Solennité de Notre-Dame du Très Saint Rosaire
Fête étendue à tout le rite romain en 1716, célébrée le 1er dimanche d’octobre jusqu’à la réforme de saint Pie X, fixée au 7 octobre en 1914. Mais le 1er dimanche d’octobre reste encore, dans le code des Rubriques de 1960, jour propre de la solennité externe de la fête. En action de grâces de la décisive victoire remportée à Lépante par la flotte chrétienne sur la flotte turque, le premier dimanche d’octobre 1571, le saint Pape Pie V institua une fête annuelle sous le titre de Sainte Marie de la Victoire; mais peu après, le Pape Grégoire XII changea le nom de cette fête en celui de Notre-Dame-du-Rosaire. Le Rosaire avait été institué par saint Dominique au commencement du XIIIe siècle. Quand l’hérésie albigeoise s’étendait avec impiété dans la province de Toulouse, et y poussait des racines de jour en jour plus profondes, saint Dominique, qui avait fondé récemment l’Ordre des Frères Prêcheurs, s’appliqua tout entier à la faire disparaître. Pour y arriver plus sûrement, il implora par des prières assidues le secours de la bienheureuse Vierge, dont les hérétiques attaquaient impudemment la dignité, et à laquelle il a été donné de détruire les hérésies dans l’univers entier. Dominique reçut de Marie l’avertissement de prêcher le Rosaire au peuple, comme un secours singulièrement efficace contre les hérésies et les vices ; et il est prodigieux de voir avec quelle ferveur, et aussi quel succès, il s’acquitta de la tâche qui lui avait été imposée. Or le Rosaire est une formule particulière de prière, dans laquelle on distingue quinze décades de salutations angéliques, décades séparées l’une de l’autre par l’oraison dominicale, et à chacune desquelles nous passons en revue et méditons pieusement les mystères de notre rédemption. C’est donc à partir de ce moment que, grâce à saint Dominique, cette manière de prier commença à se faire connaître et à se répandre ; et, qu’il en soit l’instituteur et l’auteur, on le trouve affirmé dans les lettres apostoliques de souverains Pontifes. Par le zèle des Papes, et aussi par les fruits abondants qu’il produisait dans l’Église, il devenait de plus en plus populaire. Au XVe siècle, le bienheureux Alain de La Roche, Dominicain, fut suscité par Marie pour raviver cette dévotion si excellente. Plus tard, dans les premières années du XVIIIe siècle, parut un homme extraordinaire appelé à bon droit le Dominique des temps modernes, et qui fut le grand propagateur, l’apôtre de la dévotion au saint Rosaire; c’est saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Depuis saint Dominique, il n’y a pas eu d’homme plus zélé que ce grand missionnaire pour l’établissement de la confrérie du Rosaire: il l’érigeait dans tous les lieux où elle ne l’était pas; c’est le moyen qu’il jugeait le plus puissant pour établir le règne de Dieu dans les âmes. Il composa lui-même une méthode de réciter le Rosaire, qui est restée la meilleure entre toutes, la plus facile à retenir, la plus instructive et la plus pieuse. L’Apôtre de l’Ouest récitait tous les jours son Rosaire en entier, suivant sa méthode, et le faisait de même réciter publiquement tous les jours dans ses missions, et il a fait un point de règle à ses disciples de suivre son exemple. Par son Rosaire quotidien, Montfort convertissait les plus grands pécheurs et les faisait persévérer dans la grâce et la ferveur de leur conversion; il pouvait dire: « Personne ne m’a résisté une fois que j’ai pu lui mettre la main au collet avec mon Rosaire! » Il avait mille industries pour propager et faire aimer le Rosaire: là, c’étaient quinze bannières représentant les quinze mystères du Rosaire; ailleurs, d’immenses Rosaires qu’on récitait en marchant, dans les églises ou autour des églises, à la manière du chemin de la Croix. Il exaltait le Rosaire dans ses cantiques; un tonnerre de voix répondait à la sienne, et tous les échos répétaient, de colline en colline, les gloires de cette dévotion bénie. Son oeuvre a continué après lui; c’est le Rosaire à la main que la Vendée, en 1793, a défendu ses foyers et ses autels; c’est aussi le Rosaire ou le chapelet à la main que les populations chrétiennes paraissent dans toutes les cérémonies religieuses.
Dix-huitième dimanche après la Pentecôte – « La guérison du paralytique.»
Le paralytique portant son lit forme le sujet de l’Évangile du jour, et donne son nom au dix-huitième Dimanche après la Pentecôte. On a pu remarquer que le rang d’inscription de ce Dimanche le place, au Missel, à la suite des Quatre-Temps d’automne. Nous ne discuterons pas, avec les liturgistes du moyen âge, la question de savoir s’il doit être considéré comme ayant pris la place du Dimanche vacant qui suivait toujours autrefois l’Ordination des ministres sacrés, en la manière que nous avons dite ailleurs. De très anciens manuscrits, Sacramentaires et Lectionnaires, l’appellent de ce nom, sous la formule bien connue : Dominica vacat. Il n’est pas non plus sans intérêt d’observer que la Messe de ce jour est la seule où soit interverti l’ordre des lectures tirées de saint Paul et formant le sujet des Épîtres, depuis le sixième Dimanche après la Pentecôte : la lettre aux Éphésiens, déjà en cours de lecture et qui sera continuée, s’interrompt aujourd’hui pour donner place au passage de la première Épître aux Corinthiens, dans lequel l’Apôtre rend grâces à Dieu de l’abondance des dons gratuits accordés à l’Église en Jésus-Christ. Or, les pouvoirs conférés par l’imposition des mains aux ministres de l’Église sont le don le plus merveilleux que connaissent la terre et le ciel même ; et d’un autre côté, les autres parties de cette Messe se rapportent très bien aussi, comme on le verra, aux prérogatives du sacerdoce nouveau. La liturgie du présent Dimanche offre donc un intérêt spécial, quand il se rencontre au lendemain des Quatre-Temps de septembre. Mais cette rencontre est loin d’être régulière, aujourd’hui du moins ; nous ne saurions nous arrêter davantage sur ces considérations, sans entrer trop exclusivement dans le domaine de l’archéologie et dépasser les bornes qui nous sont imposées. A LA MESSE. L’introït des Messes dominicales, depuis la Pentecôte, avait toujours été tiré des Psaumes. Parcourant le Psautier du XIIème au XVIIIème, l’Église, sans jamais revenir en arrière sur l’ordre d’inscription de ces chants sacrés, avait pu néanmoins choisir en eux l’expression qui convenait davantage aux sentiments qu’elle voulait formuler dans sa Liturgie. Désormais, sauf une fois encore où le livre par excellence de la louange divine sera de nouveau mis à contribution pour cet objet, c’est à divers autres livres de l’Ancien Testament que les Antiennes d’Introït seront empruntées. Aujourd’hui, Jésus fils de Sirach, l’auteur inspiré de l’Ecclésiastique, demande à Dieu de vérifier, par l’accomplissement de ce qu’ils ont annoncé, la fidélité des prophètes du Seigneur. Les interprètes des oracles divins sont maintenant les pasteurs, que l’Église envoie prêcher en son nom la parole du salut et de la paix ; demandons, nous aussi, que jamais la parole ne soit vaine en leur bouche. Le plus sûr moyen d’obtenir la grâce est toujours l’humble aveu de notre impuissance à plaire par nous-mêmes au Seigneur. L’Église continue de nous en donner d’admirables formules dans ses Collectes. ÉPÎTRE. Le dernier avènement du Fils de Dieu n’est plus éloigné. L’approche du dénouement qui doit donner la pleine possession de l’Époux à l’Église redouble ses espérances ; mais le jugement final, qui doit consommer en même temps la réprobation d’un grand nombre de ses fils, joint chez elle la crainte au désir, et ces deux sentiments vont se faire jour plus souvent désormais dans la sainte Liturgie. L’attente sans doute n’a point cessé d’être pour l’Église comme le fonds même de son existence. Séparée de l’Époux quant à la vision de ses charmes divins, elle n’eût fait depuis sa naissance que soupirer dans la vallée de l’exil, si l’amour qui la pousse ne l’eût pressée de se dépenser, sans retour sur elle-même, pour celui à qui allait tout son cœur. Sans compter donc, elle s’est donnée par le travail, la souffrance, la prière et les larmes. Mais son dévouement, tout généreux qu’il fût, ne lui a point fait oublier l’espérance. Un amour sans désir n’est point la vertu de l’Église ; elle le condamne, dans ses fils, comme une injure à l’Époux. Si légitimes et si véhémentes à la fois étaient dès l’origine ses aspirations, que l’éternelle Sagesse voulut ménager l’Épouse, en lui cachant la durée de l’exil. L’heure de son retour est le seul point sur lequel Jésus, interrogé par les Apôtres, ait refusé de renseigner son Église. Un tel secret entrait dans les vues générales du gouvernement divin sur le monde ; mais c’était aussi, de la part de l’Homme-Dieu, compassion et tendresse : l’épreuve eût été trop cruelle ; et mieux valait laisser l’Église à la pensée, véritable d’ailleurs, de la proximité de la fin devant Dieu, pour qui mille ans sont comme un jour. C’est ce qui nous explique la complaisance avec laquelle les Apôtres, interprètes des aspirations de la sainte Église, reviennent sans cesse, dans leurs paroles, sur l’affirmation de l’avènement prochain du Seigneur. Le chrétien, saint Paul vient de nous le dire jusqu’à deux fois en une même phrase, est celui qui attend la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ au jour qu’il viendra. Appliquant au second avènement, dans sa lettre aux Hébreux, les soupirs enflammés des Prophètes aspirant au premier : Encore un peu, un très peu de temps, dit-il, et celui qui doit venir viendra, et il ne tardera point. C’est qu’en effet, sous la nouvelle comme dans l’ancienne alliance, l’Homme-Dieu s’appelle, en raison de sa manifestation finale attendue, celui qui vient, celui qui doit venir. Le cri qui terminera l’histoire du monde sera l’annonce de son arrivée : Voici l’époux qui vient ! « Ceignant donc spirituellement vos reins, dit saint Pierre à son tour, pensez à la gloire du jour où se révélera le Seigneur ; attendez-le, espérez-le d’une parfaite espérance. » Le Vicaire de l’Homme-Dieu prévoyait cependant le parti que les docteurs de mensonge allaient tirer d’une attente si longtemps prolongée. « Où donc est la promesse ? Devaient-ils dire ; à quand son arrivée ? Nos pères se sont endormis du grand sommeil, et toutes choses demeurent comme au commencement ». Or le chef du collège apostolique reprenait par avance, contre eux, la réponse que Paul son frère avait déjà faite : « Ce n’est point, comme quelques-uns pensent, que le Seigneur retarde sa promesse ; mais il agit ainsi dans sa patience, à cause de vous, ne voulant pas, s’il était possible, qu’aucun pérît, mais que tous revinssent à lui par la pénitence. Le jour du Seigneur n’en arrivera pas moins comme un voleur, et alors, dans une effroyable tempête, les cieux passeront, les éléments se dissoudront embrasés, la terre et ses ouvrages seront consumés. Puis donc que tout cela doit périr, quels ne devez-vous pas être par la sainteté de votre vie et vos œuvres pieuses, attendant, hâtant de vos désirs l’arrivée de ce jour du Seigneur où le feu dissoudra les éléments et les cieux ? Car nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre où habite la justice. C’est pourquoi, mes bien-aimés, faites en sorte que le Seigneur, quand il viendra, vous trouve dans la paix, sans reproche et sans tache… Instruits ainsi de toutes choses à l’avance, veillez sur vous, de peur que, vous laissant emporter aux égarements des insensés, vous ne tombiez de l’état si ferme qui est aujourd’hui le vôtre. » Si, en effet, le péril doit être grand dans ces derniers jours où les vertus des cieux seront ébranlées, le Seigneur, ainsi que le dit notre Épître, a pris soin de confirmer en nous son témoignage, d’affermir notre foi par les multiples manifestations de sa puissance. Et comme pour vérifier cette autre parole de la même Épître, qu’il confirmera de la sorte jusqu’à la fin ceux qui croient en lui, ses prodiges redoublent en nos temps précurseurs de la fin. Partout le miracle s’affirme à la face du monde ; les mille voix de la publicité moderne en portent les échos jusqu’aux extrémités de la terre. Au nom de Jésus, au nom de ses Saints, au nom surtout de sa Mère immaculée qui prépare le dernier triomphe de l’Église, les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent, les maux du corps et de l’âme perdent soudain leur empire. La manifestation de la puissance surnaturelle est devenue si intense, que les services publics, hostiles ou non, doivent en tenir compte ; le tracé des voies ferrées elles-mêmes se plie à la nécessité de porter les peuples aux lieux bénis où Marie s’est montrée. La terre catholique n’est point la seule où éclate le divin pouvoir. Naguère encore, au cœur de l’infidélité musulmane, n’a-t-on pas vu la ville des sultans tressaillir au bruit des merveilles accomplies par la Reine du ciel en ses murs ? L’eau de sa fontaine miraculeuse a pénétré jusqu’en cette cité de la Mecque ouest fixé le tombeau du fondateur de l’Islam, et dans laquelle jadis un chrétien ne pouvait entrer sans mourir. L’impie a beau dire en son cœur : Il n’y a point de Dieu ! S’il n’entend pas le témoignage divin, c’est que la corruption ou l’orgueil prévaut chez lui sur l’intelligence, comme autrefois sur l’intelligence des ennemis de Jésus durant les jours de sa vie mortelle. Pareil est-il à l’aspic du Psaume, qui se rend sourd ; il se bouche les oreilles, pour ne point ouïr la voix de l’enchanteur divin qui veut nous sauver. Sa conduite n’est que rage et folie ; il aura bien mérité la vengeance. Ne l’imitons point ; mais, avec l’Apôtre, remercions Dieu pour la profusion miséricordieuse dont il fait preuve envers nous. Jamais ses dons gratuits ne furent plus nécessaires qu’en nos temps misérables. Il ne s’agit plus sans doute, chez nous, de promulguer l’Évangile ; mais les efforts de l’enfer sont devenus tels contre lui, qu’il ne faut rien moins, pour le soutenir, qu’un déploiement de la vertu d’en haut pareil, en quelque chose, à celui dont l’histoire des origines de l’Église nous retrace le tableau. Demandons au Seigneur des hommes puissants en paroles et en œuvres. Obtenons que l’imposition des mains produise plus que jamais, dans les élus du sacerdoce, son plein résultat ; qu’elle les fasse riches en toutes choses, et spécialement dans la parole et dans la science. Que nos jours, où tout s’éteint, voient du moins la lumière du salut briller vive et pure par les soins des guides du troupeau du Christ. Puissent les compromis et les lâchetés de générations où tout s’étiole et s’amoindrit, ne jamais amener ces nouveaux christs à décroître eux-mêmes, ni à laisser tronquer en leurs mains la mesure de l’homme parfait qui leur fut confiée pour l’appliquer, jusqu’à la fin, atout chrétien soucieux d’observer l’Évangile ! Puisse leur voix, en dépit des vaines menaces, et dominant toujours le tumulte des passions déchaînées, retentir partout aussi ferme et vibrante qu’il convient à l’écho du Verbe ! L’Église reprend au Graduel le Verset de l’Introït, pour chanter encore la joie du peuple chrétien à l’annonce de son entrée prochaine dans la maison du Seigneur. Cette maison est le ciel où nous entrerons, au dernier jour, à la suite de Jésus triomphant ; c’est aussi le temple où s’offre ici-bas le Sacrifice, et dans lequel nous introduisent les représentants de l’Homme-Dieu, dépositaires de son sacerdoce. ÉVANGILE. Au XIIe siècle, dans plusieurs Églises d’Occident, on lisait aujourd’hui, comme Évangile, le passage du livre sacré où Jésus parle des Scribes et des Pharisiens assis sur la chaire de Moïse. L’Abbé Rupert, qui nous fait connaître cette particularité dans son livre Des divins Offices, rapproche heureusement cet ancien Évangile et l’Antienne de l’Offertoire toujours en usage, où il est aussi question de Moïse. « L’Office de ce Dimanche, dit-il, montre éloquemment à celui qui préside dans la maison du Seigneur et qui a reçu la charge des âmes, la manière dont il doit se comporter dans le rang supérieur où l’a placé la vocation divine. Qu’il ne ressemble pas à ces hommes assis indignement sur la chaire de Moïse ; mais qu’il soit comme Moïse lui-même, lequel présente dans l’Offertoire et ses Versets un beau modèle aux chefs de l’Église. Les pasteurs des âmes ne doivent pas ignorer, en effet, pour quelle cause ils occupent un lieu plus élevé : à savoir, non tant pour gouverner que pour servir. » L’Homme-Dieu disait des docteurs juifs : Ce qu’ils disent, faites-le ; ce qu’ils font, gardez-vous de le faire ; car ils disent bien ce qu’il faut faire, mais ne font rien de ce qu’ils disent. A l’encontre de ces indignes dépositaires de la Loi, ceux qui sont assis dans la chaire de la doctrine « doivent enseigner et agir conformément à leur enseignement, dit Rupert ; ou plutôt, qu’ils fassent d’abord ce qu’il convient de faire, afin de l’enseigner ensuite avec autorité ; qu’ils ne recherchent pas les honneurs et les titres, mais tendent à cet unique but de porter sur eux-mêmes les péchés du peuple, et de parvenir à détourner de ceux qui leur sont soumis la colère de Dieu, comme fit Moïse, ainsi que le dit l’Offertoire. » L’Évangile des Scribes et des Pharisiens établis sur la chaire de Moïse a été réservé, depuis, pour le mardi de la deuxième semaine de Carême. Mais celui qui est maintenant partout en usage, n’éloigne point nos pensées de la considération des pouvoirs suréminents du sacerdoce, qui sont le bien commun de l’humanité régénérée. Les fidèles dont l’attention, en ce jour, était autrefois attirée sur le droit d’enseigner confié aux pasteurs, méditent maintenant sur la prérogative qu’ont ces mêmes hommes de pardonner les péchés et de guérir les âmes. De même qu’une conduite en contradiction avec leur enseignement n’enlèverait rien à l’autorité de la chaire sacrée, d’où ils dispensent pour l’Église et en son nom le pain de la doctrine à ses fils, l’indignité de leur âme sacerdotale ne diminuerait pas non plus, dans leurs mains, la puissance des clefs augustes qui ouvrent le ciel et ferment l’enfer. Car, c’est le Fils de l’homme, c’est Jésus qui par eux, indignes ou non, relève de leurs fautes les hommes ses frères et ses créatures, dont il a pris sur lui les misères et racheté les crimes dans son sang. L’épisode de la guérison du paralytique, qui fut pour Jésus l’occasion d’affirmer son pouvoir de remettre les péchés en tant que fils de l’homme, a toujours été particulièrement cher à l’Église. Outre le récit que nous en fait aujourd’hui saint Matthieu, elle a placé la narration qu’en donne aussi saint Luc au vendredi des Quatre-Temps de la Pentecôte. Les fresques des catacombes, parvenues jusqu’à nous, attestent encore la prédilection qu’elle inspira pour ce sujet aux artistes chrétiens du premier âge. C’est qu’en effet, dès l’origine du christianisme, on vit l’hérésie dénier à l’Église le pouvoir de pardonner au nom de Dieu, qu’elle tient de son divin Chef ; c’était condamner irrémissiblement à la mort un nombre incalculable de chrétiens, malheureusement tombés après leur baptême, et que guérit le sacrement de Pénitence. Or quel trésor une mère peut-elle défendre avec plus d’énergie, que le remède auquel la vie de ses enfants est attachée ? L’Église donc frappa de ses anathèmes et chassa de son sein ces Pharisiens de la loi nouvelle, qui, comme leurs pères du judaïsme, méconnaissaient la miséricorde infinie et l’étendue du grand mystère de la Rédemption. Elle-même, comme Jésus sous les yeux des scribes ses contradicteurs, avait produit, en garantie de ses affirmations, un miracle visible à la face des sectaires, sans arriver plus que l’Homme-Dieu à les convaincre de la réalité du miracle de grâce opéré invisiblement par ses paroles de rémission et de pardon. La guérison extérieure du paralytique fut tout ensemble, en effet, l’image et la preuve de la guérison de son âme réduite auparavant à l’impuissance ; mais lui-même représentait un bien autre malade : le genre humain, gisant immobile en son péché depuis des siècles. L’Homme-Dieu avait déjà quitté la terre, quand la foi des Apôtres opéra ce premier prodige de transporter aux pieds de l’Église le monde vieilli dans son infirmité. L’Église donc, voyant le genre humain docile à l’impulsion des messagers du ciel et partageant déjà leur foi, avait retrouvé pour lui dans son cœur de mère la parole de l’Époux : Mon fils, aie confiance, tes péchés sont remis. Soudain, aux yeux étonnés de la philosophie sceptique, et confondant la rage de l’enfer, le monde s’était levé ostensiblement de sa couche ignominieuse ; montrant bien que ses forces lui étaient rendues, on l’avait vu charger sur ses épaules, par le travail de la pénitence et de la répression des passions, le lit de ses langueurs et de son impuissance, où l’avaient retenu si longtemps l’orgueil, la chair et la cupidité. Depuis lors, fidèle à la parole du Seigneur qui lui a été répétée par l’Église, il est en marche pour retourner dans sa maison, le paradis, où l’attendent les joies fécondes de l’éternité ! Et la multitude des cohortes angéliques, voyant sur la terre un pareil spectacle de rénovation et de sainteté, est saisie de stupeur, et elle glorifie Dieu qui a donné aux hommes une telle puissance. Nous aussi, rendons grâces à l’Époux dont la dot merveilleuse, qui est son sang versé pour l’Épouse, suffit jusqu’à la fin à solder les droits de la justice éternelle. Dans les jours de la Pâque, nous avons contemplé l’Homme-Dieu établissant le sacrement précieux qui rend ainsi, en un instant, vie et forces au pécheur. Mais combien sa vertu n’apparaît-elle pas plus merveilleuse encore, en nos temps d’affaissement et de ruine universelle ! L’iniquité abonde, les crimes se multiplient ; et toujours la piscine réparatrice, alimentée par les flots qui s’échappent du côté de Jésus entr’ouvert, absorbe et dissout, quand on le veut, sans laisser trace aucune, ces montagnes de péchés, ces hideux trésors de l’enfer entassés durant toute une vie par la complicité du démon, du monde et de l’homme même ! L’Offertoire rappelle l’autel figuratif dressé par Moïse pour recevoir les oblations de la loi d’attente, qui annonçaient le grand Sacrifice préparé en ce moment sous nos yeux. Nous donnons, à la suite de l’Antienne, les Versets autrefois en usage. Moïse y apparaît véritablement comme le type de ces prophètes fidèles que nous saluions dans l’Introït, comme le modèle de ces vrais chefs du peuple de Dieu qui se dévouent pour obtenir à ceux qu’ils conduisent la miséricorde et la paix. Dieu lutte avec eux, et se laisse vaincre ; en retour de leur fidélité, il les admet aux plus inRup. ubi supra.times manifestations de sa lumière et de son amour. Le premier Verset nous montre le Prêtre dans sa vie publique d’intercession et de dévouement pour les autres ; le second nous révèle sa vie privée, dont la contemplation est l’aliment. On ne s’étonnera pas de la longueur de ces Versets ; leur exécution par le chœur des chantres dépasserait de beaucoup aujourd’hui le temps de l’offrande de l’hostie et du calice ; mais il faut se souvenir qu’autrefois toute l’assemblée prenait part à l’oblation du pain et du vin nécessaires au Sacrifice. De même les quelques lignes auxquelles se réduit maintenant la Communion, n’étaient que l’Antienne d’un psaume désigné pour chaque jour dans les anciens Antiphonaires : c’était celui-là même d’où cette Antienne était tirée, à moins qu’étant prise de quelque autre livre de l’Écriture, on ne revînt alors au psaume d’Introït ; on chantait ce psaume en reprenant l’Antienne après chacun des Versets, tout le temps que durait la participation commune au banquet sacré. Moïse consacra un autel au Seigneur, offrant sur lui des holocaustes et immolant des victimes ; il accomplit le sacrifice du soir, odeur très suave pour le Seigneur Dieu, en présence des fils d’Israël. La sublime éloquence de la Secrète dépasse tout commentaire. Pénétrons-nous de la grandeur des enseignements si admirablement résumés en quelques mots ; comprenons que notre vie et nos mœurs ne doivent être rien moins que divines, pour répondre aux mystères qui sont révélés à notre intelligence et s’incorporent à nous dans le commerce auguste du Sacrifice. L’Antienne de la Communion s’adresse aux Prêtres, et en même temps à nous tous ; car si le Prêtre offre la victime sainte entre toutes, nous ne devons-nous présenter avec lui dans les parvis du Seigneur qu’en apportant, pour la joindre à la divine hostie, cette autre victime qui est nous-mêmes, selon la parole du Seigneur : Vous n’apparaîtrez point devant moi les mains vides. En rendant grâces dans la Postcommunion pour le don sans prix des Mystères, obtenons du Seigneur qu’il achève de nous en rendre dignes.
Sanctoral
Saint Remi, Évêque et Confesseur
La naissance de saint Rémi fut prédite à ses parents déjà avancés en âge par un vieux moine aveugle. Les talents et les vertus de Rémi le firent consacrer archevêque de Reims, à l’âge de vingt-deux ans; sa consécration fut marquée par un prodige: le front de Rémi parut brillant de lumière et fut embaumé d’un parfum tout céleste. Il montra dès l’abord toutes les vertus des grands pontifes. Les miracles relevèrent encore l’éclat de sa sainteté: pendant ses repas, les oiseaux venaient prendre du pain dans ses mains; il guérit un aveugle possédé du démon; il remplit de vin, par le signe de la Croix, un vase presque vide; il éteignit, par sa seule présence, un terrible incendie; il délivra du démon une jeune fille que saint Benoît n’avait pu délivrer. L’histoire de sainte Clotilde nous apprend comment Clovis se tourna vers le Dieu des chrétiens, à la bataille de Tolbiac, et remporta la victoire. Ce fut saint Rémi qui acheva d’instruire le prince. Comme il lui racontait, d’une manière touchante, la Passion du Sauveur: « Ah! s’écria le guerrier, que n’étais-je là avec mes Francs pour Le délivrer! » La nuit avant le baptême, saint Rémi alla chercher le roi, la reine et leur suite dans le palais, et les conduisit à l’église, où il leur fit un éloquent discours sur la vanité des faux dieux et les grands mystères de la religion chrétienne. Alors l’église se remplit d’une lumière et d’une odeur célestes, et l’on entendit une voix qui disait: « La paix soit avec vous! » Le Saint prédit à Clovis et à Clotilde les grandeurs futures des rois de France, s’ils restaient fidèles à Dieu et à l’Église. Quand fut venu le moment du baptême, il dit au roi: « Courbe la tête, fier Sicambre; adore ce que tu as brûlé, et brûle ce que tu as adoré. » Au moment de faire l’onction du Saint Chrême, le pontife, s’apercevant que l’huile manquait, leva les yeux au Ciel et pria Dieu d’y pourvoir. Tout à coup, on aperçut une blanche colombe descendre d’en haut, portant une fiole pleine d’un baume miraculeux; le saint prélat la prit, et fit l’onction sur le front du prince. Cette fiole, appelée dans l’histoire la sainte Ampoule, exista jusqu’en 1793, époque où elle fut brisée par les révolutionnaires. Outre l’onction du baptême, saint Rémi avait conféré au roi Clovis l’onction royale. Deux soeurs du roi, trois mille seigneurs, une foule de soldats, de femmes et d’enfants furent baptisés le même jour. Saint Rémi devint aveugle dans sa vieillesse. Ayant recouvré la vue par miracle, il célébra une dernière fois le Saint Sacrifice et s’éteignit, âgé de quatre-vingt-seize ans.
Bienheureux Nicolas de Forca Palena, prêtre de l’Ordre des Ermites de Saint-Jérôme, Religieux du Troisième Ordre Régulier Franciscain [vivant en communauté sous une Règle]
Nicolas a passé les jours de sa jeunesse dans la pratique de la prière et de la pénitence. Après être entré dans le Tiers-Ordre et être devenu prêtre, il a travaillé pendant un certain temps dans sa ville natale d’une manière des plus exemplaires. Puis il céda finalement au fort attrait qu’il éprouvait pour une vie de solitude et, avec plusieurs compagnons partageant les mêmes idées, il se rendit dans un ermitage, d’abord à Rome, puis à Naples, puis de nouveau à Rome. Nicolas avait devant lui l’éternité pour objectif. C’est pourquoi il a quitté le monde, afin de pouvoir, dans une retraite tranquille, se préparer à une glorieuse résurrection du tombeau et à une éternité bénie. Le bienheureux Nicolas de Forca savait que le monde passe et sa concupiscence avec. Mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement. Certains secouaient la tête devant la vie qu’il menait, mais il avait en fait choisi la meilleure partie. Lorsque le pape Eugène IV entendit parler de sa sainteté, il lui confia la direction de plusieurs couvents de Florence. Mais avec le temps, Nicolas retourna de nouveau à Rome, où il fonda un couvent et une église sur le Janicule en l’honneur de saint Onuphrius. Dieu Tout-Puissant a attesté la sainteté de son fidèle serviteur par des signes et des prodiges. Lorsque Nicolas eut cent ans, il fut appelé à sa récompense éternelle. L’année de sa mort était l’année 1449. Le pape Clément XIV approuva la vénération qui lui était portée en le déclarant Bienheureux le 27 août 1771. Sa fête est célébrée le premier octobre par les franciscains et les réguliers du Tiers Ordre. Prière de l’Église : « O Seigneur, qui montrez aux rebelles la lumière de votre vérité, afin qu’ils reviennent au chemin de la justice, donnez à tous les confesseurs de votre nom la grâce de mépriser tout ce qui déplaît à ce nom et de lutter pour ceux-là. des choses qui lui sont agréables. Par le Christ Notre Seigneur. Amen. »
Martyrologe
Saint Remi, évêque de Reims et confesseur, qui s’endormit dans le Seigneur le jour des ides de janvier (13 janvier), mais dont la fête principale a lieu en ce jour en raison de la translation de son corps.
A Rome, le bienheureux Arétas et cinq cent quatre autres martyrs.
A Tournai, dans les Gaules (auj. en Belgique), saint Piat, prêtre et martyr. Pour prêcher l’évangile, il vint de Rome en Gaule, avec saint Quentin et ses compagnons; dans la suite, pendant la persécution de Maximien, il consomma son martyre et s’en alla vers le Seigneur.
A Tomi, dans le Pont, les saints martyrs Prisque, Orescent et Evagre.
A Lisbonne, en Lusitanie (auj. le Portugal), les saints martyrs Vérissime et ses sœurs Maxime et Julie, qui souffrirent durant la persécution de l’empereur Dioclétien.
A Thessalonique, saint Domnin martyr, sous l’empereur Maximien.
A Orvieto, saint Sévère, prêtre et confesseur.
Au port de Gand, saint Bayon confesseur.
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