VIII° Dimanche après la Pentecôte – « Enfants de lumière.»
Ce Dimanche était appelé, au moyen âge, le sixième et dernier dimanche après le Natal des Apôtres ou la fête de saint Pierre, dans les années où Pâques atteignait son dernier terme en avril. Il n’était au contraire que le premier de la série dominicale ainsi dénommée, lorsque Pâques suivait immédiatement l’équinoxe du printemps. L’Introït rappelle la gloire de l’ancien temple et de la montagne sainte. Mais plus grande encore est la majesté de l’Église qui porte, en ce moment, le Nom et la louange du Très-Haut jusqu’aux extrémités de la terre, mieux que ne l’avait jamais fait ce temple qui était sa figure. Non seulement nous sommes par nous-mêmes incapables de toute bonne œuvre, mais la pensée même du bien surnaturel ne peut se produire en nous sans le secours de la grâce. Or le plus sûr moyen d’obtenir un secours si nécessaire, est de reconnaître humblement devant Dieu le besoin absolu que nous en avons, comme le fait l’Église dans la Collecte.
ÉPÎTRE. Le Docteur des nations continue de former à la vie chrétienne les nouvelles recrues que sa voix puissante et celle de ses collègues dans l’apostolat, dispersés par le monde, amène chaque jour plus nombreuses aux fontaines du salut. Bien que se maintenant attentive aux événements qui se précipitent dans la Judée, l’Église, en effet, n’en réserve pas moins toujours ses sollicitudes les plus maternelles pour le grand œuvre de l’éducation des enfants qu’elle engendre à l’Époux. C’est ainsi que, pendant qu’Israël suit jusqu’au bout la voie fatale du reniement, une autre famille se forme et grandit qui prend sa place devant Dieu, et dédommage le Seigneur, par sa docilité, des amertumes dont l’abreuvèrent ses premiers fils. Les prétentions jalouses du peuple ancien, ces contradictions dont le Christ se plaint dans le Psaume, n’ont point pris fin encore, et déjà l’Homme-Dieu, grâce à l’Église, est devenu la tête des nations. Rien n’égale la fécondité de l’Épouse, sinon la puissance de sanctification qu’elle déploie, au milieu d’éléments si divers, pour présenter dès les premiers jours à son Seigneur et roi un empire affermi dans l’unité de l’amour, une génération toute céleste et toute pure dans l’intelligence et la pratique parfaite des vertus. Assurément l’Esprit sanctificateur agit lui-même directement sur les âmes des nouveaux baptisés ; néanmoins, ineffable harmonie du plan divin ! Depuis que le Verbe s’est fait chair et qu’il s’est associé dans l’œuvre du salut des hommes une Épouse toujours visible ici-bas, l’opération invisible de l’Esprit qui procède du Verbe n’arrive point à son terme normal sans la coopération et l’intervention extérieure de cette Épouse de l’Homme-Dieu. Non seulement l’Église est la dépositaire des formules toutes-puissantes et des rites mystérieux qui font du cœur de l’homme une terre renouvelée, dégagée des ronces et prête à fructifier au centuple ; c’est elle encore qui, sous les mille formes de son enseignement, distribue la semence dans les sillons du Père de famille. S’il revient à l’Esprit une admirable part dans cette fécondité et cette vie sociale de l’Église, son rôle près des élus considérés individuellement consiste surtout à faire valoir en eux les énergies divines des sacrements qu’elle confère, et à développer les germes de salut que sa parole dépose en leurs âmes. Aussi sera-ce, dans tous les siècles, une mission importante et sublime que celle de ces hommes, chefs des églises particulières, docteurs privés ou directeurs des âmes, qui représenteront, près des fidèles isoles, la Mère commune ; ils fourniront véritablement pour elle à l’Esprit divin les éléments sur lesquels doit porter son action toute-puissante. Mais aussi, malheur au temps dans lequel les dispensateurs de la parole sainte ne laisseraient plus tomber sur les âmes, avec des principes diminués ou faussés, qu’une semence atrophiée ! L’Esprit n’est point tenu de suppléer par lui-même à leur insuffisance ; et il ne le fera pas d’ordinaire, respectueux qu’il est de l’ordre établi par l’Homme-Dieu pour la sanctification des membres de son Église. La Mère commune vient d’ailleurs magnifiquement à l’aide de ces délaissés dans sa Liturgie, qui renferme toujours, soutenues de la force même du Sacrifice et vivifiées par les grâces du Sacrement d’amour, la règle très sûre des mœurs et les plus sublimes leçons des vertus. Mais pour cela faut-il encore que ces pauvres âmes, trop habituées souvent à regarder comme la voie royale de la perfection la vie chétive qu’elles se sont faite, comprennent quelle place il convient de laisser au pain sans force et à l’eau appauvrie dont elles se nourrissent, en présence des intarissables et authentiques trésors du sein maternel. « O vous tous qui avez soif, dirait le prophète, venez donc à la source vive. Pourquoi dépenser vos richesses à ce qui ne peut vous nourrir, et vos sueurs à ce qui ne peut vous rassasier ? Bien plutôt, sans argent ni dépense, sans échange d’aucune sorte, achetez et mangez, abreuvez-vous de vin et de lait : en m’écoutant, nourrissez-vous de la bonne nourriture, et que votre âme se délecte et s’engraisse ». S’il est une remarque, en effet, qui doive attirer l’attention non moins que la reconnaissance du chrétien en quête de lumières au sujet de la voie qui conduit au ciel, c’est bien assurément que l’Église ait pris soin de choisir elle-même, au milieu du trésor des Écritures, et de rassembler dans le plus usuel de tous les livres les passages pratiques qu’elle sait mieux que personne sans doute convenir à ses fils. A cette école de la sainte Liturgie, de son livre de Messe, le fidèle humblement et pieusement attentif ne sera point exposé à voir s’affaiblir ou vaciller jamais la lumière. « C’est ici le chemin, lui dira son guide avec autorité ; prenez-le sans crainte, et ne vous écartez ni à droite, ni à gauche ». L’Église, faut-il s’en étonner ? l’emportera toujours, dans la conduite des âmes, sur les plus profonds des docteurs et les plus saints mêmes de ses fils. Qu’on réunisse les quelques lignes empruntées comme Épîtres, dans ces trois derniers dimanches, à la lettre de saint Paul aux Romains ; et qu’on dise si, indépendamment de leur infaillible vérité garantie par l’Esprit-Saint lui-même, il est possible de trouver ailleurs une aussi admirable exposition des bases de la morale révélée. La clarté, la simplicité d’expression, la véhémence chaleureuse de l’exhortation apostolique, le disputent, dans ce peu de paroles, à l’ampleur de la doctrine et à la portée des considérations que l’on y voit empruntées aux plus sublimes aspects du dogme chrétien. Jésus-Christ, fondement du salut, sa mort et son glorieux tombeau devenus dans le baptême le point de départ de l’homme régénéré, sa vie en Dieu modèle de la nôtre ; la honte passée de nos corps asservis, la fécondité sanctifiante des vertus remplaçant dans nos membres la désastreuse germination des vices ; aujourd’hui enfin les droits de l’esprit sur la chair, et ses devoirs contre elle s’il tient à garder sa juste prééminence, si l’homme veut maintenir la liberté qu’il a recouvrée par la grâce de l’Esprit d’amour et se montrer, comme il l’est en toute vérité, le fils de Dieu, le cohéritier du Christ : telles sont les splendides réalités illuminant pour nous désormais de leurs célestes rayons la loi de la vie dont on vit par L’Esprit-Saint dans le Christ Jésus ; tels se produisent, en face du monde, les axiomes de la science du salut qui doit remplacer à la fois les impuissances de la loi juive et la stérile morale de la philosophie. Car c’est une vérité qu’il convient de retenir aussi, comme étant l’idée-mère de toute cette sublime épître aux Romains : l’impuissance, la stérilité pour la justice complète et le bien absolu, sont la part trop certaine de l’humanité non relevée par la grâce. L’expérience l’a prouvé, saint Paul le déclare, les Pères bientôt l’affirmeront unanimement, et l’Église le définira dans ses conciles. L’homme peut arriver, il est vrai, par les seules forces de sa nature tombée, à la possession de certaines vérités et à la pratique de quelque bien ; mais il ne parviendra jamais, sans la grâce, à connaître et moins encore à observer les préceptes de la loi simplement naturelle dans leur ensemble. De Jésus donc, de Jésus seul vient toute justice. Non seulement la justice surnaturelle, qui suppose l’infusion de la grâce sanctifiante dans l’âme du pécheur, est de lui tout entière ; mais encore cette justice naturelle dont les hommes se parent si volontiers, et qu’ils prétendent leur tenir lieu de tout le reste, échappe à quiconque n’adhère point au Christ par la foi et l’amour. Que les adeptes de l’indépendance de l’esprit humain exaltent leur morale et vantent leurs vertus ; nous chrétiens, nous ne savons qu’une chose que nous tenons de notre mère l’Église : l’honnête homme, c’est-à-dire l’homme véritablement en règle avec tous les devoirs que lui impose sa nature, ne se trouve point ici-bas sans le secours très spécial de l’Homme-Dieu rédempteur et sauveur. Avec saint Paul, soyons donc fiers de l’Évangile ; car il est bien la vertu de Dieu, non seulement pour sauver l’homme et justifier l’impie, mais encore pour donner la justice agissante et parfaite aux âmes avides de droiture. Le juste vit de la foi, dit l’Apôtre, et sa justice croît avec elle ; sans la foi en Jésus, la prétention d’arriver par soi et ses œuvres à la consommation de tout bien n’engendre que la stérilité de l’orgueil et n’attire que des maux. Les Juifs en font aujourd’hui la triste expérience. Fiers de leur loi qui leur donnait une lumière plus grande qu’aux nations, et voulant établir sur elle seule leur propre justice, ils ont méconnu celui qui était la fin de la loi, la source de toute justice véritable ; ils ont repoussé le Christ qui leur apportait, avec la délivrance du mal antérieur, la connaissance du précepte et la force de l’accomplir ; ils sont restés dans leur iniquité, ajoutant faute sur faute au péché d’origine, thésaurisant pour le jour de colère. Or voilà qu’à cette heure même s’accomplit la prédiction d’Isaïe, mettant les paroles suivantes dans la bouche des restes d’Israël que nous accompagnons aujourd’hui dans leur fuite : « Si le Seigneur des armées n’eût réservé quelques rejetons de notre race, nous aurions été comme Sodome et Gomorrhe ». « Que dirons-nous donc, s’écrie l’Apôtre ? sinon que les nations, qui ne cherchaient point la justice, ont trouvé et saisi la justice, mais la justice qui vient de la foi ; Israël au contraire, « poursuivant la loi de la justice, ne l’a point rencontrée. Pourquoi, cela ? parce qu’il n’a point voulu la tenir de la foi, et s’est conduit comme s’il pouvait l’obtenir par les œuvres. Ils ont bronché contre la pierre d’achoppement, selon qu’il est écrit : Voici que je pose en Sion une pierre d’achoppement et de scandale, et quiconque croira en celui qui est cette pierre ne sera point confondu ». Le Graduel semble exprimer les sentiments des chrétiens juifs contraints de quitter leurs villes, et priant Dieu d’être lui-même désormais leur protecteur et leur lieu de refuge. Le Verset chante de nouveau les grandeurs anciennes du Seigneur en Jérusalem et sur la montagne où fut son temple.
ÉVANGILE. Les divers termes de la parabole qui nous est proposée sont faciles à saisir, et renferment une doctrine profonde. Dieu seul est riche par nature, parce qu’à lui seul appartient en propre le domaine direct et absolu sur toutes choses : elles sont à lui, parce qu’il les a faites . Mais en envoyant son Fils dans le monde sous une forme créée, il l’a constitué par cette mission dans le temps l’héritier des ouvrages sortis de ses mains, comme il l’était déjà des trésors mêmes de la nature divine par le fait de sa génération éternelle. L’homme riche de notre Évangile, c’est donc le Seigneur Jésus portant dans son humanité unie au Verbe le titre d’hérédité universelle qui l’établit sur tous les biens, créés ou non, finis ou infinis, du Dieu très-haut. C’est à lui qu’appartiennent les cieux chantant sa gloire et fiers de former pour un temps son vêtement de lumière, l’océan qui proclame sa puissance au sein des tempêtes et abat docile à ses pieds la fureur de ses flots, la terre enfin lui présentant l’hommage de sa plénitude. L’herbe et les fleurs de la prairie, les fruits variés, la fertile beauté des champs, les oiseaux du ciel comme les poissons qui peuplent les fleuves ou parcourent les sentiers des mers, les grands troupeaux comme l’insecte ignoré, comme la bête fauve qui se dérobe dans la profondeur des forêts ou sur les montagnes : tout est sien, tout est soumis à son empire. A lui aussi appartiennent en pleine possession l’argent et l’or, et l’homme même, qui ne serait que son esclave à jamais, s’il n’avait daigné miséricordieusement le diviniser et l’appeler en part de ses biens éternels. Au lieu d’esclaves, il a voulu avoir en nous des frères ; et, retournant de ce monde à son Père devenu le nôtre par sa grâce, il nous a envoyé l’Esprit-Saint comme le témoin de la filiation divine en nos âmes, comme le gage de l’hérédité sacrée qui nous assure le ciel. Biens ineffables du siècle futur, héritage sans pareil, dont la grandeur fait tressaillir l’Homme-Dieu lui-même dans le psaume célébrant sa résurrection glorieuse ! Nous ses membres et ses cohéritiers, nous avons le droit de dire avec lui : « Le cordeau du partage est tombé pour moi sur une part merveilleuse. Splendide est en effet mon héritage ; car c’est Dieu même qui m’est échu en possession. Béni soit le Seigneur qui m’a donné de le comprendre ! » Toutefois, pour arriver à la jouissance des richesses éternelles, une épreuve nous est imposée : il faut que nous fassions valoir ici-bas le domaine visible du Christ. Notre fidélité dans la gestion de ces biens inférieurs, confiés en des proportions si variées aux soins des fils d’Adam pendant les jours de leur exil, marquera la mesure des récompenses sans fin qui nous attendent. Divine convention, ineffable accord de justice et d’amour ! de ses biens l’Homme-Dieu a fait deux parts : il nous assure la pleine propriété de la part éternelle, seule vraiment grande, seule capable de satisfaire nos aspirations infinies ; pour l’autre, qui en elle-même ne mériterait point d’attirer le regard d’êtres appelés à contempler la divine essence, il dédaigne d’y attacher nos âmes et se refuse à nous communiquer sur elle les droits d’un domaine absolu. La vraie propriété des biens du temps reste donc à lui seul ; la possession qu’il octroie des richesses de la terre d’épreuve aux futurs cohéritiers de son éternité, demeure soumise à mille restrictions durant leur vie, et révèle à la mort son caractère essentiellement précaire : elle ne suit point les hommes au-delà du tombeau. Un jour vient pour l’insensé, comme pour le sage, où l’on doit lui redemander son âme, où le riche, traduit comme le pauvre dans la nudité du jour de sa naissance en présence du seul Maître, entendra la parole : Rendez-moi compte de votre administration. La règle du jugement, à cette heure terrible, sera celle-là même que nous a révélée le Seigneur en personne, lorsqu’il disait dans les jours de sa vie mortelle : « Il sera réclamé beaucoup à qui l’on a donné beaucoup ; et il sera demandé plus à qui l’on aura confié davantage ». Malheur alors au serviteur qui s’était cru maître, à l’économe qui, méconnaissant son mandat, s’est plu à dissiper vainement des biens dont il n’était que le dispensateur ! Il comprend, à la lumière de l’éternité, l’erreur de son fol orgueil ; il pénètre l’injustice souveraine d’une vie, honnête peut-être selon le monde, mais passée tout entière sans tenir compte des intentions de celui qui lui confia ces richesses dont il était si fier. Dépossédé sans retour, il ne peut réparer ses torts par une administration plus conforme à l’avenir aux volontés du maître du monde. S’il pouvait du moins se reformer laborieusement un héritage, ou trouver assistance près de ceux qui vécurent avec lui sur terre ! Mais au-delà du temps le travail cesse ; et ses mains vides, devenues impuissantes, ne recueilleraient que la honte en s’ouvrant pour demander l’aumône, au pied du tribunal redoutable où chacun craint à bon droit de ne pouvoir se suffire à lui-même. Heureux donc si, dès ce monde, la voix des menaces divines qui retentit en mille manières parvient à réveiller sa conscience ; si, comme l’économe de notre Évangile, il profite du temps qui lui reste, et se dit avec Job : Que ferai-je, quand Dieu se lèvera pour le jugement ? Lorsqu’il m’interrogera, que lui répondrai-je ? Celui même qui doit être son juge lui indique miséricordieusement, aujourd’hui, le moyen de parer la peine qu’ont encourue ses malversations. Qu’il imite l’habileté de l’économe infidèle, et il sera loué pleinement : non seulement, comme lui, à cause de sa prudence ; mais parce qu’en disposant ainsi pour les serviteurs de Dieu des richesses mises en ses mains, loin de frustrer le Seigneur de toutes choses, il ne fait que rentrer dans ses intentions. Quel est en effet l’économe fidèle autant que prudent, établi par le Seigneur sur sa famille, sinon celui qui pourvoie les membres de cette famille, en temps opportun, de froment et d’huile ? Corporelle ou spirituelle, l’aumône nous assure des amitiés puissantes pour l’heure du grand dénuement, au jour où la terre doit manquer à notre vie défaillante ; car c’est aux pauvres qu’appartient le royaume des cieux ; si nous employons les richesses de la vie présente à abriter et soulager leur misère ici-bas, ils ne manqueront pas de nous recevoir à leur tour dans leurs maisons, qui sont les tabernacles éternels. Tel est le sens direct et obvie de la parabole qui nous est proposée. Mais si nous voulons pénétrer complètement l’intention pour laquelle l’Église choisit aujourd’hui ce passage de l’Évangile, il nous faut recourir à saint Jérôme qui s’en est fait l’interprète officiel dans l’Homélie de l’Office de la nuit. Poursuivons avec lui la lecture évangélique : Celui qui est fidèle dans les petites choses, continue le texte sacré, c’est aussi dans les grandes, et celui qui est injuste dans les petites choses le sera dans les grandes ; si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses iniques et trompeuses, qui vous confiera les biens véritables ? Or Jésus parlait ainsi, observe saint Jérôme, devant les scribes et les pharisiens qui le tournaient en dérision, voyant bien que la parabole était contre eux. L’infidèle dans les petites choses, c’est en effet le Juif jaloux, qui, dans le domaine restreint de la vie présente, refuse à ses frères l’usage des biens créés pour tous. Si donc, est-il dit à ces scribes avares, vous êtes convaincus de malversation dans la gestion de richesses fragiles et passagères, qui pourrait vous confier les vraies, les éternelles richesses de la parole divine et de l’enseignement des nations ? Demande redoutable, que le Seigneur laisse aujourd’hui en suspens sur la tête des infidèles dépositaires de la loi des figures. Mais combien, dans peu, la réponse sera terrifiante !
En attendant, l’humble troupe des élus de Juda, laissant ces endurcis à la vengeance que précipite leur démence orgueilleuse, poursuit sa route dans la confiance assurée qu’elle garde en son sein les promesses de Sion. L’Antienne de l’Offertoire célèbre sa foi et son espérance. C’est de Dieu lui-même que nous tenons les dons qu’il agrée de nos mains dans sa bonté ; les Mystères sacrés qui transforment l’oblation n’en obtiennent pas moins pour nous par sa grâce, comme le dit la Secrète, la sanctification de la vie présente et les joies de l’éternité. L’espérance que l’homme met en Dieu ne saurait le tromper ; il en a pour gage la suavité du banquet divin. L’aliment céleste a la vertu de renouveler et nos âmes et nos corps ; obtenons d’éprouver la plénitude de ses divins effets.
Sanctoral
Saint Ignace de Loyola, Confesseur
Ignace de noble famille espagnole, et né à Loyola au pays des Cantabres. Huitième fils d’une famille de treize enfants, le jeune seigneur de Loyola entra comme page à la cour du roi Ferdinand V d’où il passa au service militaire. Ayant été grièvement blessé au siège de Pampelune, la lecture de livres pieux, qui lui tombèrent sous la main, l’enflamma d’un vif désir de marcher sur les traces de Jésus-Christ. Parti pour Montserrat, il suspendit ses armes devant l’autel de la bienheureuse Vierge, et consacrant la nuit à veiller, fit ses débuts dans la milice sacrée. Retiré ensuite à Manrèse, couvert d’un sac qui remplaçait les riches habits qu’il avait donnés à un pauvre, il y demeura une année, mendiant le pain et l’eau dont il se nourrissait, jeûnant tous les jours excepté le dimanche, domptant sa chair au moyen d’une rude chaîne et d’un cilice, couchant sur la dure, et se flagellant jusqu’au sang avec des disciplines de fer. C’est alors que Dieu le favorisa de si grandes lumières, que plus tard il avait coutume de dire : « Quand même les saintes Écritures n’existeraient pas, je serais néanmoins prêt à mourir pour la foi, rien qu’en raison des choses que Dieu m’a dévoilées à Manrèse. » C’est alors également que cet homme, tout à fait ignorant dans les lettres, composa le livre des Exercices, livre admirable qui se recommande de l’approbation du Siège apostolique et du bien qu’en retirent les âmes. Afin de se rendre plus capable de travailler au salut des âmes, Ignace résolut de s’assurer le secours des lettres, et se mêla aux enfants pour commencer l’étude de la grammaire. Cependant il ne négligeait rien par rapport au salut d’autrui, et on ne saurait dire combien de fatigues et d’affronts il eut à subir en tous lieux, souffrant les plus dures épreuves, la prison et les coups, au point presque d’en mourir, ce qui ne l’empêchait pas d’en souhaiter bien davantage pour la gloire de son Maître. S’étant adjoint neuf compagnons de nations diverses, appartenant à l’Université de Paris, tous maîtres es arts et pourvus de leurs grades en théologie, il jeta les premiers fondements de son Ordre à Paris, sur le mont des Martyrs. L’ayant établi ensuite à Rome, ajoutant aux trois vœux ordinaires un quatrième vœu, relatif aux missions, il le mit sous l’étroite dépendance du Saint-Siège. Paul III d’abord l’admit et le confirma ; bientôt après, d’autres Pontifes et le concile de Trente l’approuvèrent. Ayant envoyé saint François Xavier prêcher l’Évangile aux Indes, et disséminé d’autres missionnaires dans les diverses parties du monde pour propager la religion, Ignace déclara lui-même la guerre à la superstition païenne et à l’hérésie. Cette lutte se continua avec un tel succès que, du sentiment universel appuyé sur le témoignage du souverain Pontife, il était évident que Dieu avait opposé Ignace et son institut à Luther et aux hérétiques d’alors, comme il avait suscité d’autres saints personnages à d’autres époques. Ce qu’Ignace eut surtout à cœur, ce fut le renouvellement de la piété chez les catholiques. La beauté des temples, l’enseignement du catéchisme, la fréquentation des assemblées saintes et des sacrements durent beaucoup à son action. Il ouvrit partout des collèges pour former la jeunesse dans les lettres et la piété ; à Rome, il fonda le collège Germanique, des refuges pour les femmes perdues et les jeunes filles exposées à se perdre, des maisons pour recueillir tant les orphelins que les catéchumènes des deux sexes ; il s’appliquait encore avec un zèle infatigable à d’autres bonnes œuvres, afin de gagner des âmes à Dieu. Plus d’une fois on l’a entendu dire : « Si le choix m’était donné, j’aimerais mieux vivre incertain de la béatitude, tout en servant Dieu et en travaillant au salut du prochain, que de mourir immédiatement avec l’assurance de la gloire céleste. » Il exerça sur les démons un empire extraordinaire. Saint Philippe de Néri et plusieurs autres ont vu son visage tout radieux d’une lumière surnaturelle. Enfin, après avoir toujours eu sur les lèvres la plus grande gloire de Dieu, et l’avoir aussi cherchée en toutes choses, il quitta la terre dans sa soixante-cinquième année, pour aller s’unir au Seigneur. Ses grands mérites et ses miracles l’ayant rendu illustre dans l’Église, Grégoire XV ajouta son nom au calendrier des Saints, et Pie XI, accédant aux désirs des saints évêques, le déclara et l’établit céleste protecteur de tous ceux qui suivent les retraites dites exercices spirituels.
Saint Germain d’Auxerre, Évêque
Germain naquit à Auxerre, de parents nobles et pieux. Il fut envoyé aux écoles les plus célèbres des Gaules, où il obtint de grands succès. Il alla ensuite à Rome étudier le droit et acquit bientôt une réputation éclatante par son éloquence au barreau. Les talents du jeune docteur le mirent en vue, et l’autorité impériale le revêtit d’une haute dignité militaire, à Auxerre, sa patrie. L’an 418, saint Amator, évêque d’Auxerre, eut la révélation de sa mort prochaine et reçut de Dieu l’ordre de désigner Germain pour lui succéder. Il réunit le peuple dans sa cathédrale, et lui exposa quelle était la Volonté de Dieu; Germain, qui était présent, atterré d’une semblable nouvelle, entendit la foule acclamer son nom. Après avoir reçu successivement les différents ordres sacrés, il se résigna au sacrifice et accepta le fardeau de l’épiscopat. Il ne fit plus désormais chaque jour qu’un seul repas, composé de pain d’orge trempé dans l’eau; il ne consentait à boire un peu de vin qu’aux solennités de Noël et de Pâques; il passait les nuits en oraison, n’accordant à la nature qu’un court sommeil sur des planches couvertes de cendre. Nommé légat apostolique pour aller combattre le pélagianisme dans la Grande-Bretagne, il passa par Paris, où il fit la rencontre de la pieuse bergère de Nanterre, sainte Geneviève, dont il prédit la gloire. Dans la traversée de la mer, Germain apaisa une horrible tempête en versant dans les flots quelques gouttes d’huile sainte. Ses miracles sans nombre opérèrent encore plus de bien que ses éloquents discours dans la Grande-Bretagne, et il eut la consolation de revenir à Auxerre, après avoir accompli un bien immense chez ces peuples infestés par l’hérésie. Le saint évêque continua sa vie d’apostolat, de prière et de mortification, et devint de plus en plus illustre par le don des miracles. Un jour, un pauvre trouva le moyen de lui dérober son cheval; mais il fut obligé de le rendre à l’évêque en lui disant qu’il n’avait jamais pu le diriger, et que, voyant là un châtiment de Dieu, il restituait à son maître l’animal volé: « Mon ami, lui dit le Saint, c’est moi qui suis coupable; si j’avais eu hier la charité de te donner un vêtement, tu n’aurais pas eu l’idée de commettre ce vol, » et il le renvoya avec une large aumône et sa bénédiction. Une autre fois, Germain guérit un jeune homme paralytique, en lui passant la main sur la longueur de la jambe. On rapporte de lui la résurrection d’un mort et de nombreuses guérisons. Un jour, après avoir offert le saint sacrifice, il annonça sa mort très prochaine et mourut après sept jours de maladie.
Martyrologe
A Rome, l’anniversaire de saint Ignace, prêtre et confesseur, fondateur de la Compagnie de Jésus. Homme illustre par sa sainteté et ses miracles, il fut animé d’un zèle ardent pour propager dans le monde la religion catholique. Le souverain pontife Pie XI l’a établi patron céleste de tous les Exercices spirituels.
A Milan, saint Calimer, évêque et martyr. Durant la persécution d’Antonin, il fut arrêté, couvert de blessures, et eut la tête transpercée d’un coup d’épée; précipité ensuite dans un puits, il acheva son martyre.
A Césarée, en Mauritanie, la passion du bienheureux martyr Fabius. Sur son refus de porter les enseignes du gouverneur de la province, il fut d’abord jeté en prison où il resta enfermé pendant quelques jours; il subit ensuite deux interrogatoires pendant lesquels il persévéra à confesser le Christ et le juge le condamna à la peine capitale.
A Synnade, dans la Phrygie Pacatienne, les saints martyrs Démocrite, Second et Denis.
En Syrie, trois cent cinquante moines martyrs, qui furent massacrés par les hérétiques pour la défense du concile de Chalcédoine.
A Ravenne, le trépas de saint Germain, évêque d’Auxerre. Très illustre par sa naissance, sa foi, sa science et la gloire de ses miracles, il délivra entièrement la Grande-Bretagne de l’héresie des pélagiens.
A Tagaste, en Afrique, saint Firme évêque, renommé pour la gloire de sa confession.
A Sienne, en Toscane, l’anniversaire du bienheureux Jean Colombini, fondateur de l’Ordre des Jésuates, célèbre par sa sainteté et ses miracles.
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