Thierry Séchan, frère aîné du chanteur Renaud, a été retrouvé mort à son domicile parisien ce 9 janvier 2019. Rappelons que Thierry Séchan, personnage atypique ayant milité à l’extrême gauche, avait accordé en 1993 un long entretien au mensuel très politiquement incorrect Choc du mois. Il était aussi intervenu à l’antenne de Radio Courtoisie et avait signé dans Minute.
Le n° 415 de la revue Faits & Documents (du 1er au 31 mai 2016), dans un portrait du chanteur Renaud, évoquait ainsi son frère Thierry Séchan :
(…) Comme un avertissement, dans l’entretien au Choc du mois (février 1993) auquel fait référence Globe, son frère Thierry Séchan avait expliqué être « anti-cons. Que parmi eux il y ait des juifs, je n’y peux rien. Mais je préfère, connaissant le climat de terreur qui règne aujourd’hui, ne rien dire à ce sujet. On m’a d’ailleurs prévenu qu’il ne fallait être ni pour, ni contre, qu’il ne fallait pas en parler. Sinon on n’est pas assez pour et on est toujours trop contre. » Né le 19 septembre 1949 à Paris XVe, il est dans la fratrie Séchan celui dont Renaud est le plus proche. Considéré comme l’intellectuel de la famille, Thierry Séchan a auparavant mis sa plume au service d’Elsa, Julien Clerc, Dick Rivers, Philippe Lavil, a retouché les paroles de la chanson pour l’Éthiopie, tout en accompagnant la carrière de son frère dans le lancement de son label de disques. Il a également pigé pour L’Humanité dimanche, fut un temps chargé de mission au conseil général de Seine-Saint-Denis, puis à partir de 1992, a publié une série de portraits humoristiques sur les chanteurs français, Nos amis les chanteurs, ainsi que plusieurs ouvrages biographiques consacrés à son frère. Comme Renaud, il a signé l’Appel des 250 contre le Front national en 1990, avant de s’émanciper de la tutelle trotskiste. On le retrouvera en effet au Club des Ronchons animé par l’écrivain Alain Paucard, n’hésitant pas à donner des entretiens à Minute, à passer sur Radio Courtoisie ou à s’engager pleinement contre l’intervention de l’OTAN au Kosovo en 1999 (avec Patrick Besson, Frédéric et Jean Dutourd, Gabriel Matzneff, Vladimir Volkoff, etc.).
Quand Renaud sombrera dans l’alcool, la dépression et la paranoïa au milieu des années 90, Thierry Séchan ira vivre chez son frère, en face de la Closerie des Lilas, dans l’appartement que le chanteur avait acheté en 1990 aux héritiers de Georges Besse, le PDG de Renault assassiné par Action directe en 1986. Tandis qu’assagi, Renaud affiche désormais son soutien aux Verts ou aux régionalistes, parraine les Amis de L’Humanité, voyage en Bosnie avec Philippe Val (1995) et chante à la fête de la LCR (juin 1996), le 5 mars 1997, Thierry Séchan publie un article en une de Minute, « Où sont passés les intellectuels de droite ? », dans lequel, s’adressant à Patrick Besson, il déclare :
« Comment peut-on aller avec moi à Pale [NDLR : en Bosnie], chez les plus vaillants défenseurs de l’occident chrétien et pantoufler chez Grasset dans l’ombre délétère d’un Lévy agonisant et d’un Bruckner bouffi de suffisance et d’imbécillité ? »
Le texte, qualifié de « diatribe nauséabonde » par Tribune juive (20 mars 1997) en raison de la référence à l’« occident chrétien » va déclencher un psychodrame chez les Séchan avec deux lettres publiées dans le courrier des lecteurs de Tribune juive (10 avril 1997). D’un côté, Thierry Séchan assure : « Je ne suis pas antisémite ! […] Je ne suis pas non plus antisioniste. Mai 68, le gauchisme, c’est fini », tandis que Nelly, au nom de ses deux autres sœurs, insiste pour « qu’aucun amalgame hâtif ou arbitraire ne soit fait au seul prétexte de mon nom […] ma vie a toujours été liée à mes convictions personnelles concernant la justesse de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et pour le respect fondamental des droits de l’homme […] mes sœurs se joignent à moi. » Encore en 2009, la journaliste du Nouvel Observateur Sophie Delassein (ancienne maîtresse de Georges Moustaki qui deviendra la compagne du journaliste et éditeur Yves Derai) rapportera des propos « off » de Thierry Séchan censés étayer l’éternel soupçon.
A propos de leur père, Olivier Séchan (1911-2006), Faits & Documents précisait également :
Petit-fils de pasteur, ce dernier, professeur d’allemand, écrivain et traducteur, reçut, en 1942, le prix des Deux Magots pour son roman Les Corps ont soif et participa, le 6 juillet 1943, au Xe congrès du Parti franciste de Marcel Bucard, organisé au Vélodrome d’hiver, alors qu’il officiait comme journaliste à Radio Paris, ce qui suppose un très net engagement en faveur de la Collaboration de la France avec l’Allemagne nationale-socialiste. C’est d’ailleurs à Radio Paris qu’Olivier Séchan rencontra sa future épouse, Solange Mérieux, qui y occupait un poste de secrétaire. Issue d’une famille ouvrière du Nord, cette dernière est la fille d’Oscar Mérieux, premier adjoint au maire communiste de Stains dans l’entre-deux-guerres qui, après avoir fréquenté les bancs de l’École léniniste internationale de Moscou, rejoignit en 1938 le Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot, écrivant dans L’Attaque, l’organe du PPF dans la région lyonnaise et se portant, sans succès, candidat à la députation dans la première circonscription de la Loire (Saint-Étienne). Pendant la guerre, Oscar Mérieux signera des éditoriaux dans Le Cri du peuple puis sera emprisonné un an à la fin de la guerre pour faits de collaboration. Sur le passé d’Oscar Mérieux, Renaud assure dans Le Choc du mois (juillet 2007) n’avoir appris son adhésion au PPF qu’à la sortie de Renaud, foulard rouge, blouson de cuir, etc. de Régis Chevandier (L’Harmattan, 2007). Il est par ailleurs envisageable que le rôle de son père dans la Collaboration, connu de longue date du Tout-Paris, ait pu servir de moyen de pression et de variable d’ajustement sur les engagements du chanteur…
Après la guerre, Olivier Séchan enseigne l’allemand au lycée Gabriel Fauré dans le XIIIe arrondissement de Paris, où Renaud passera son collège. Directeur de collection chez Hachette Jeunesse, il signe de nombreux ouvrages de littérature jeunesse publiés dans les Bibliothèques rose et verte : « Jeune, j’ai surtout lu Maupassant, Vian, Prévert, Céline, un peu et Drieu La Rochelle beaucoup ; de seize à dix-huit ans, Le Feu follet a été mon livre de chevet » explique Renaud dans Le Monde (23 janvier 1986).
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