Vingtième dimanche après la Pentecôte

Vingtième dimanche après la Pentecôte –  « Seigneur, venez avant que mon enfant ne meure » 

L’Évangile d’il y a huit jours avait pour objet la promulgation des noces du Fils de Dieu et de la race humaine. La réalisation de ces noces sacrées est le but que Dieu se proposait dans la création du monde visible, le seul qu’il poursuive dans le gouvernement des sociétés. Dès lors, on ne doit pas s’étonner que la parabole évangélique, en nous révélant sur ce point la pensée divine, ait mis aussi en lumière le grand fait de la réprobation des Juifs et de la vocation des Gentils, qui est à la fois le plus important de l’histoire du monde et le plus intimement lié à la consommation du mystère de l’union divine. L’exclusion de Juda doit cependant, nous l’avons dit, cesser un jour. Son obstination a valu aux Gentils de voir se diriger vers eux le message de l’amour. Mais aujourd’hui la plénitude des nations a entendu l’invitation céleste ; le temps est proche où l’accession d’Israël va compléter l’Église en ses membres, et donner à l’Épouse le signal de l’appel suprême qui mettra fin au long travail des siècles, en faisant apparaître l’Époux. L’heureuse jalousie que l’Apôtre voulait exciter dans les hommes de sa race en se tournant vers les nations, se fera donc sentir enfin au cœur des descendants de Jacob. Quelle joie au ciel, quand leur voix, repentante et suppliante, s’unira devant Dieu aux chants d’allégresse de la gentilité célébrant l’entrée de ses peuples sans nombre dans la salle du banquet divin ! Un tel concert sera véritablement le prélude du grand jour salué par saint Paul à l’avance, lorsqu’il disait des Juifs dans son patriotique enthousiasme : Si leur chute a été la richesse du monde et leur diminution la richesse des Gentils, que sera-ce de leur plénitude. Le chœur des Gentils se fait entendre au Graduel et dans la Communion, le chœur des Juifs dans l’Introït et l’Offertoire.

L’Introït est tiré de Daniel. Le prophète exilé comme son peuple à Babylone, dans une captivité dont la longue amertume figurait les douleurs autrement prolongées de la dispersion présente, revient gémir avec Juda sur la terre étrangère et rendre à sa nation le grand secret du retour en grâce auprès du Seigneur. Ce secret perdu depuis le Calvaire, Israël pourtant l’avait bien connu et maintes fois expérimenté dans les siècles antérieurs de son histoire. Toujours le même, il consiste dans l’humble aveu des fautes commises, dans le regret suppliant du coupable et sa ferme confiance que la miséricorde infinie surpasse les plus énormes forfaits. Le pardon divin, qui rend à l’âme la pureté et la paix, est le préliminaire indispensable des noces sacrées ; car la robe nuptiale des conviés doit être sans tache, sous peine d’exclusion, et leur cœur sans trouble, pour ne pas apporter d’amertume à la table de l’Époux. Implorons ce pardon précieux. Le Seigneur est d’autant mieux disposé à nous l’accorder, que nous le demandons, dans la Collecte, par l’intermédiaire de la sainte Église qui est l’Épouse.

ÉPÎTRE. L’approche de la consommation des noces du Fils de Dieu coïncidera ici-bas avec un redoublement des fureurs de l’enfer pour perdre l’Épouse. Le dragon de l’Apocalypse, l’ancien serpent séducteur d’Ève, vomissant comme un fleuve sa bave immonde, déchaînera toutes les passions pour entraîner la vraie mère des vivants sous l’effort. Cependant il sera impuissant à souiller le pacte de l’alliance éternelle ; et, sans forces contre l’Église, il tournera sa rage contre les derniers fils de la nouvelle Ève, réservés pour l’honneur périlleux des luttes suprêmes qu’a décrites le prophète de Pathmos. C’est alors surtout que les chrétiens fidèles devront se souvenir des avis de l’Apôtre, et se conduire avec la circonspection qu’il recommande, mettant tous leurs soins à garder pure leur intelligence non moins que leur volonté, dans ces jours mauvais. Car la lumière n’aura point alors à subir seulement les assauts des fils de ténèbres étalant leurs perverses doctrines ; elle sera plus encore, peut-être, amoindrie et faussée par les défaillances des enfants de lumière eux-mêmes sur le terrain des principes, par les atermoiements, les transactions, l’humaine prudence des prétendus sages. Plusieurs sembleront ignorer pratiquement que l’Épouse de l’Homme-Dieu ne peut succomber sous le choc d’aucune force créée. S’ils se souviennent que le Christ s’est engagé à garder lui-même son Église jusqu’à la fin des siècles, ils n’en croiront pas moins faire merveille en apportant à la bonne cause le secours d’une politique dont les concessions ne seront pas toujours pesées suffisamment au poids du sanctuaire : sans songer que le Seigneur n’a point besoin, pour l’aider à tenir sa promesse, d’habiletés détournées ; sans se dire surtout que la coopération qu’il daigne accepter des siens, pour la défense des droits de l’Église, ne saurait consister dans l’amoindrissement ou la dissimulation des vérités qui font la force et la beauté de l’Épouse. Combien oublieront la maxime de saint Paul écrivant aux Romains que se conformer à ce siècle, chercher une adaptation impossible de l’Évangile avec un monde déchristianisé, n’est point le moyen d’arriver à discerner sûrement le bon, le meilleur, le parfait aux yeux du Seigneur ! Aussi sera-ce un grand et rare mérite, en bien des circonstances de ces temps malheureux, de comprendre seulement quelle est la volonté de Dieu, comme le dit notre Épître. Veillez, dirait saint Jean, à ne point perdre le fruit de vos œuvres ; assurez-vous la pleine récompense qui n’est donnée qu’à la plénitude persévérante de la doctrine et de la foi. Au reste, alors comme toujours, selon la parole de l’Esprit-Saint, la simplicité des justes les conduira sûrement ; l’humilité leur donnera la Sagesse ; et, s’attachant uniquement à cette très noble compagne, ils seront vraiment sages par elle et sauront ce qui plaît au Seigneur. Ils comprendront qu’aspirant comme l’Église à l’union au Verbe éternel, pour eux comme pour l’Église la fidélité à l’Époux n’est autre chose que la fidélité à à la vérité ; car le Verbe, objet de leur commun amour, n’est autre en Dieu que le rayonnement de la vérité infinie. Leur unique soin sera donc toujours de se rapprocher du Bien-Aimé par une ressemblance plus grande avec lui, c’est-à-dire par une reproduction plus complète du vrai dans leurs paroles et leurs actes. Et en cela ils serviront la société comme elle doit l’être, mettant en pratique le conseil du Seigneur qui nous demande de chercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et de nous confier en lui pour le reste. Laissant à d’autres la recherche d’humaines et louvoyantes combinaisons, d’incertains compromis destinés, dans la pensée de leurs auteurs, à retarder de quelques semaines, de quelques mois peut-être, le flot montant de la révolution, ils comprendront différemment, pour eux, le conseil de racheter le temps que nous donne l’Apôtre. L’Époux avait acheté le temps d’un grand prix, pour être employé par ses membres mystiques à la glorification du Très-Haut. Perdu par la multitude dévoyée dans la révolte et l’orgie, les âmes fidèles le rachèteront en donnant une telle intensité aux actes de leur foi et de leur amour, que rien ne soit diminué, s’il se peut, jusqu’au dernier moment, du tribut qu’offrait chaque jour la terre à la Trinité souveraine. Contre la bête à la bouche insolente et pleine de blasphèmes, ils reprendront le cri de Michel contre Satan promoteur de la bête : Qui est comme Dieu ! L’antiquité chrétienne appelait les dernières semaines du Cycle à son déclin : Semaines du saint Ange ; nous avons vu comment, dans un de ces Dimanches, elle chantait l’arrivée du grand Archange au secours du peuple de Dieu, ainsi que Daniel l’avait annoncé pour les derniers jours du monde. Quand donc commenceront les épreuves de la fin, lorsque l’exil dispersera les baptisés et que le glaive s’abattra sur leurs têtes aux applaudissements d’un monde prosterné devant la bête et son image, n’oublions point que nous avons un chef choisi par Dieu, acclamé par l’Église, pour nous conduire dans ces derniers combats où la défaite des saints sera plus glorieuse que les triomphes de l’Église aux jours de sa domination sur le monde. Ce que Dieu alors, en effet, demandera des siens, ce ne sera plus ni le succès de la diplomatie, ni la victoire armée, mais la fidélité à sa vérité, à son Verbe : fidélité d’autant plus franche et plus entière, que la défection sera plus universelle autour de la petite troupe rangée sous la bannière de l’Archange. Proféré par une seule poitrine fidèle avec la vaillance de la foi et l’ardeur de l’amour en de telles circonstances, le cri de saint Michel, une fois déjà vainqueur des infernales légions, honorera plus Dieu que ne l’atteindront les ignobles blasphèmes des millions d’êtres dégradés sectateurs de la bête. Pénétrons-nous de ces pensées que suggèrent les premières lignes de notre Épître ; comprenons également les autres instructions qu’elle renferme et qui, du reste, ne s’éloignent pas des premières. Pour ce Dimanche où se lisait autrefois l’Évangile des noces du Fils de l’homme et de l’appel à son divin banquet, la sainte Église remarque opportunément, dans l’Épître, combien l’ivresse et les délices des noces sacrées sont différentes des joies mondaines. La sérénité, la pureté, la paix du juste admis dans l’intimité divine, font en son âme un festin continuel dont la Sagesse est le mets savoureux et l’éternelle convive. Laissant le monde à ses mesquins et trop souvent honteux plaisirs, le Verbe et l’âme, qu’il a remplie de l’Esprit-Saint par un mode ineffable, s’unissent pour chanter le Père souverain dans un concert merveilleux, où l’action de grâces et la louange trouvent sans cesse un nouvel aliment. Le hideux spectacle qu’offrira la terre, quand ses habitants se porteront en foule au-devant de la prostituée siégeant sur la bête et leur offrant la coupe d’ignominie, n’empêchera point le ciel de se reposer délicieusement dans la contemplation de ces âmes fortunées. Car les convulsions du monde agonisant, les poursuites de la femme ivre du sang des martyrs, loin de troubler l’harmonie qui s’élève de l’âme unie au Verbe, ne feront que donner plus d’ampleur à ses notes divines, plus de suavité à ses accents humains. « Qui donc, en effet, nous séparera de l’amour de Jésus-Christ ? Sera-ce la tribulation ou l’angoisse ? la faim ou la nudité ? les dangers, la persécution, le glaive ? Oui, sans doute, il est écrit qu’à cause de vous, tous les jours on nous met à mort, qu’on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie ! Mais en tout cela nous sommes vainqueurs, à cause de celui qui nous a aimés. Car je suis sûr que ni la mort, ni la vie, ni anges, ni principautés, ni vertus, ni choses présentes, ni choses futures, ni violence, ni rien de ce qui est dans les hauteurs, ni rien de ce qui est dans les abîmes, ni créature quelconque ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Jésus-Christ notre Seigneur. » L’ancien peuple a chanté, dans l’Introït, son repentir et son humble confiance. Les Gentils chantent, au Graduel, leurs espérances réalisées et surpassées dans les délices du banquet nuptial.

ÉVANGILE. L’Évangile est tiré de saint Jean aujourd’hui, pour la première et l’unique fois dans tout le cours des Dimanches après la Pentecôte. Il donne son nom de l’Officier de Capharnaüm au vingtième Dimanche. L’Église l’a choisi parce qu’il n’est pas sans une relation mystérieuse avec l’état du monde, dans les temps auxquels se rapportent prophétiquement les derniers jours du Cycle. Le monde penche vers sa fin, et lui aussi commence à mourir. Miné par la fièvre des passions dans Capharnaüm, la ville du lucre et des jouissances, déjà il est sans forces pour aller de lui-même au-devant du médecin qui pourrait le guérir. C’est à son père, aux pasteurs qui l’ont engendré dans le baptême à la vie de la grâce, et gouvernent le peuple chrétien comme officiers de la sainte Église, c’est à eux de se rendre auprès du Seigneur et de lui demander le salut du malade. Le disciple bien-aimé nous fait savoir, en tête de son récit, qu’ils trouveront Jésus à Cana, la ville des noces et de la manifestation de sa gloire au banquet nuptial ; c’est le ciel, où l’Homme-Dieu réside depuis qu’il a quitté notre terre, laissant ses disciples, privés de l’Époux, s’exercer pour un temps dans le champ de la pénitence. Étymologiquement, en effet, Capharnaüm signifie le champ de la pénitence et de la consolation qui naît de la pénitence. Telle devait être cette terre pour l’homme depuis sa sortie d’Éden, telle était la consolation à laquelle devait aspirer pendant cette vie le pécheur ; et c’est pour en avoir préféré d’autres, pour avoir voulu faire du champ de la pénitence un paradis nouveau, que le monde est maintenant près de finir. Car il n’a remplacé les délices vivifiantes de l’Éden que par le plaisir défendu qui tue l’âme, énerve les corps, et appelle la vengeance de Dieu. Son seul remède est dans le zèle des pasteurs, et dans la prière de cette portion du troupeau du Christ qui ne s’est point laissée entraîner aux séductions de la licence universelle. Mais combien il importe que fidèles et pasteurs, sans retours personnels, entrent pleinement sur ce point dans les sentiments de la sainte Église ! En butte à l’ingratitude la plus révoltante, aux injustices, aux calomnies, aux perfidies de tout genre, la mère des peuples oublie ses injures pour ne penser qu’à la saine prospérité et au salut des nations qui l’outragent. Elle sait, à n’en pas douter, que le terme approche où le Très-Haut se fera justice enfin ;et, cependant, elle n’en continue pas moins de lutter contre Dieu, comme Jacob, jusqu’à l’aurore du jour terrible qu’ont annoncé David et la sibylle. A la pensée de l’étang de feu dont les vapeurs maudites paraissent déjà empester l’air, et qui bientôt va engloutir en une seule fois tous ses enfants insoumis, elle semble oublier jusqu’à l’approche des noces éternelles et à la véhémence de ses désirs d’Épouse ; et, ne se souvenant plus de rien sinon qu’elle est mère, elle prie comme elle l’a toujours fait, mais avec plus d’ardeur que jamais, pour le retardement de la fin, pro mora finis. Afin de répondre à sa pensée, « réunissons-nous donc, comme le dit Tertullien, en une seule troupe, en une seule assemblée, pour aller trouver Dieu et l’investir de nos prières comme d’une armée. Cette violence lui est agréable. » Mais c’est à la condition d’être inspirée par une foi entière et que rien ne puisse ébranler. Si c’est notre foi qui nous donne la victoire sur le monde, c’est elle aussi qui triomphe de Dieu dans les cas les plus extrêmes. Songeons, comme notre mère l’Église, au péril imminent de tant de malheureux qui dansent follement sur l’abîme, où demain va s’engloutir en rugissant leur désespoir. Sans doute, ils sont inexcusables ; Dimanche encore, on les avertissait des pleurs et des grincements de dents réservés, sous les ténèbres extérieures, aux contempteurs des noces sacrées. Mais ils sont nos frères, et nous ne devons pas nous résigner si facilement au deuil de leur perte. Espérons contre toute espérance. L’Homme-Dieu, qui connaissait de science certaine l’inévitable damnation des pécheurs obstinés, en a-t-il moins versé pour eux tout son sang ? Nous voulons mériter de nous unir à lui par une pleine ressemblance ; ayons donc la résolution de l’imiter en cela même, dans la mesure qui peut être la nôtre : prions sans repos ni trêve pour les ennemis de l’Église et nos ennemis, tant que leur damnation n’est pas consommée. Dans cet ordre, rien n’est inutile, rien ne se perd. Quoi qu’il arrive, le Seigneur sera grandement glorifié de notre foi et de l’ardeur de notre charité. Mettons seulement tous nos soins à ne pas mériter les reproches qu’il adressait à la foi boiteuse de la génération dont faisait partie l’officier de Capharnaüm. Nous savons qu’il n’a nul besoin de descendre du ciel en terre, pour donner leur efficacité aux ordres émanés de sa volonté miséricordieuse. S’il daigne multiplier autour de nous les miracles et les prodiges, nous lui serons reconnaissants pour nos frères plus faibles dans la foi, nous prendrons de là occasion d’exalter sa gloire, mais en protestant que notre âme n’avait plus besoin, pour croire à lui, des manifestations nouvelles de sa puissance.

L’ancien peuple, promenant son infortune méritée sur toutes les rives lointaines, revient, dans l’Offertoire, aux accents de la pénitence, et chante, cette fois avec l’Église, son admirable psaume CXXXVI qu’aucun chant d’exil n’égala jamais dans aucune langue. Toute la puissance du Dieu qui guérit d’une parole les âmes et les corps, réside dans les Mystères préparés sur l’autel. Demandons, dans la Secrète, que leur vertu s’exerce en nos cœurs. La parole rappelée dans l’Antienne de la Communion, comme ayant relevé l’homme abîmé dans sa misère, est celle de l’Évangile du banquet divin : Venez aux noces ! Mais l’homme, déifié déjà par sa participation ici-bas au Mystère de la foi, aspire à la consommation éternelle de l’union dans le plein jour de la gloire. Une fidélité constante à observer les divins commandements est la meilleure préparation que le chrétien puisse apporter à la table sainte, comme l’exprime la Postcommunion.

Saint Bruno, Confesseur, six octobre
Au monastère de la Tour, diocèse de Squillace en Calabre, saint Bruno, confesseur, fondateur de l’Ordre des Chartreux.

Sanctoral

Saint Bruno, Confesseur

Bruno, fondateur de l’Ordre des Chartreux, naquit à Cologne. Dès le berceau, il montra de tels indices de sa sainteté future, par la gravité de ses mœurs, par le soin qu’il mettait, avec le secours de la grâce divine, à fuir les amusements frivoles de cet âge, qu’on pouvait déjà reconnaître en lui le père des moines, en même temps que le restaurateur de la vie anachorétique. Ses parents, qui se distinguaient autant par leur noblesse que par leurs vertus, l’envoyèrent à Paris, et il y fit de tels progrès dans l’étude de la philosophie et de la théologie, qu’il obtint le titre de docteur et de maître dans l’une et l’autre faculté. Peu après, il se vit, en raison de ses remarquables vertus, appelé à faire partie du Chapitre de l’Église de Reims.

Quelques années s’étant écoulées, Bruno renonçant au monde avec six de ses amis se rendit auprès de saint Hugues, Évêque de Grenoble. Instruit du motif de leur venue, et comprenant que c’était eux qu’il avait vus en songe, la nuit précédente, sous l’image de sept étoiles se prosternant à ses pieds, il leur concéda, dans son diocèse, des montagnes très escarpées connues sous le nom de Chartreuse. Hugues lui-même accompagna Bruno et ses compagnons jusqu’à ce désert, où le Saint mena pendant plusieurs années la vie érémitique. Urbain II, qui avait été son disciple, le fit venir à Rome, et s’aida quelques années de ses conseils dans les difficultés du gouvernement de l’Église, jusqu’à ce que, Bruno ayant refusé l’archevêché de Reggio, obtint du Pape la permission de s’éloigner.

Poussé par l’amour de la solitude, il se retira dans un lieu désert, sur les confins de la Calabre, près de Squillace. Ce fut là que Roger, comte de Calabre, étant à la chasse, le découvrit en prière, au fond d’une caverne où ses chiens s’étaient précipités à grand bruit. Le comte, frappé de sa sainteté, commença à l’honorer et à le favoriser beaucoup, lui et ses disciples. Les libéralités de Roger ne demeurèrent pas sans récompense. En effet, tandis qu’il assiégeait Capoue, Sergius, un de ses officiers, ayant formé le dessein de le trahir, Bruno, vivant encore dans le désert susdit, apparut en songe au comte et, lui découvrant tout le complot, le délivra d’un péril imminent. Enfin, plein de mérites et de vertus, non moins illustre par sa sainteté que par sa science, Bruno s’endormit dans le Seigneur et fut enseveli dans le monastère de Saint-Etienne, construit par Roger, où son culte est resté jusqu’ici en grand honneur.

Sainte Marie Françoise des Cinq Plaies de Notre Seigneur Jésus-Christ, Vierge, Tertiaire franciscaine, six octobre
A Naples, en Campanie, la mise au tombeau de sainte Marie Françoise des Cinq Plaies de Notre Seigneur Jésus-Christ, vierge, du Tiers Ordre de saint François

Sainte Marie Françoise des Cinq Plaies de Notre Seigneur Jésus-Christ, Vierge, Tertiaire franciscaine

Anna-Maria-Rosa-Nicoletta Gallo vit le jour à Naples le 25 mars 1715. Son père s’appelait François et sa mère Barbe Basinsin. Ses parents étaient « peu fortunés » disent les PP. Bénédictins. Ils étaient « une famille de condition médiocre » disent les Petits Bollandistes. Elle prendra le nom de Marie-Françoise des cinq plaies de Notre-Seigneur Jésus-Christ lorsqu’elle entrera dans le Tiers ordre de Saint François d’Assise, sous la direction des Pères réformés et déchaussés de Saint Pierre d’Alcantara. Elle était assistée, d’une façon visible par son ange gardien. A quatre ans, elle suppliait qu’on l’emmène à la messe et se servait déjà d’instruments de pénitence. A cet âge, on la prenait déjà pour une Sainte. Mais son père, François, la mit rapidement à la fabrication de galons d’or. Comme elle était chétive, elle eut un crachement de sang avec une fièvre violente. On la mit alors à un travail moins pénible, elle quitta la navette pour, le fuseau et pour filer l’or. A l’âge de 16 ans, un riche jeune homme, charmé par sa conduite, demanda sa main. François, heureux de cette future union qui augmenterait le capital familial donna son accord sans celui de Marie-Françoise. Mais il s’entendit refuser : « Mon père, ne vous donnez pas cette peine, ne voulant rien connaître du monde, j’ai, depuis longtemps décidé de prendre l’habit des religieux du Tiers ordre de Saint François. » François, après avoir essayé de la dissuader, entra dans une violente colère, prit une corde et se mit à la frapper sans pitié. Barbe, la mère, dut intervenir en arrachant la corde des mains de son mari. Son père l’enferma dans une chambre où il la laissa plusieurs jours sans autre nourriture que du pain et de l’eau. Durant ce temps, Marie-Françoise pouvait prier tranquillement.

Un Père Mineur de l’Observance réussit à convaincre François d’accepter le désir de sa fille d’entrer au service de Saint François. Ravie, Marie-Françoise baisa la main de son père et courut se faire mettre l’habit tant espéré. C’était le 8 septembre 1731, le jour de la nativité de la vierge. François s’apercevait bien de l’état de sa fille et se demandait s’il ne pourrait pas tirer profit d’un éventuel don de divination. Or, une dame riche, qui était enceinte, aurait bien voulu savoir si c’était d’un garçon ou d’une fille. François poussa Marie-Françoise à donner une réponse à la dame. Mais elle ne voulut pas passer pour une voyante qui dirait la bonne aventure. Alors le père entra en fureur et flagella Marie-Françoise jusqu’à ce que sa mère et sa soeur vinrent lui arracher le fouet. Sur les conseils de sa mère, elle s’enfuit de la maison et vint raconter ses misères à Don Jules Torno évêque du lieu. Il la raccompagna chez elle et fit les remontrances à François qui se calma. Pour la consoler, le Seigneur lui fit l’honneur de plusieurs apparitions. Sa mère mourut et son père voulut se remarier. Il fit peser sur Marie-Françoise tout le poids de l’entretien de la famille. Il lui menait la vie dure en répétant tout le temps « qui ne travaille pas ne mange pas ! » et exigeait d’elle qu’elle paya dix écus par ans. Son parrain subvenait à cette rente. Ses soeurs, moins patientes, allèrent trouver la femme que leur père désirait épouser et la persuadèrent de rompre avec lui. François cru que ce complot avait été perpétré par Marie-Françoise. Il entra en colère et quitta la maison en emportant tout. Sur l’injonction de son confesseur, elle prit un petit appartement, rue de la Coutellerie, et s’associa à soeur Marie-Félix de la Passion. Après maintes tribulations, Marie-Françoise, dénoncée comme suppôt de Satan, fut enfermée au Couvent dit du Bon-Chemin. Malgré cela, son père et ses soeurs vinrent l’y accabler d’injures. Il y avait avec eux une femme impudente envoyée par ses persécutrices. Cela fit scandale et les soeurs du Bon-Chemin prirent Marie-Françoise en grippe à tel point que l’une d’elle voulut la précipiter du haut d’un escalier et on lui jeta sur la figure une terrine de braises. Il faut dire qu’elles étaient jalouses de la réputation de Marie-Françoise. Puis, elle se mit à enfler des pieds à la tête. Sa santé s’altéra. Elle serait bien rentrée chez elle mais son confesseur s’y opposa. Elle vint alors habiter chez dame Candide Principe, épouse de Joseph de Mase.

Elle commença à avoir de vives douleurs d’intestins. Comme un malheur ne va pas sans l’autre, elle apprit que son père allait mourir. Elle se mit à pleurer parce qu’elle réalisait qu’elle ne pouvait pas être au chevet de son père. En 1763, elle révéla que Naples allait être décimé par une grande famine et une grande peste. L’année suivante, elle fut atteinte par la maladie mais finit par se rétablir après plusieurs mois. Elle en sortit réduite à l’état de squelette. Elle pleurait jour et nuit en étant si dérangée d’esprit qu’elle avait un besoin constant de la présence de son confesseur Jean Pessiri. Il résolut d’ailleurs de venir habiter la maison de la Sainte. C’était plus pratique pour lui. Elle eut alors une « ébullition du sang ». Ses médecins lui firent prendre inutilement des bains froids puis lui pratiquèrent une saignée au pieds. Mais le chirurgien la blessa maladroitement, ce qui fit souffrir horriblement Marie-Françoise en lui provoquant des spasmes. Le pied devint rouge, il fallut taillader dans les chairs car la gangrène s’y était mise. Elle attrapa une toux violente suivie de vomissements de sang. Pour l’adoucir, elle dut porter un collier de plomb pendant douze ans. Elle disait alors « Le Seigneur m’a orné, comme son épouse, d’un collier de perles ! » Finalement, elle eut les stigmates du Christ : plaies aux deux mains, plaies aux deux pieds et plaie sur le côté gauche, là où est le coeur. En 1789, l’Archange Raphaël lui apparut il était d’une beauté extraordinaire. Marie-Françoise resta sans voix. Il lui annonça qu’il était envoyé pour la guérir de sa plaie au côté. Quand elle visitait les hôpitaux, elle aimait beaucoup passer du temps près des malades les plus repoussants et surtout ceux qui avaient des maladies contagieuses. Puis elle se mit à sentir bon de temps à autres, et ce qu’elle touchait gardait son parfum.

On remarqua qu’elle sentait bon surtout aux fêtes de la Vierge et les vendredis de mars où elle souffrait la passion du Christ. L’état de Marie-Françoise s’aggravant de plus en plus, on l’envoya, en 1791, prendre un « bol d’air » à la campagne. Mais le résultat fut qu’elle se mit à tousser plus violemment et fut la victime de deux hernies étranglées qui provoquèrent des graves vomissements. Elle revint à Naples pour y subir une opération. Ensuite, elle eut de vives douleurs à un pied. On pria pour elle et la douleur se calma. Mais elle eut alors d’horribles convulsions par tout le corps. Ses pieds et ses jambes s’enflèrent. Elle dut passer des jours et des nuits sur une chaise sans pouvoir dormir. Comme elle se préparait à la fête de la Nativité de la Vierge, elle fut prise d’une telle crampe d’estomac qu’on aurait cru qu’elle était transpercée par un glaive. Le 11 septembre, elle reçut l’extrême onction. Le 13, elle entra en extase et vit s’élever devant elle une grande croix nue. La maladie continua son cours et elle entra en agonie. Le matin, on la fit communier. Elle retrouva toutes ses facultés et entra en extase. Elle dit « Madona… Voici que ma mère vient au-devant de moi ! » Puis elle pâlit. Don Pessiri alluma un cierge bénit et lui donna une dernière absolution. Il saisit alors un crucifix : « Soeur Marie-Françoise », lui dit-il, « baisez les pieds de votre époux mort pour nous sur la croix ! » Soulevant la tête, la mourante colla ses lèvres sur les pieds de son sauveur, et après les avoir tendrement baisés, retombant sur son oreiller, elle expira. Dès qu’elle sut la mort de la Sainte la piété napolitaine entra en éruption. La foule se rua pour emporter une relique. Il fallut appeler les soldats de la garde royale et porter le corps dans une chapelle fermée avec une grille de fer. On faisait toucher à la défunte les objets que présentait la foule assiégeante.

Martyrologe

Au monastère de la Tour, diocèse de Squillace en Calabre, saint Bruno, confesseur, fondateur de l’Ordre des Chartreux.

A Laodicée, en Phrygie, le bienheureux Sagaris, évêque et martyr, l’un des anciens disciples de l’Apôtre Paul.

A Auxerre, saint Romain, évêque et confesseur.

A Capoue, l’anniversaire des saints martyrs Marcel, Caste, Emile et Saturnin.

A Trèves, la commémoraison d’une multitude pour ainsi dire innombrable de martyrs, qui, durant la persécution de Dioclétien, sous le préfet Rictiovare, souffrirent divers genres de mort pour la foi du Christ.

A Agen, en Gaule, l’anniversaire de sainte Foi, vierge et martyre, dont l’exemple encouragea au martyre le bienheureux Caprais, qui, lui-même, acheva heureusement son combat le 13 des calendes de novembre (20 octobre).

De même, sainte Erotide martyre. Embrasée de l’amour du Christ, elle supporta patiemment le supplice du feu.

A Oderzo, aux confins de la Vénétie, saint Magne évêque, dont le corps repose à Venise.

A Naples, en Campanie, la mise au tombeau de sainte Marie Françoise des Cinq Plaies de Notre Seigneur Jésus-Christ, vierge, du Tiers Ordre de saint François : remarquable par ses vertus et ses miracles, elle a été inscrite au nombre des saintes Vierges par le pape Pie IX.

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