Huitième Dimanche après la Pentecôte

Huitième Dimanche après la Pentecôte – « Enfants de lumière.»

Ce Dimanche était appelé, au moyen âge, le sixième et dernier dimanche après le Natal des Apôtres ou la fête de saint Pierre, dans les années où Pâques atteignait son dernier terme en avril. Il n’était au contraire que le premier de la série dominicale ainsi dénommée, lorsque Pâques suivait immédiatement l’équinoxe du printemps.

L’Introït rappelle la gloire de l’ancien temple et de la montagne sainte. Mais plus grande encore est la majesté de l’Église qui porte, en ce moment, le Nom et la louange du Très-Haut jusqu’aux extrémités de la terre, mieux que ne l’avait jamais fait ce temple qui était sa figure. Non seulement nous sommes par nous-mêmes incapables de toute bonne œuvre, mais la pensée même du bien surnaturel ne peut se produire en nous sans le secours de la grâce. Or le plus sûr moyen d’obtenir un secours si nécessaire, est de reconnaître humblement devant Dieu le besoin absolu que nous en avons, comme le fait l’Église dans la Collecte.

ÉPÎTRE. Le Docteur des nations continue de former à la vie chrétienne les nouvelles recrues que sa voix puissante et celle de ses collègues dans l’apostolat, dispersés par le monde, amène chaque jour plus nombreuses aux fontaines du salut. Bien que se maintenant attentive aux événements qui se précipitent dans la Judée, l’Église, en effet, n’en réserve pas moins toujours ses sollicitudes les plus maternelles pour le grand œuvre de l’éducation des enfants qu’elle engendre à l’Époux. C’est ainsi que, pendant qu’Israël suit jusqu’au bout la voie fatale du reniement, une autre famille se forme et grandit qui prend sa place devant Dieu, et dédommage le Seigneur, par sa docilité, des amertumes dont l’abreuvèrent ses premiers fils. Les prétentions jalouses du peuple ancien, ces contradictions dont le Christ se plaint dans le Psaume, n’ont point pris fin encore, et déjà l’Homme-Dieu, grâce à l’Église, est devenu la tête des nations. Rien n’égale la fécondité de l’Épouse, sinon la puissance de sanctification qu’elle déploie, au milieu d’éléments si divers, pour présenter dès les premiers jours à son Seigneur et roi un empire affermi dans l’unité de l’amour, une génération toute céleste et toute pure dans l’intelligence et la pratique parfaite des vertus. Assurément l’Esprit sanctificateur agit lui-même directement sur les âmes des nouveaux baptisés ; néanmoins, ineffable harmonie du plan divin ! Depuis que le Verbe s’est fait chair et qu’il s’est associé dans l’œuvre du salut des hommes une Épouse toujours visible ici-bas, l’opération invisible de l’Esprit qui procède du Verbe n’arrive point à son terme normal sans la coopération et l’intervention extérieure de cette Épouse de l’Homme-Dieu. Non seulement l’Église est la dépositaire des formules toutes-puissantes et des rites mystérieux qui font du cœur de l’homme une terre renouvelée, dégagée des ronces et prête à fructifier au centuple ; c’est elle encore qui, sous les mille formes de son enseignement, distribue la semence dans les sillons du Père de famille. S’il revient à l’Esprit une admirable part dans cette fécondité et cette vie sociale de l’Église, son rôle près des élus considérés individuellement consiste surtout à faire valoir en eux les énergies divines des sacrements qu’elle confère, et à développer les germes de salut que sa parole dépose en leurs âmes. Aussi sera-ce, dans tous les siècles, une mission importante et sublime que celle de ces hommes, chefs des églises particulières, docteurs privés ou directeurs des âmes, qui représenteront, près des fidèles isoles, la Mère commune ; ils fourniront véritablement pour elle à l’Esprit divin les éléments sur lesquels doit porter son action toute-puissante. Mais aussi, malheur au temps dans lequel les dispensateurs de la parole sainte ne laisseraient plus tomber sur les âmes, avec des principes diminués ou faussés, qu’une semence atrophiée ! L’Esprit n’est point tenu de suppléer par lui-même à leur insuffisance ; et il ne le fera pas d’ordinaire, respectueux qu’il est de l’ordre établi par l’Homme-Dieu pour la sanctification des membres de son Église. La Mère commune vient d’ailleurs magnifiquement à l’aide de ces délaissés dans sa Liturgie, qui renferme toujours, soutenues de la force même du Sacrifice et vivifiées par les grâces du Sacrement d’amour, la règle très sûre des mœurs et les plus sublimes leçons des vertus. Mais pour cela faut-il encore que ces pauvres âmes, trop habituées souvent à regarder comme la voie royale de la perfection la vie chétive qu’elles se sont faite, comprennent quelle place il convient de laisser au pain sans force et à l’eau appauvrie dont elles se nourrissent, en présence des intarissables et authentiques trésors du sein maternel. « O vous tous qui avez soif, dirait le prophète, venez donc à la source vive. Pourquoi dépenser vos richesses à ce qui ne peut vous nourrir, et vos sueurs à ce qui ne peut vous rassasier ? Bien plutôt, sans argent ni dépense, sans échange d’aucune sorte, achetez et mangez, abreuvez-vous de vin et de lait : en m’écoutant, nourrissez-vous de la bonne nourriture, et que votre âme se délecte et s’engraisse ». S’il est une remarque, en effet, qui doive attirer l’attention non moins que la reconnaissance du chrétien en quête de lumières au sujet de la voie qui conduit au ciel, c’est bien assurément que l’Église ait pris soin de choisir elle-même, au milieu du trésor des Écritures, et de rassembler dans le plus usuel de tous les livres les passages pratiques qu’elle sait mieux que personne sans doute convenir à ses fils. A cette école de la sainte Liturgie, de son livre de Messe, le fidèle humblement et pieusement attentif ne sera point exposé à voir s’affaiblir ou vaciller jamais la lumière. « C’est ici le chemin, lui dira son guide avec autorité ; prenez-le sans crainte, et ne vous écartez ni à droite, ni à gauche ». L’Église, faut-il s’en étonner ? l’emportera toujours, dans la conduite des âmes, sur les plus profonds des docteurs et les plus saints mêmes de ses fils. Qu’on réunisse les quelques lignes empruntées comme Épîtres, dans ces trois derniers dimanches, à la lettre de saint Paul aux Romains ; et qu’on dise si, indépendamment de leur infaillible vérité garantie par l’Esprit-Saint lui-même, il est possible de trouver ailleurs une aussi admirable exposition des bases de la morale révélée. La clarté, la simplicité d’expression, la véhémence chaleureuse de l’exhortation apostolique, le disputent, dans ce peu de paroles, à l’ampleur de la doctrine et à la portée des considérations que l’on y voit empruntées aux plus sublimes aspects du dogme chrétien. Jésus-Christ, fondement du salut, sa mort et son glorieux tombeau devenus dans le baptême le point de départ de l’homme régénéré, sa vie en Dieu modèle de la nôtre ; la honte passée de nos corps asservis, la fécondité sanctifiante des vertus remplaçant dans nos membres la désastreuse germination des vices ; aujourd’hui enfin les droits de l’esprit sur la chair, et ses devoirs contre elle s’il tient à garder sa juste prééminence, si l’homme veut maintenir la liberté qu’il a recouvrée par la grâce de l’Esprit d’amour et se montrer, comme il l’est en toute vérité, le fils de Dieu, le cohéritier du Christ : telles sont les splendides réalités illuminant pour nous désormais de leurs célestes rayons la loi de la vie dont on vit par L’Esprit-Saint dans le Christ Jésus ; tels se produisent, en face du monde, les axiomes de la science du salut qui doit remplacer à la fois les impuissances de la loi juive et la stérile morale de la philosophie. Car c’est une vérité qu’il convient de retenir aussi, comme étant l’idée-mère de toute cette sublime épître aux Romains : l’impuissance, la stérilité pour la justice complète et le bien absolu, sont la part trop certaine de l’humanité non relevée par la grâce. L’expérience l’a prouvé, saint Paul le déclare, les Pères bientôt l’affirmeront unanimement, et l’Église le définira dans ses conciles. L’homme peut arriver, il est vrai, par les seules forces de sa nature tombée, à la possession de certaines vérités et à la pratique de quelque bien ; mais il ne parviendra jamais, sans la grâce, à connaître et moins encore à observer les préceptes de la loi simplement naturelle dans leur ensemble. De Jésus donc, de Jésus seul vient toute justice. Non seulement la justice surnaturelle, qui suppose l’infusion de la grâce sanctifiante dans l’âme du pécheur, est de lui tout entière ; mais encore cette justice naturelle dont les hommes se parent si volontiers, et qu’ils prétendent leur tenir lieu de tout le reste, échappe à quiconque n’adhère point au Christ par la foi et l’amour. Que les adeptes de l’indépendance de l’esprit humain exaltent leur morale et vantent leurs vertus ; nous chrétiens, nous ne savons qu’une chose que nous tenons de notre mère l’Église : l’honnête homme, c’est-à-dire l’homme véritablement en règle avec tous les devoirs que lui impose sa nature, ne se trouve point ici-bas sans le secours très spécial de l’Homme-Dieu rédempteur et sauveur. Avec saint Paul, soyons donc fiers de l’Évangile ; car il est bien la vertu de Dieu, non seulement pour sauver l’homme et justifier l’impie, mais encore pour donner la justice agissante et parfaite aux âmes avides de droiture. Le juste vit de la foi, dit l’Apôtre, et sa justice croît avec elle ; sans la foi en Jésus, la prétention d’arriver par soi et ses œuvres à la consommation de tout bien n’engendre que la stérilité de l’orgueil et n’attire que des maux. Les Juifs en font aujourd’hui la triste expérience. Fiers de leur loi qui leur donnait une lumière plus grande qu’aux nations, et voulant établir sur elle seule leur propre justice, ils ont méconnu celui qui était la fin de la loi, la source de toute justice véritable ; ils ont repoussé le Christ qui leur apportait, avec la délivrance du mal antérieur, la connaissance du précepte et la force de l’accomplir ; ils sont restés dans leur iniquité, ajoutant faute sur faute au péché d’origine, thésaurisant pour le jour de colère. Or voilà qu’à cette heure même s’accomplit la prédiction d’Isaïe, mettant les paroles suivantes dans la bouche des restes d’Israël que nous accompagnons aujourd’hui dans leur fuite : « Si le Seigneur des armées n’eût réservé quelques rejetons de notre race, nous aurions été comme Sodome et Gomorrhe ». « Que dirons-nous donc, s’écrie l’Apôtre ? sinon que les nations, qui ne cherchaient point la justice, ont trouvé et saisi la justice, mais la justice qui vient de la foi ; Israël au contraire, « poursuivant la loi de la justice, ne l’a point rencontrée. Pourquoi, cela ? parce qu’il n’a point voulu la tenir de la foi, et s’est conduit comme s’il pouvait l’obtenir par les œuvres. Ils ont bronché contre la pierre d’achoppement, selon qu’il est écrit : Voici que je pose en Sion une pierre d’achoppement et de scandale, et quiconque croira en celui qui est cette pierre ne sera point confondu ». Le Graduel semble exprimer les sentiments des chrétiens juifs contraints de quitter leurs villes, et priant Dieu d’être lui-même désormais leur protecteur et leur lieu de refuge. Le Verset chante de nouveau les grandeurs anciennes du Seigneur en Jérusalem et sur la montagne où fut son temple.

ÉVANGILE. Les divers termes de la parabole qui nous est proposée sont faciles à saisir, et renferment une doctrine profonde. Dieu seul est riche par nature, parce qu’à lui seul appartient en propre le domaine direct et absolu sur toutes choses : elles sont à lui, parce qu’il les a faites . Mais en envoyant son Fils dans le monde sous une forme créée, il l’a constitué par cette mission dans le temps l’héritier des ouvrages sortis de ses mains, comme il l’était déjà des trésors mêmes de la nature divine par le fait de sa génération éternelle. L’homme riche de notre Évangile, c’est donc le Seigneur Jésus portant dans son humanité unie au Verbe le titre d’hérédité universelle qui l’établit sur tous les biens, créés ou non, finis ou infinis, du Dieu très-haut. C’est à lui qu’appartiennent les cieux chantant sa gloire et fiers de former pour un temps son vêtement de lumière, l’océan qui proclame sa puissance au sein des tempêtes et abat docile à ses pieds la fureur de ses flots, la terre enfin lui présentant l’hommage de sa plénitude. L’herbe et les fleurs de la prairie, les fruits variés, la fertile beauté des champs, les oiseaux du ciel comme les poissons qui peuplent les fleuves ou parcourent les sentiers des mers, les grands troupeaux comme l’insecte ignoré, comme la bête fauve qui se dérobe dans la profondeur des forêts ou sur les montagnes : tout est sien, tout est soumis à son empire. A lui aussi appartiennent en pleine possession l’argent et l’or, et l’homme même, qui ne serait que son esclave à jamais, s’il n’avait daigné miséricordieusement le diviniser et l’appeler en part de ses biens éternels. Au lieu d’esclaves, il a voulu avoir en nous des frères ; et, retournant de ce monde à son Père devenu le nôtre par sa grâce, il nous a envoyé l’Esprit-Saint comme le témoin de la filiation divine en nos âmes, comme le gage de l’hérédité sacrée qui nous assure le ciel. Biens ineffables du siècle futur, héritage sans pareil, dont la grandeur fait tressaillir l’Homme-Dieu lui-même dans le psaume célébrant sa résurrection glorieuse ! Nous ses membres et ses cohéritiers, nous avons le droit de dire avec lui : « Le cordeau du partage est tombé pour moi sur une part merveilleuse. Splendide est en effet mon héritage ; car c’est Dieu même qui m’est échu en possession. Béni soit le Seigneur qui m’a donné de le comprendre ! » Toutefois, pour arriver à la jouissance des richesses éternelles, une épreuve nous est imposée : il faut que nous fassions valoir ici-bas le domaine visible du Christ. Notre fidélité dans la gestion de ces biens inférieurs, confiés en des proportions si variées aux soins des fils d’Adam pendant les jours de leur exil, marquera la mesure des récompenses sans fin qui nous attendent. Divine convention, ineffable accord de justice et d’amour ! de ses biens l’Homme-Dieu a fait deux parts : il nous assure la pleine propriété de la part éternelle, seule vraiment grande, seule capable de satisfaire nos aspirations infinies ; pour l’autre, qui en elle-même ne mériterait point d’attirer le regard d’êtres appelés à contempler la divine essence, il dédaigne d’y attacher nos âmes et se refuse à nous communiquer sur elle les droits d’un domaine absolu. La vraie propriété des biens du temps reste donc à lui seul ; la possession qu’il octroie des richesses de la terre d’épreuve aux futurs cohéritiers de son éternité, demeure soumise à mille restrictions durant leur vie, et révèle à la mort son caractère essentiellement précaire : elle ne suit point les hommes au-delà du tombeau. Un jour vient pour l’insensé, comme pour le sage, où l’on doit lui redemander son âme, où le riche, traduit comme le pauvre dans la nudité du jour de sa naissance en présence du seul Maître, entendra la parole : Rendez-moi compte de votre administration. La règle du jugement, à cette heure terrible, sera celle-là même que nous a révélée le Seigneur en personne, lorsqu’il disait dans les jours de sa vie mortelle : « Il sera réclamé beaucoup à qui l’on a donné beaucoup ; et il sera demandé plus à qui l’on aura confié davantage ». Malheur alors au serviteur qui s’était cru maître, à l’économe qui, méconnaissant son mandat, s’est plu à dissiper vainement des biens dont il n’était que le dispensateur ! Il comprend, à la lumière de l’éternité, l’erreur de son fol orgueil ; il pénètre l’injustice souveraine d’une vie, honnête peut-être selon le monde, mais passée tout entière sans tenir compte des intentions de celui qui lui confia ces richesses dont il était si fier. Dépossédé sans retour, il ne peut réparer ses torts par une administration plus conforme à l’avenir aux volontés du maître du monde. S’il pouvait du moins se reformer laborieusement un héritage, ou trouver assistance près de ceux qui vécurent avec lui sur terre ! Mais au-delà du temps le travail cesse ; et ses mains vides, devenues impuissantes, ne recueilleraient que la honte en s’ouvrant pour demander l’aumône, au pied du tribunal redoutable où chacun craint à bon droit de ne pouvoir se suffire à lui-même. Heureux donc si, dès ce monde, la voix des menaces divines qui retentit en mille manières parvient à réveiller sa conscience ; si, comme l’économe de notre Évangile, il profite du temps qui lui reste, et se dit avec Job : Que ferai-je, quand Dieu se lèvera pour le jugement ? Lorsqu’il m’interrogera, que lui répondrai-je ? Celui même qui doit être son juge lui indique miséricordieusement, aujourd’hui, le moyen de parer la peine qu’ont encourue ses malversations. Qu’il imite l’habileté de l’économe infidèle, et il sera loué pleinement : non seulement, comme lui, à cause de sa prudence ; mais parce qu’en disposant ainsi pour les serviteurs de Dieu des richesses mises en ses mains, loin de frustrer le Seigneur de toutes choses, il ne fait que rentrer dans ses intentions. Quel est en effet l’économe fidèle autant que prudent, établi par le Seigneur sur sa famille, sinon celui qui pourvoie les membres de cette famille, en temps opportun, de froment et d’huile ? Corporelle ou spirituelle, l’aumône nous assure des amitiés puissantes pour l’heure du grand dénuement, au jour où la terre doit manquer à notre vie défaillante ; car c’est aux pauvres qu’appartient le royaume des cieux ; si nous employons les richesses de la vie présente à abriter et soulager leur misère ici-bas, ils ne manqueront pas de nous recevoir à leur tour dans leurs maisons, qui sont les tabernacles éternels. Tel est le sens direct et obvie de la parabole qui nous est proposée. Mais si nous voulons pénétrer complètement l’intention pour laquelle l’Église choisit aujourd’hui ce passage de l’Évangile, il nous faut recourir à saint Jérôme qui s’en est fait l’interprète officiel dans l’Homélie de l’Office de la nuit. Poursuivons avec lui la lecture évangélique : Celui qui est fidèle dans les petites choses, continue le texte sacré, c’est aussi dans les grandes, et celui qui est injuste dans les petites choses le sera dans les grandes ; si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses iniques et trompeuses, qui vous confiera les biens véritables ? Or Jésus parlait ainsi, observe saint Jérôme, devant les scribes et les pharisiens qui le tournaient en dérision, voyant bien que la parabole était contre eux. L’infidèle dans les petites choses, c’est en effet le Juif jaloux, qui, dans le domaine restreint de la vie présente, refuse à ses frères l’usage des biens créés pour tous. Si donc, est-il dit à ces scribes avares, vous êtes convaincus de malversation dans la gestion de richesses fragiles et passagères, qui pourrait vous confier les vraies, les éternelles richesses de la parole divine et de l’enseignement des nations ? Demande redoutable, que le Seigneur laisse aujourd’hui en suspens sur la tête des infidèles dépositaires de la loi des figures. Mais combien, dans peu, la réponse sera terrifiante !

En attendant, l’humble troupe des élus de Juda, laissant ces endurcis à la vengeance que précipite leur démence orgueilleuse, poursuit sa route dans la confiance assurée qu’elle garde en son sein les promesses de Sion. L’Antienne de l’Offertoire célèbre sa foi et son espérance. C’est de Dieu lui-même que nous tenons les dons qu’il agrée de nos mains dans sa bonté ; les Mystères sacrés qui transforment l’oblation n’en obtiennent pas moins pour nous par sa grâce, comme le dit la Secrète, la sanctification de la vie présente et les joies de l’éternité. L’espérance que l’homme met en Dieu ne saurait le tromper ; il en a pour gage la suavité du banquet divin. L’aliment céleste a la vertu de renouveler et nos âmes et nos corps ; obtenons d’éprouver la plénitude de ses divins effets.

Saint Bonaventure, Evêque, Confesseur et Docteur, Premier Ordre capucin, quatorze juillet
Saint Bonaventure, de l’Ordre des Frères Mineurs, cardinal et évêque d’Albano, confesseur et docteur de l’église.

Sanctoral

Saint Bonaventure, Evêque, Confesseur et Docteur, Premier Ordre capucin

Bonaventure, né à Bagnorea, en Étrurie, fut arraché, dans son enfance à une maladie mortelle, par les prières du bienheureux François, à l’ordre duquel sa mère avait fait vœu de le consacrer s’il se rétablissait. Aussi, parvenu à l’adolescence, résolut-il d’entrer dans l’ordre des Frères Mineurs ; il y parvint, sous la direction d’Alexandre de Hales, à un tel degré de science que, sept ans plus tard, après avoir remporté à Paris les palmes de « Maître », il expliqua publiquement avec le plus grand succès les livres des Sentences, que, dans la suite, il illustra aussi de commentaires célèbres. Mais ce ne fut pas seulement par la profondeur de sa science, ce fut encore par la pureté de ses mœurs, l’innocence de sa vie, son humilité, sa douceur, son mépris des choses terrestres et son désir des biens célestes, qu’il excella merveilleusement : bien digne, en vérité, d’être considéré comme un modèle de perfection et d’être appelé saint par le bienheureux Thomas d’Aquin, son ami intime. En effet, celui-ci le trouvant à écrire la vie de saint François : « Laissons, dit-il, un saint travailler pour un saint. »

Embrasé du feu de l’amour divin, il était porté par un sentiment tout particulier de piété à honorer la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, qui faisait l’objet constant de sa méditation, et la Vierge Mère de Dieu, à laquelle il s’était consacré tout entier ; et cette même dévotion, il s’appliqua de toutes ses forces à l’exciter en d’autres par ses paroles et ses exemples, puis à la développer par des ouvrages et des opuscules. De sa piété provenaient la suavité de ses rapports avec le prochain, la grâce qui s’attachait à sa parole, et cette charité débordante par laquelle il s’attachait étroitement tous les cœurs. Ces vertus firent, qu’à peine âgé de trente-cinq ans, on l’élut à Rome, du commun consentement de tous, ministre général de l’Ordre, et pendant vingt-deux ans, Bonaventure s’acquitta de cette fonction avec une admirable prudence et une grande réputation de sainteté. Il prit plusieurs mesures utiles à la discipline régulière et au développement de son Ordre, qu’il défendit avec succès, en même temps que les autres Ordres mendiants, contre les calomnies de leurs détracteurs. Mandé au concile de Lyon par le bienheureux Grégoire X, et créé cardinal-évêque d’Albano, le saint déploya, dans les affaires ardues du concile, une remarquable activité. Par ses soins, les discordes schismatiques furent apaisées et les dogmes de l’Église triomphèrent.

C’est au milieu même de ces labeurs, la cinquante-troisième année de son âge, l’an du salut douze cent soixante-quatorze, que la mort l’atteignit, causant de profonds et unanimes regrets. La présence de tout le concile et celle du Pontife Romain lui-même, rehaussa ses funérailles. De nombreux et éclatants miracles l’ayant rendu célèbre, Bonaventure fut mis au nombre des saints par Sixte IV. Il a écrit beaucoup d’ouvrages, où son ardente piété, jointe à une érudition profonde, émeut le lecteur tout en l’instruisant. Aussi le pape Sixte-Quint lui a-t-il décerné à bon droit le nom de Docteur Séraphique. Son tombeau est à Lyon ; toutefois ses restes furent brûlés en 1562 par des Calvinistes fanatiques. Seule sa tête a été sauvée.

Martyrologe

Saint Bonaventure, de l’Ordre des Frères Mineurs, cardinal et évêque d’Albano, confesseur et docteur de l’église, qui le lendemain de ce jour s’en alla vers le Seigneur.

A Rome, l’anniversaire de saint Camille de Lellis, prêtre et confesseur, fondateur des Clercs Réguliers chargés du soin des malades. Célèbre par ses vertus et ses miracles, il a été inscrit au nombre des saints par le souverain pontife Benoît XIV; Léon XIII l’a proclamé patron céleste des hospitaliers et des infirmes. Sa fête se célèbre le 15 des calendes d’août (18 juillet).

A Rome encore, saint Just soldat, sous le tribun Claude. A l’apparition miraculeuse d’une croix, il crut au Christ, fut baptisé bientôt après, et donna tous ses biens aux pauvres. Arrêté par le préfet Magnétius, il fut battu à coups de nerfs de bœuf, coiffé d’un casque brillant, jeté dans un brasier; n’en ayant reçu aucune atteinte, pas même en un seul de ses cheveux, il rendit l’esprit en confessant le nom du Seigneur.

A Sinope, dans le Pont, saint Phocas martyr, évêque de cette ville. Sous l’empereur Trajan, il souffrit avec courage la prison, les chaînes, le fer et le feu pour l’amour du Christ, puis s’envola au ciel. Ses reliques furrent portées à Vienne, en France et déposées dans l’église des saints Apôtres.

A Alexandrie, saint Héraclas évêque. L’historiographe Jules l’Africain déclare s’être rendu tout exprès à Alexandrie pour le voir, en raison de sa grande renommée.

A Carthage, saint Cyr évêque, en la fête de qui saint Augustin prononça devant son peuple un discours.

A Côme, saint Félix, premier évêque de cette ville.

A Brescia, saint Optatien évêque.

A Déventer, en Gaule-Belgique (auj. la Hollande), saint Marcellin, prêtre et confesseur.

A Lima, au Pérou, saint François Solano, prêtre de l’Ordre des Frères Mineurs et confesseur. Après s’être rendu célèbre dans les Indes occidentales par sa prédication, ses miracles et ses vertus, il s’en alla vers le Seigneur. Il a été inscrit au catalogue des saints par le souverain pontife Benoît XIII.

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