Quatrième dimanche de Carême, dit de Laetare (1) – « La multiplication des pains, figure de la Pâque chrétienne »
En ce jour la Station se fait à Rome à Sainte-Croix-en-Jérusalem (2). Sainte Hélène, en effet, mère de Constantin, qui habitait sur le Mont Coelius un palais connu sous le nom de maison sessorienne, le transforma, pour y déposer d’importantes reliques de la vraie Croix, en un sanctuaire qui représente, en quelque sorte, Jérusalem à Rome. Aussi l’Introït, la Communion et le Trait parlent-ils de Jérusalem que S. Paul compare dans l’Épître au Mont Sinaï. C’est là que le peuple chrétien chantera le mieux sa joie « Lætare » (Intr., Ep.) pour la victoire obtenue par Jésus sur la croix à Jérusalem, et c’est là aussi que sera le mieux évoqué le souvenir de la Jérusalem céleste dont la mort de Jésus nous a rouvert les portes. C’est le motif pour lequel on bénissait autrefois dans cette église en ce jour une rose, la reine des fleurs, car ainsi que le rappellent les formules de la bénédiction — usage consacré par l’iconographie chrétienne — c’est par un jardin fleuri qu’on représente le ciel. On emploie pour cette bénédiction des ornements rosés, aussi tous les prêtres peuvent-ils célébrer aujourd’hui en ornements de cette couleur. Cet usage est passé de là au 3e dimanche de l’Avent, qui est le dimanche Gaudete « Réjouissez-vous » et qui vient au milieu de l’Avent nous exciter par une sainte allégresse à poursuivre courageusement notre laborieuse préparation à la venue de Jésus. A son tour, le dimanche Lœtare « Réjouissez-vous » est une étape au milieu de l’observance quadragésimale. L’Église y fait luire, dans l’église du Calvaire, à Rome, qui est celle de la Croix, notre espérance, un rayon de joie sur nos âmes pour nous engager à persévérer dans la lutte contre le démon, la chair et le monde jusqu’à la grande solennité de Pâques. « Réjouissez-vous, tressaillez de joie », nous dit l’Introït, car morts au péché avec Jésus pendant le Carême, nous allons bientôt ressusciter avec lui par la confession et la communion pascales. C’est pour ce motif que l’Évangile parle à la fois de la multiplication des pains et des poissons, symboles de l’Eucharistie et du Baptême, que l’on recevait autrefois en même temps à Pâques, et que l’Épître fait allusion à notre délivrance par le sacrement de Baptême (reçu autrefois par les catéchumènes à Pâques). Et si nous avons eu le malheur d’offenser Dieu gravement, c’est notre confession pascale, qui nous rendra cette liberté. Aussi l’Épître nous rappelle-t-elle, par l’allégorie de Sara et d’Agar, que le Christ nous a délivrés de la servitude du péché.
(1) Ce Dimanche, appelé Lætare, du premier mot de l’Introït de la Messe, est un des plus célèbres de l’année. L’Église, en ce jour, suspend les saintes tristesses du Carême ; les chants de la Messe ne parlent que de joie et de consolation ; l’orgue, muet aux trois Dimanches précédents, fait entendre sa voix mélodieuse ; le diacre reprend la dalmatique, le sous-diacre la tunique : et il est permis de remplacer sur les ornements sacrés la couleur violette par la couleur rose. Nous avons vu, dans l’Avent, ces mêmes rites pratiques au troisième Dimanche appelé Gaudete. Le motif de l’Église, en exprimant aujourd’hui l’allégresse dans la sainte Liturgie, est de féliciter ses enfants du zèle avec lequel ils ont déjà parcouru la moitié de la sainte carrière, et de stimuler leur ardeur pour en achever le cours. Nous avons parlé, au jeudi précédent, de ce jour central du Carême, jour d’encouragement, mais dont la solennité ecclésiastique devait être transférée au Dimanche suivant, dans la crainte qu’une trop grande liberté ne vint altérer en quelque chose l’esprit du jeune : aujourd’hui rien ne s’oppose a la joie des fidèles, et l’Église elle-même les y convie.
(2) La Station, à Rome, est dans la Basilique de Sainte-Croix-en-Jérusalem, l’une des sept principales de la ville sainte. Élevée au IVe siècle par Constantin, dans la villa de Sessorius, ce qui l’a fait appeler aussi la basilique Sessorienne, elle fut enrichie des plus précieuses reliques par sainte Hélène, qui voulait en faire comme la Jérusalem de Rome. Elle y fit transporter, dans cette pensée, une grande quantité de terre prise sur le mont du Calvaire, et déposa dans ce sanctuaire, entre autres monuments de la Passion du Sauveur, l’inscription qui était placée au-dessus de sa tête pendant qu’il expirait sur la Croix, et qu’on y vénère encore sous le nom du Titre de la Croix. Le nom de Jérusalem attaché à cette Basilique, nom qui réveille toutes les espérances du chrétien, puisqu’il rappelle la patrie céleste qui est la véritable Jérusalem dont nous sommes encore exilés, a porté dès l’antiquité les souverains Pontifes à la choisir pour la Station d’aujourd’hui. Jusqu’à l’époque du séjour des Papes à Avignon, c’était dans son enceinte qu’était inaugurée la Rose d’or, cérémonie qui s’accomplit de nos jours dans le palais où le Pape fait sa résidence.
Le Dimanche de la Rose. La bénédiction de la Rose d’or est donc encore un des rites particuliers du quatrième Dimanche de Carême : et c’est ce qui lui a fait donner aussi le nom de Dimanche de la Rose. Les idées gracieuses que réveille cette fleur sont en harmonie avec les sentiments que l’Église aujourd’hui veut inspirer à ses enfants, auxquels la joyeuse Pâque va bientôt ouvrir un printemps spirituel, dont celui de la nature n’est qu’une faible image : aussi cette institution remonte-t-elle très-haut dans les siècles. Nous la trouvons déjà établie dès le temps de saint Léon IX ; et il nous reste encore un sermon sur la Rose d’or, que le grand Innocent III prononça en ce jour, dans la Basilique de Sainte-Croix-en-Jérusalem. Au moyen âge, quand le Pape résidait encore au palais de Latran, après avoir béni la Rose, il partait en cavalcade, la mitre en tête, avec tout le sacré Collège, pour l’Église de la Station, tenant cette fleur symbolique à la main. Arrivé à la Basilique, il prononçait un discours sur les mystères que représente la Rose par sa beauté, sa couleur et son parfum. On célébrait ensuite la Messe. Quand elle était terminée, le Pontife revenait dans le même cortège au palais de Latran, toujours en cavalcade, et traversait l’immense plaine qui sépare les deux Basiliques, portant toujours dans sa main la fleur mystérieuse dont l’aspect réjouissait le peuple de Rome. A l’arrivée au seuil du palais, s’il y avait dans le cortège quelque prince, c’était à lui de tenir l’étrier et d’aider le Pontife à descendre de cheval ; il recevait en récompense de sa filiale courtoisie cette Rose, objet de tant d’honneurs et de tant d’allégresse. De nos jours, la fonction n’est plus aussi imposante ; mais elle a conservé tous ses rites principaux. Le Pape bénit la Rose d’or dans la Salle des parements, il l’oint du Saint-Chrême, et répand dessus une poudre parfumée, selon le rite usité autrefois ; et quand le moment de la Messe solennelle est arrivé, il entre dans la chapelle du palais, tenant la fleur mystique entre ses mains. Durant le saint Sacrifice, elle est placée sur l’autel et fixée sur un rosier en or disposé pour la recevoir ; enfin, quand la Messe est terminée, on l’apporte au Pontife, qui sort de la chapelle la tenant encore entre ses mains jusqu’à la Salle des parements. Il est d’usage assez ordinaire que cette Rose soit envoyée par le Pape à quelque prince ou à quelque princesse qu’il veut honorer ; d’autres fois, c’est une ville ou une Église qui obtiennent cette distinction.
Sanctoral
Saint Pierre Régalat, Prêtre, Premier Ordre franciscain, Patron des toréadors
Né d’une famille distinguée par sa noblesse et sa vertu, le jeune Pierre âgé de dix ans se sentit un vif désir de se consacrer au Seigneur et sollicita la grâce d’être admis dans l’Ordre Séraphique. Il éprouva une longue opposition de la part de sa mère, mais il montra, par sa persévérance, que cette pensée n’était le fruit ni de l’imagination, ni d’une ferveur passagère. Dans ce même temps, un homme suscité de Dieu, Pierre de Villaclet, travaillait à étendre en Espagne la réforme inaugurée par saint Bernardin de Sienne et saint Jean de Capistran. L’âme toute brûlante d’amour et avide de sacrifices, notre jeune Saint n’hésita pas à se placer sous un tel maître dont l’austérité et la sainteté de la vie rappelaient les plus beaux jours de l’Ordre Séraphique : aussi notre Bienheureux avança-t-il rapidement dans les sentiers les plus élevés de la perfection.
Après la mort de son maître, saint Pierre Régalat fut appelé à lui succéder dans le gouvernement de plusieurs couvents de l’Observance, et il était digne de ce choix à tous égards : grand amateur de la sainte pauvreté, il ne portait qu’un vêtement usé et couvert de pièces, marchait nu-pieds et ne consentit à prendre des sandales que dans sa vieillesse. Sa vie était, pour ainsi dire, un jeûne non interrompu au pain et à l’eau. Nous ne détaillerons pas ses autres pénitences, disons seulement qu’elles furent en rapport avec la soif d’immolation qui le dévorait. Dans ses entretiens avec le ciel, ce serviteur de Dieu apparaissait aux yeux de tous comme un séraphin ; de son cœur embrasé s’échappaient, comme d’une fournaise ardente, des gerbes de flamme : à plusieurs reprises ses frères le virent environné d’une auréole de feu, élevé de terre et immobile, des heures entières. Il arriva même, une nuit, que les habitants du voisinage, ayant aperçu des jets de flamme au couvent, crurent à un incendie et accoururent pour l’éteindre : c’était tout simplement notre Saint qui était ravi en extase et environné d’une nuée lumineuse.
Il était envers ses frères d’une charité et d’une sollicitude admirables. Une hirondelle venait troubler par son gazouillement la prière de ses religieux, il lui ordonna de s’en aller et fut obéi sur-le-champ. À sa prière, un envoyé mystérieux apporta au couvent le repas pour ses frères réunis devant les tables vides du réfectoire. Il lui arriva souvent de se transporter avec la rapidité de l’éclair d’un couvent dans un autre pour y présider divers exercices. Quand, ayant à traverser un fleuve, il ne trouvait pas de barque à sa disposition, l’homme de Dieu jetait son manteau sur les flots ; puis, faisant sur l’eau le signe de la croix, il s’avançait sur son manteau comme sur une nacelle. Il lui arrivait fréquemment de transporter ainsi d’une rive à l’autre son compagnon et même la bête de somme dont il se servait pour aller à la quête. La vie de saint Pierre Régalat était, à vrai dire, une suite non interrompue de miracles. Arrivé à sa dernière heure, il pria le Gardien de lui faire, pour l’amour de Dieu, la charité d’un pauvre habit ; après, il expira paisiblement en prononçant en union avec Jésus cette suprême parole : « Seigneur, je remets mon âme entre vos mains. » Il avait, avant de mourir, guéri le neveu de l’évêque, accouru pour lui administrer les derniers sacrements, et dont il avait annoncé à ses frères l’arrivée, quoiqu’on ne l’attendît nullement en ce moment. Il a été canonisé par le Pape Pie VI en 1786.
Saint Jean Climaque, Abbé, Père de l’Église (525-605)
Le nom de ce Saint lui vient du beau livre qu’il composa sous le titre grec de Climax ou Échelle du Ciel. La Palestine fut son premier séjour. A seize ans, il quitta le monde pour se donner entièrement à Dieu dans un monastère du mont Sinaï. A dix-neuf ans, le jeune moine, sous la conduite d’un saint religieux nommé Martyrius, travailla sans relâche à sa perfection et y fit des progrès si rapides qu’ils étonnaient son maître lui-même.
A la mort de son maître, Jean se retira dans une solitude profonde, afin d’y mener une vie plus parfaite encore. Une croix de bois, une table formée de quatre planches grossières et le livre des Saintes Écritures, avec quelques ouvrages des saints Pères, en faisaient tout l’ameublement. C’est là qu’il vécut quarante ans, de la vie d’un ange plutôt que de la vie d’un homme. Détaché du monde, affranchi pour ainsi dire du corps par la mortification, il s’élevait librement jusqu’à Dieu, s’abîmait en des contemplations sublimes et s’entretenant suavement avec les anges des mystères de la foi. Ses deux yeux étaient deux fontaines de douces larmes qu’il versait dans le secret de la solitude. Il eût voulu noyer dans ses pleurs tous les crimes de la terre; il gémissait aussi sur son trop long exil et soupirait après la Patrie céleste; mais le plus souvent ses larmes étaient des larmes de joie, d’admiration et de débordant amour, excitées par la contemplation des merveilles divines qui lui étaient révélées. Est-il étonnant que, nouveau Jean-Baptiste, il vît les foules accourir à lui pour recevoir les leçons de la pénitence et de la vie chrétienne?
A chacun il traçait des règles salutaires; sa bénédiction guérissait les malades, fortifiait les faibles, consolait les affligés, touchait les obstinés et les convertissait plus que les raisonnements de la science. Grande était la puissance de Jean Climaque contre le démon; il sut le vaincre et le décourager dans les combats qu’il eut à subir de sa part; il fut terrible aussi à l’ennemi du salut en le chassant de l’âme de ses frères. Un solitaire nommé Isaac, vint se jeter à ses pieds, le suppliant de le délivrer des obsessions impures dont le démon le pressait sans relâche: « La paix soit avec vous, mon frère! » dit le Saint. A ces mots, il se mit avec lui en prière. Le visage du Saint devint resplendissant d’une clarté céleste qui se répandait dans la grotte, et le démon poussait d’affreux rugissements. La prière terminée, Isaac se releva paisible et délivré pour toujours. Jean Climaque fut élu, à soixante-quinze ans, abbé du Sinaï, et devint de plus en plus l’ange et l’oracle du désert jusqu’à sa mort.
Martyrologe
A Rome, sur la voie Appienne, la passion du bienheureux Quirin tribun, père de la vierge sainte Balbine. Le pape saint Alexandre, qu’il avait sous sa garde, le baptisa avec tous ceux de sa maison. Sous l’empereur Adrien, Quirin fut livré au juge Aurélien, et comme, en soldat invincible du Christ, il persistait dans la confession de sa foi, on lui arracha la langue, on le soumit ensuite au supplice du chevalet, on lui coupa les mains et les pieds, enfin il acheva sous le glaive son glorieux combat.
A Thessalonique, l’anniversaire des saints martyrs Domnin, Victor et de leurs compagnons.
A Constantinople, la commémoraison d’un très grand nombre de martyrs de la communion catholique, que l’hérésiarque Macédonius fit mourir, au temps de Constance, par des supplices jusqu’alors inouïs: ainsi, entre autres cruautés, il fit déchiqueter les seins des femmes chrétiennes en les pressant entre les bords d’un coffre et de son couvercle: après quoi, il fit appliquer aux blessures un fer rougi au feu.
Dans la place forte de Senlis, en Gaule, la mise au tombeau de saint Rieul, évêque d’Arles.
A Orléans, en France, saint Pasteur évêque.
A Syracuse, en Sicile, saint Zosime, évêque et confesseur.
Au Mont Sinaï, saint Jean Climaque, abbé.
A Aguilar, en Espagne, saint Pierre Regalati, originaire de la ville de Valladolid, prêtre de l’Ordre des Frères Mineurs, et confesseur. Il restaura la discipline régulière dans les couvents d’Espagne. Il a été inscrit au catalogue des saints par le souverain pontife Benoît XIV.
Près d’Aquin, saint Cligne confesseur.
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