Roger Kneebone, professeur d’éducation chirurgicale à l’Imperial College de Londres, déclare que les étudiants ont passé tellement de temps devant des écrans et si peu de temps à utiliser leurs mains qu’ils ont perdu la dextérité nécessaire pour couper ou recoudre les patients.  Il pense que les jeunes ont si peu d’expérience et de compétences pour se servir de leurs mains, qu’ils ont du mal à se positionner dans le concret. « C’est une question importante et de plus en plus urgente », explique le professeur Kneebone. Pour lui les étudiants en médecine ont des connaissances médicales élevées ; mais sont malhabiles. (De fait en France, la plupart des généralistes sont incapables de faire une suture). « Mes collègues scientifiques et moi-même sommes préoccupés par le fait que l’on présume que les étudiants quitteraient la faculté de médecine en étant capables de faire certaines choses pratiques. Or ce n’est plus le cas ».

Le professeur Kneebone, qui enseigne la chirurgie aux étudiants en médecine, affirme que les jeunes doivent avoir une éducation plus complète, comprenant des matières créatives et artistiques, où ils apprendront à utiliser leurs mains. Il affirme avoir constaté une diminution de la dextérité manuelle des étudiants au cours de la dernière décennie ; il y a là un problème pour les chirurgiens, qui ont besoin de savoir-faire et de connaissances  pratiques. Il tacle alors les écrans qui sont bidimensionnel. Or le moindre geste chirurgical se fait dans les trois directions de l’espace. « Les écrans enlèvent toute expérience de la manipulation de matériaux mais aussi empêchent le développement des aptitudes manuelles. Ces compétences devraient être acquises à l’école ou à la maison ; que ce soit pour couper des textiles, mesurer des ingrédients, réparer des objets brisés, apprendre le travail du bois ou tenir un outil ». Les étudiants sont devenus « moins compétents et moins confiants » quand ils se servent de leurs mains, dit-il. « Nous avons des étudiants qui ont de très bonnes notes aux examens mais manquent de connaissances générales tactiles », explique le professeur.

On sait que les jeunes Américains passent 4 heures 30 par jour devant les écrans. La tendance est de dire que les jeux vidéos donnent de l’habileté aux chirurgiens. Cela est tout à fait discutable car la plupart du temps ces jeux nécessitent l’usage d’une seule main et ou deux doigts au maximum. Par ailleurs on ne sait pas à ce jour quel sera l’impact des robots sur l’habileté des chirurgiens. Le plus connu se nomme Da Vinci. Ce matériel sophistiqué donne une réalité visuelle très augmentée. La précision des gestes est alors colossale. Ils ont à ce jour des indications très précises. Mes collègues me disent que leur usage est très chronophage. Or la démographie médicale en France est catastrophique : dans toutes les spécialités les médecins sont à la bourre ; ils sont débordés de travail. Certaines spécialités sont littéralement sinistrées comme l’ophtalmologie, la cardiologie, la dermatologie, l’anesthésiologie, la gynécologie etc. La chirurgie n’y échappe pas. Cette situation aboutit en France à une augmentation notable des erreurs médicales.

Il faut prendre les propos du professeur Kneebone avec un certain recul. La quasi-totalité des chirurgiens actuels en France ont reçu une formation traditionnelle. Mais ce professionnel qui forme les étudiants en chirurgie, pose une affirmation qui semble très importante à moyen et à long terme.

Jean-Pierre Dickès

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