Mais tant pour la municipalité [RN] que pour les pouvoirs publics où les médias, il n’y a pas de problème.
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