VII° Dimanche après la Pentecôte – « Gardez-vous des faux prophètes qui viennent à vous sous des vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs.»
Le cycle dominical du Temps après la Pentecôte complète aujourd’hui son premier septénaire. Avant la translation générale qu’eurent à subir les lectures évangéliques dans cette partie de l’année, l’Évangile de la multiplication des sept pains donnait son nom au septième Dimanche, et le mystère qu’il renferme inspire encore en plus d’un point la liturgie de ce jour. Or nous avons vu que ce mystère était celui de la consommation des parfaits dans le repos de Dieu, dans la paix féconde de l’union divine. Salomon, le Pacifique par excellence, le chantre auguste et autorisé de l’épithalame sacré du Cantique, est donc bienvenu pour exalter aujourd’hui la Sagesse divine, et révéler ses voies aux fils des hommes. Dans les années où la Pâque atteint son plus haut terme en avril, le septième Dimanche après la Pentecôte est en effet le premier du mois d’août, et l’Église y commence, à l’Office de la nuit, la lecture des livres Sapientiaux. Autrement elle continue, il est vrai, celle des livres historiques, qui peut se poursuivre ainsi cinq semaines encore ; mais alors même la Sagesse éternelle garde ses droits sur ce Dimanche que le nombre septénaire lui consacrait déjà d’une façon si spéciale. Car au défaut des instructions inspirées du livre des Proverbes, nous voyons Salomon en personne prêcher d’exemple au troisième livre des Rois, préférer la Sagesse à tous les trésors, et la faire asseoir avec lui comme son inspiratrice et sa très noble Épouse sur le trône de David son père. David lui aussi, nous dit saint Jérôme interprétant l’Écriture de ce jour au nom de l’Église elle-même, David, sur la fin de sa vie guerrière et tourmentée, connut les charmes de cette incomparable Épouse des pacifiques ; et ses chastes caresses, qui n’allument point les feux de la concupiscence, triomphèrent en lui divinement des glaces de l’âge. « Qu’elle soit donc mienne aussi, reprend un peu plus loin le solitaire de Bethlehem ; qu’elle repose en mon sein cette Sagesse toujours pure. Sans vieillir jamais, féconde à toute heure en son éternelle virginité, c’est aux ardeurs de sa flamme divine que s’allume dans le chrétien la ferveur de l’esprit demandée par l’Apôtre ; c’est par l’amoindrissement de son empire qu’à la fin des temps se refroidira la charité de plusieurs. »
ÉPÎTRE. « Considérez-vous comme morts au péché et vivant pour Dieu dans le Christ Jésus notre Seigneur. » Le Docteur des nations entre aujourd’hui dans le développement de cette formule par excellence de la vie chrétienne. L’Épître de Dimanche dernier n’avait eu d’autre but que d’en établir les termes ; elle nous l’a montrée ressortant de la notion du baptême qui nous unit au Christ sous les eaux. Là, comme dans un tombeau, la mort de Jésus devient nôtre et nous délivre du péché. Vendus au péché par nos premiers parents avant même que d’avoir vu le jour, marqués en naissant de son stigmate ignominieux, notre vie entière appartenait à ce tyran cruel ; maître avide, il nous faisait sentir son droit de tout instant sur les membres flétris d’un corps esclave. Mais si la vie de l’esclave est de droit à son maître, la mort au moins délivre son âme, et la sépulture dérobe son corps même aux revendications de l’exacteur. Or sur la croix de l’Homme-Dieu, sur la croix de Jésus devenu péché pour nos crimes, l’humanité coupable a suivi, au regard d’une miséricordieuse justice, le sort de son chef innocent. Le vieil homme, issu d’Adam pécheur, a été crucifié ; il est mort dans le Christ ; et l’esclave de naissance, affranchi par cette bienheureuse mort, a vu ensevelir sous les eaux le corps de péché qui portait dans sa chair le titre de sa servitude. Le corps du péché, c’était en effet notre chair, non l’innocente sortie toute pure à l’origine des mains du Créateur, mais la chair souillée de génération en génération par la transmission d’un honteux héritage. Dans le secret du mystérieux tombeau, l’onde dissolvante a détruit la souillure de ce corps avili ; elle a disjoint du même coup ces membres du péché qui sont les passions mauvaises, tristes puissances du mal qui déformaient en nous et tournaient au crime les facultés et les organes reçus de Dieu pour accomplir toute justice. En un moment, le fort armé a perdu le titre de sa possession ; la mort lui a ravi son esclave. Le péché donc étant détruit, la triple concupiscence décapitée s’agite en vain ; aidé de la grâce, l’homme délivré saura toujours empêcher, s’il le veut, ces hideux tronçons du serpent de se rejoindre et de retrouver leur chef. Car telle est l’action multiple et une du saint baptême : en un clin d’œil, et par sa seule puissance, il extirpe le péché et réduit à néant tous ses droits acquis ; mais l’homme doit ensuite prêter son concours à la grâce du sacrement, pour surveiller en lui les penchants complices du mal toujours prêt à renaître, et continuer sans fin sur ses rejetons impurs l’œuvre d’extermination salutaire du premier jour. A la mort du péché, résultat tout divin dans sa plénitude et sa rapidité foudroyante pour l’ancien ennemi, succède pour l’esclave affranchi le long travail de la mortification de l’esprit et des sens. Mais c’est toujours la vertu du premier sacrement qui poursuit alors dans le chrétien son œuvre vengeresse ; c’est le saint baptême qui, ayant opéré seul dans le malheureux captif du péché ce que Dieu seul en effet pouvait faire, l’appelle, maintenant que ses chaînes sont tombées, à mener de concert la lutte glorieuse de son indépendance, et le convie à partager l’honneur de la victoire divine sur Satan et ses œuvres. La répression de la chair apparaîtra de nouveau, Dimanche prochain, comme le vrai monument de notre liberté sur terre, comme la preuve authentique de la noblesse des fils de Dieu. « Que du moins, dirons-nous dès maintenant avec l’Apôtre, que du moins le péché ne règne plus dans votre corps mortel ; n’obéissez plus à ses désirs honteux. Ne faites plus de vos membres des armes d’injustice au service du mal ; de morts que vous étiez, soyez vraiment vivants pour Dieu ; faites de vos membres des armes de justice à sa gloire. Car le péché n’est plus votre maître, et sa tyrannie sur vous a pris fin par la grâce. Lui obéissant de nouveau, vous redeviendriez son esclave ; ne lui rendez pas contre vous ce titre de mort. Mais louez Dieu qui a brisé vos fers, et souvenez-vous qu’affranchis du péché, vous êtes devenus les serviteurs de la justice. » Ferons-nous moins pour elle qu’on ne fait partout pour le péché son ennemi ? Certes, la justice mérite plus d’efforts de notre part que l’odieux tyran qui n’a pour ses esclaves que la honte et la mort. Et pourtant, admirable condescendance du ciel pour notre faiblesse ! saint Paul le déclare au nom du Saint-Esprit, dans l’Épître du jour : servons la justice comme nous avons servi le péché, et nous serons saints, et nous aurons la vie éternelle. Humilions-nous, hélas ! et sondons nos misères. Qu’est devenue pour plusieurs, dans la voie du salut, cette ardeur dévorante avec laquelle on les voyait courir les mille sentiers du mal ? La vraie conversion cependant n’a point pour résultat l’engourdissement des facultés ; elle tourne à Dieu l’activité humaine, et l’augmente en lui rendant son but légitime, ou tout au moins ne la diminue pas, ce qui serait une injure à la grâce. Quelles leçons donc ne nous donnent point les fils du siècle, à la poursuite de l’ambition, de l’intérêt ou du plaisir ! Que d’activité, d’industrie et de persévérance, que de souffrances souvent, que d’abnégation en tous genres et d’héroïsme à faux, pour satisfaire à la fois les sept têtes de la bête, et gagner d’être admis à tremper ses lèvres un instant dans la coupe fangeuse de Babylone ! Il en est, sous les voûtes infernales, qui ont plus peiné et pâti, pour se damner, que n’ont fait les martyrs : et que de fois sans même avoir atteint la compensation prétendue qu’ils rêvaient ici-bas ! Car le troupeau de Satan n’arrive pas toujours à lui complaire au point de mériter, même un jour, les viles récompenses de ses esclaves. La justice en use autrement avec les siens ; elle n’abaisse point, elle ne trompe point ceux qui la servent. Elle affermit leurs pas dans la paix, augmente sans fin le trésor de leurs mérites, et les conduit sûrement à la perfection de l’amour. La vie de l’union divine s’épanouit alors comme spontanément à ce faîte de la justice, et s’appuie sur elle comme la fleur sur sa tige. « Celui qui est affermi dans la justice possédera la Sagesse, dit l’Esprit-Saint ; c’est en lui qu’elle prendra ses délices d’Épouse. » Pourrions-nous donc compter avec des travaux qui préparent le ciel, et devancent ici-bas les mystères de la patrie ? La vie présente, quelque longue qu’elle puisse être, paraît peu de chose à l’âme fidèle heureuse de pouvoir y prouver son amour. « Jacob, dit saint Augustin, servit deux fois sept ans pour Rachel, dont le nom signifie la vision du principe, ou le Verbe, la Sagesse qui révèle Dieu. C’est elle qu’aime en effet tout homme vertueux en ce monde ; c’est pour elle qu’il travaille et souffre, en servant la justice. Comme Jacob, ce qu’il recherche dans ses labeurs, ce n’est point assurément la fatigue pour elle-même, mais la possession qu’elle doit lui valoir de Rachel en sa beauté, le repos dans le Verbe où l’on voit le principe qui est Dieu. Est-il un vrai serviteur de Dieu qui puisse avoir d’autre pensée sous l’empire de la grâce ? Que veut l’homme, quand il se convertit ? que médite-t-il, que porte-t-il en son cœur, qu’aime-t-il et désire-t-il ainsi passionnément, sinon la science de la Sagesse ? L’homme sans doute voudrait, s’il était possible, écarter le travail et la peine, pour arriver de suite aux délices de la toute belle et parfaite Sagesse ; mais cela ne se peut dans la terre des mourants. L’Écriture nous l’apprend, quand elle dit : Tu désires la Sagesse ? garde les commandements, et le Seigneur te la donnera. Les commandements dont il est ici parlé regardent les œuvres de la justice, de cette justice qui vient de la foi, qui vit au milieu de l’incertitude des tentations et sous les ombres, afin qu’en croyant pieusement ce qu’elle ne comprend pas encore, elle arrive à mériter l’intelligence. « Il ne faut donc point blâmer l’ardeur de ceux qu’embrase le désir de posséder la vérité sans voiles, mais ramener leur amour à l’ordre qui est de commencer par la foi, et de s’efforcer d’arriver par l’exercice des bonnes mœurs où il tend. Dans le chemin, c’est le labeur de la vertu ; mais au terme convoité brille la Sagesse. Aime et désire dès le commencement et au-dessus de toute chose un objet si digne ; mais que l’ardeur qui te domine ait pour premier résultat, de te faire embrasser la fatigue de la route qui conduit au but où te porte l’amour. Une fois arrivé même, tu ne posséderas point dans le temps la belle vérité, sans avoir à cultiver toujours de compagnie la laborieuse justice. Quelque pénétrante et pure que puisse devenir en effet pour des mortels la vue du bien immuable, le corps qui se corrompt alourdit l’âme, et cette demeure terrestre abat toujours l’esprit sous le poids de mille soins. La Sagesse est Tunique but auquel on doit tendre ; mais il faut supporter beaucoup pour l’atteindre. » L’Église, dans le Graduel, continue d’exprimer la pensée qui domine ce septième Dimanche : elle invite ses fils à venir recevoir d’elle la science de la crainte du Seigneur ; car la crainte du Seigneur est le commencement de la Sagesse. Le Verset appelle de nouveau les nations, héritières de Jacob, à célébrer dans l’allégresse le don de Dieu.
ÉVANGILE. Le peuple juif, en repoussant l’Évangile, a rejeté la lumière. Pendant que le Soleil de justice, salué par les nations, illumine de ses feux toujours croissants l’ancienne région des ombres de la mort, la nuit s’étend sur la terre autrefois bénie des patriarches, et les ténèbres s’épaississent à toute heure en Jérusalem. Dans l’aveuglement qui la pousse à sa perte, la synagogue justifie pleinement la parole du Sauveur : Celui gui marche dans les ténèbres ne sait où il va. Elle précipite par ses démarches insensées la catastrophe qui doit l’engloutir. Les faux prophètes et les faux christs abondent en Israël, depuis que le vrai Messie qu’annonçaient les Prophètes, s’est vu méconnu et traité par les siens comme les Prophètes eux-mêmes. Ses témoins, les Apôtres, ont tenté en vain d’obtenir de Juda la rétractation du fatal reniement du prétoire. Juda cependant sait mieux que personne que les temps sont accomplis, depuis que le sceptre est tombé de ses mains ; et Juda, qui repousse dédaigneusement la royauté spirituelle du Sauveur des hommes, n’en continue pas moins d’attendre sans cesse et de chercher partout le christ qu’il a rêvé, le messie qui lui rendra sa puissance. Les docteurs juifs n’ont point encore, pour écarter l’autorité écrasante d’oracles qui les confondent, inventé la sentence de leur Talmud : « Maudit soit celui qui suppute les temps de la venue du Messie ! » Quels sentiments ne doivent donc pas s’agiter dans l’âme d’un peuple qui, tant de siècles durant, vécut de l’attente d’une heure solennelle entre toutes : lorsqu’enfin il se rend compte que la dernière limite des temps annoncés lui échappe et va le contraindre à renier son passé, ou le forcer d’avouer, au pied de la croix qu’il a dressée, son erreur lamentable ! Une étrange anxiété s’empare alors de la nation déicide. L’esprit de vertige préside à ses conseils. Dans l’effarement de la fébrile démence qui remplace en son cœur l’attente sereine et soumise des patriarches, elle voit le Christ en tous les révoltés ; elle qui n’a point voulu du fils de David se livre à des hommes sans nom, et s’abandonne à tous les aventuriers qui se la disputent au nom de l’insurrection contre Rome et de l’indépendance chimérique de la patrie terrestre. Bientôt l’anarchie et la confusion sont au comble dans la Judée ; les partis hostiles portent leurs querelles sanglantes jusqu’au fond du sanctuaire. La fille de Sion suit ses faux christs au désert, et s’y dresse à l’émeute ; elle en revient, pour remplir la ville sainte des voleurs de grand chemin et de tous les sicaires errants dans les solitudes. Longtemps à l’avance, Ezéchiel avait dit : « Tes prophètes, Israël, sont devenus pareils aux renards du désert ; malheur aux prophètes insensés qui ne débitent que des visions menteuses ! » Et Isaïe s’écriait : « A cause de cela, le Seigneur frappera ce peuple ; il n’aura pitié ni des jeunes gens, ni des enfants, ni des veuves, parce qu’ils sont tous hypocrites et criminels, et que leur bouche ne profère que folies. » Le temps est proche ; l’heure vient, pour ceux qui sont dans la Judée, de fuir aux montagnes. C’était la recommandation du Seigneur ; et, en effet, l’histoire nous montrera bientôt les chrétiens de Jérusalem quittant la ville réprouvée, sous la conduite de Siméon leur évêque. Avec eux s’enfuit la dernière espérance de Sion ; Dieu va venger son Christ. Déjà le signal de ruine, le coup de sifflet divin qu’entendait le prophète, a retenti au-delà des mers ; et ils accourent, ils viennent d’Italie sur les navires qu’avait vus Balaam ceux qui doivent dévaster les Hébreux. Le chef annoncé par Daniel aborde enfin l’ancienne terre des promesses ; la désolation et la ruine qui l’accompagnent resteront après lui. Laissons les Juifs hâter leur perte et revenons à l’Église qui s’élève, au même temps, si grande et si belle sur la pierre d’angle rejetée de la synagogue. A cause de l’absence de cette pierre, où les ouvriers de Sion n’ont point su reconnaître la base nécessaire qui portait leur ville, Jérusalem tombe en Judée ; mais elle reparaît plus brillante sur les collines où Céphas, prince des Apôtres, a transplanté son fondement éternel. Affermie sur le roc divin, elle ne craindra plus la violence des flots ni les vents déchaînés contre ses murailles. Les faux prophètes et tous ces ouvriers de mensonge, qui sapèrent si fatalement les murs de l’ancienne, ne manqueront point cependant à la nouvelle Jérusalem. « Car il est nécessaire que le scandale arrive », disait le Seigneur ; et l’Apôtre, parlant de l’hérésie, le plus grand des scandales : « Il faut, dit-il de même, qu’il y ait des hérésies, pour que la vertu des bons soit manifestée dans l’épreuve de leur foi. » Pour chaque chrétien, en effet, comme pour l’Église entière, la garantie de l’édifice de la sainteté repose sur la fermeté de la foi qui en est le fondement. L’Esprit-Saint se refuse à bâtir sur un fondement ruineux ou mal assuré. Quand surtout il doit conduire une âme jusqu’aux régions supérieures de l’union divine, il exige d’elle tout d’abord une foi non moins supérieure, dont l’héroïsme puisse affronter victorieusement les luttes purificatrices au prix desquelles se conquièrent la lumière et l’amour. A tous les degrés de la vie chrétienne d’ailleurs, c’est la foi qui fournit à l’amour son aliment et sa substance, comme c’est elle aussi qui donne aux vertus leurs motifs surnaturels et les rend dignes de former le cortège royal de la sainte charité. Le développement d’une âme ne saurait donc point dépasser la mesure de sa foi. L’ampleur de celle-ci, sa plénitude croissante, sa rectitude en tout, assurent les progrès que le juste doit accomplir ; tandis que la sainteté qui prétend marcher de concert avec une croyance amoindrie, n’est elle-même qu’une sainteté bien équivoque et sujette aux plus redoutables illusions. Il était donc véritablement bon et salutaire que la foi fût tentée, parce qu’elle rayonne davantage et s’affermit dans l’épreuve. Saint Paul a célébré magnifiquement, dans l’Épître aux Hébreux, les triomphes de la foi des anciens. L’alliance nouvelle pouvait-elle se trouver dépourvue des luttes glorieuses qui furent le mérite de nos pères au temps des figures ? C’est par leur foi victorieuse dans la parole de la promesse, que tous ces dignes ancêtres du peuple chrétien ont mérité que Dieu même leur rendît témoignage, Pour nous qui possédons dans la joie l’objet de leurs héroïques espérances, l’épreuve sans doute n’est plus comme pour eux dans l’attente. Mais l’hérésie, née de l’orgueil de l’homme et de la malice de l’enfer, l’hérésie et ses annexes variées, qui sont les multiples diminutions de la vérité dans le monde, sauront nous faire un mérite de la bienheureuse possession des réalités qu’ils saluaient de loin dans leurs larmes. L’homme voudra, malgré l’Église, mêler à la révélation d’en haut ses vaines pensées ; et le prince du monde appuiera ces tentatives audacieuses d’altération du Verbe. Mais la Sagesse, jamais vaincue, y trouvera pour les siens l’occasion des plus belles victoires ; de là cette permission si large laissée par Dieu aux sectes ennemies, dès les premiers jours du christianisme et dans tous les temps, de se produire au grand jour. C’est dans le champ des combats contre l’erreur que l’Église, produisant au soleil sa divine armure, apparaît toute resplendissante de cette vérité absolue qui est la splendeur du Verbe son Époux ; c’est par le triomphe personnel sur l’esprit de mensonge et l’adhésion spontanée aux enseignements du Christ et de son Église, que le chrétien se manifeste en toute vérité fils de la lumière, et devient lui-même la lumière du monde. Le combat n’est point sans périls pour le chrétien qui veut garder dans son intégrité la foi de sa mère l’Église. Les ruses de l’ennemi, son hypocrisie calculée et patiente, l’adresse perfide avec laquelle il sait mouvoir dans l’âme, presque à l’insu de l’âme même, mille ressorts secrets qui l’inclinent à l’erreur, finissent souvent par prévaloir contre la lumière en diminuant ses rayons, s’ils ne l’éteignent entièrement. La victoire néanmoins reste assurée à ceux qui s’inspirent des enseignements de notre Évangile. Méditons-les dans la reconnaissance et l’amour ; car c’est par eux que l’éternelle Sagesse exauce la prière que nous lui adressions au temps de l’Avent, la suppliant de venir nous enseigner le chemin de la prudence. La prudence, amie du sage, gardienne de ses trésors et sa très sûre défense, n’a point en effet de danger plus grand à écarter de celui qui la prend pour compagne, que le danger du naufrage de la foi, dont la perte entraîne tout le reste dans l’abîme. Acquérons à tout prix cette prudence du serpent qui s’allie si bien, dans les disciples de Jésus-Christ, avec la simplicité de la colombe. Quand nous l’aurons, la distinction se fera pour nous d’elle-même entre les docteurs que nous devons fuir et ceux qu’il convient d’écouter, entre les faussaires du Verbe et ses interprètes fidèles. « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits », dit l’Évangile ; et l’histoire justifie la parole du Sauveur. Sous la peau de brebis dans laquelle ils veulent tromper les simples, les apôtres du mensonge exhalent toujours une odeur de mort. Leurs habiletés de paroles et leurs flatteries intéressées ne dissimulent point le vide de leurs œuvres. N’ayez donc rien de commun avec eux. Les fruits inutiles ou impurs des ténèbres, les arbres d’automne et deux fois morts qui les portent sur leurs branches desséchées, auront le feu pour partage. Si vous avez été vous-mêmes ténèbres autrefois, maintenant que vous êtes devenus lumière dans le Seigneur par le baptême ou le retour d’une conversion sincère, montrez-vous tels : produisez les fruits de la lumière en toute bonté, justice et vérité. A cette condition seulement vous pourrez espérer le royaume des cieux, et vous dire dès ce monde les disciples de cette Sagesse du Père qui réclame pour elle aujourd’hui notre amour. En effet, dit l’Apôtre saint Jacques, semblant commenter l’Évangile de ce jour, « est-ce que le figuier peut porter des raisins, ou la vigne produire des figues ? Est-ce que la fontaine peut donner de l’eau amère et de l’eau douce à la fois ? Et maintenant qui d’entre vous prétend passer pour sage ? Qu’il le prouve en montrant dans ses œuvres et toute sa vie la douceur de la Sagesse. Car il y a une sagesse amère et trompeuse qui n’est point d’en haut, mais de la terre et de l’enfer. La Sagesse qui est d’en haut est d’abord toute chaste et pure, ensuite amie de la paix, modeste, sans attache à son sens, toujours d’accord avec les bons, pleine de miséricorde et de fruits de bonnes œuvres, ne jugeant point les autres et sans arrière-pensée. Les fruits de justice qu’elle produit se sèment dans la paix au sein des pacifiques. »
Sanctoral
Sainte Christine, Vierge et Martyre
Christine était une enfant de dix ans; cependant il ne fallut pas moins de trois tyrans successifs pour la faire mourir, car les deux premiers furent victimes de leur cruauté. Elle avait pour père un gouverneur romain, nommé Urbain, très attaché au culte des faux dieux. Christine, inspirée d’en haut, après avoir ouvert les yeux à la vraie foi, enleva toutes les idoles d’or et d’argent que son père adorait dans sa maison, les mit en pièces et les donna en aumône à de pauvres chrétiens. A cette nouvelle, la colère de son père ne connut pas de bornes; elle fut souffletée, fouettée, déchirée avec des griffes de fer. Au milieu de ces tortures, l’héroïque enfant conservait la paix de son âme et ramassait les morceaux de sa chair pour les présenter à son père dénaturé. Le supplice de la roue et celui du feu lui furent inoffensifs. Un ange vint ensuite dans la prison de Christine guérir ses plaies. Son père tenta un dernier effort; il la fit jeter dans le lac voisin avec une pierre au cou, mais un Ange la conduisit saine et sauve au rivage. Ce nouveau prodige irrita tellement le père barbare, que, le lendemain, on le trouva mort dans son lit. Un nouveau gouverneur fut l’héritier de sa cruauté; il fit coucher Christine dans un bassin d’huile bouillante mêlée de poix; mais elle fit le signe de la Croix sur elle et ne ressentit pas les atteintes de ce supplice. Après de nouvelles tortures, on la conduisit dans le temple d’Apollon; dès qu’elle y entra, l’idole se brisa en pièces, et le tyran tomba raide mort. Sur le coup, trois mille infidèles se convertirent à la vraie foi. La courageuse martyre dut être présentée devant un troisième juge, qui eut à coeur de venger la honte et la mort de ses deux prédécesseurs. Il fit jeter la jeune martyre dans une fournaise ardente, où elle resta cinq jours sans en rien souffrir. Les bourreaux, à bout d’expédiant, la laissèrent en prison au milieu d’une quantité de vipères que ne lui firent aucun mal. On lui coupa la langue sans qu’elle perdît l’usage de la parole. Enfin, attachée à un poteau, elle fut percée de flèches. Son tombeau fut découvert en 1886. De l’examen de ses restes on peut conclure qu’elle mourut très jeune ; tout au plus avait-elle quatorze ans.
$Martyrologe
A Tiro, sur le lac de Bolsena en Toscane, sainte Christine, vierge et martyre. Devenue chrétienne, elle brisa les idoles d’or et d’argent de son père et en distribua les morceaux aux pauvres: son père ordonna de la déchirer à coups de fouet, de la tourmenter par les supplices les plus cruels, et de la jeter dans le lac, une grosse pierre au cou; mais un Ange la délivra. Plus tard, un autre juge ayant succédé à son père, elle subit avec constance de plus grandes cruautés; enfin sous le préfet Julien, après avoir été jetée dans une fournaise ardente, où elle demeura cinq jours sans éprouver de mal, après avoir, par la puissance du Christ, triomphé des serpents, elle eut la langue coupée, fut percée de flèches, et parvint ainsi au terme de son martyre.
A Rome, sur la voie Tiburtine, saint Vincent martyr.
A Amiterne, cité des Vestins, la passion de quatre-vingt-trois saints soldats.
A Merida, en Espagne, saint Victor, homme de guerre; avec ses deux frères Stercace et Antinogène, il consomma son martyre par divers supplices.
De plus, les saints martyrs Ménée et Capiton.
En Lycie, les saintes martyres Nicéta et Aquiline. Elles furent converties au Christ par la prédication du bienheureux martyr Christophe; et, décapitées, elles remportèrent la palme du martyre.
A Sens, saint Ursicin, évêque et confesseur.
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