Deux ordres ont sillonné les chemins austères et caillouteux des Royaumes d’Espagne ou de France, ceux des Principautés d’Italie comme du Saint-Empire Germanique, avec une vigueur intellectuelle et un élan du cœur incomparables : l’ordre dominicain et l’ordre des jésuites.
La splendeur médiévale défigurée par l’hérésie cathare et vaudoise fut le théâtre du rayonnement apostolique du premier. La si belle mais si troublante Renaissance fut le décor de l’hérésie luthérienne et calviniste contre laquelle se dressa la puissance spirituelle du second. Tous deux d’origine espagnole, castillane pour l’un, et basque pour l’autre, leurs fondateurs, Dominique de Guzman et Ignace de Loyola, serviteurs fidèles dans leurs lignages respectifs, devinrent les fidèles serviteurs d’un maître plus grand encore : Dieu lui-même ! Deux ordres dont la pauvreté matérielle imprime la marque de leur autorité spirituelle ; deux ordres dont la foi, soutenue par l’intelligence du verbe et la docilité de l’esprit, devient le creuset du savoir catholique et le glaive brandi contre l’hérétique. Tous deux servirent la sainte doctrine de l’Eglise et tous deux l’enseignèrent dans l’adversité la plus élevée. Doctrine et enseignement de la doctrine ; vérité du Verbe et Vérité par le verbe. L’Université devient dominicaine : Paris, Oxford, Cologne, Bologne… l’Ecole devient jésuite, elle émaille les territoires européens. Deux ordres gigantesques dans leur développement : à sa mort (1221), saint Dominique laisse des dizaines de couvents et des milliers de religieux (10.000 en 1303) ; à sa mort (1556), saint Ignace laisse plus de mille membres répartis dans douze Provinces, soixante-douze résidences et soixante-dix-neuf maisons et collèges.
Aujourd’hui les deux ordres ne sont point morts mais moribonds. Au surplus, ils sont mortifères. Leurs membres soufflent sur les braises de l’apostasie des peuples que les clercs du dernier Concile véhiculent dans un entêtement enthousiaste et souffrent donc de l’érosion des vocations. Ils vivent une foi dont le contenu s’est abîmé dans les méandres délétères du modernisme, excipe d’une raison humaine qui sourit à la faute en obombrant le mal qu’elle recèle. Le péché n’est plus péché. L’enfer devient une incongruité médiévale. Le purgatoire, une anomalie eschatologique, et le paradis, une évidence ou un boulevard pour tous.
Le drame, c’est que le modernisme triomphe à la tête de l’Eglise par la voix du Vicaire lui-même, entouré de ses plus proches conseillers. Le drame encore, c’est que le Pape François est un jésuite assisté d’autres jésuites, formant ainsi un cercle de jésuites qui affichent une infidélité totale au fondateur de l’ordre dont la discipline ascétique et la pureté doctrinale combattirent, répétons-le, l’hérésie.
On assiste à un retournement de la doctrine amplifié par une rigueur disciplinaire dans le retournement. A l’image du prêtre qui, dans l’outrecuidance liturgique, tourne le dos à Dieu pour se tourner vers les hommes, on côtoie l’hérétique, on lui sourit. On lui fait bonne mesure, on lui réserve des places dans le chœur des églises. On lui dresse une statuaire au Vatican, on lui produit une effigie postale, sans jamais lui suggérer d’embrasser la vraie doctrine parce que la doctrine catholique n’est plus la vraie. Imagine-ton saint Ignace faisant l’accolade à Luther et l’invitant à faire route commune ?
Il nous faut relire l’étude brillante de l’abbé Dominique Bourmaud, « Cent ans de modernisme », aux éditions Clovis, qui nous ouvre les clefs de la catacombe moderniste pour comprendre ce qui nous arrive. Pour comprendre que tous les pontifes morts, et issus du dernier Concile, sont aujourd’hui béatifiés (Paul VI) ou en voie de l’être (Jean Paul 1er) ou canonisés (Jean XXIII et Jean Paul II). Il nous faut détailler que tous les grands noms de la trahison théologique sont, en dehors du si peu abbé Alfred Loisy, des Jésuites et des dominicains. Citons-les : George Tyrell (jésuite) ; Pierre Teilhard de Chardin (jésuite) ; Henri de Lubac (jésuite) ; Jean Daniélou (jésuite) ; Karl Rahner (jésuite) ; Hans Urs Von Balthasar (jésuite) ; Marie-Dominique Chenu (dominicain) ; Yves Congar (dominicain). Plus proche de nous, Carlo Martini (jésuite) ; Antonio Spadaro (jésuite) ; Arturo Soza Abascal (jésuite)…
La litanie de ces anti-saints est accablante. Elle témoigne du désordre jésuite. Elle doit faire sursauter nos consciences, écarquiller nos yeux, nous tourner vers le confessionnal pour purger nos esprits de la lettre de ces mauvais esprits.
Avec force, la Fraternité Sacerdotale St Pie X doit reprendre l’oriflamme de la conquête des âmes. Elle doit entreprendre celui de la disputatio publique, de la lutte contre l’esprit de contradiction par l’affirmation acharnée du principe de non-contradiction dont on sait qu’il est la clef de voûte de notre sainte religion. Il lui faut, lors du prochain chapitre, porter à sa tête un homme de la trempe d’un saint Dominique ou d’un saint Ignace, une intelligence capable de heurter l’ennemi par le verbe, par la fougue de la démonstration thomiste, par la sagesse de la foi révélée.
Il lui faut un saint Paul admonestant publiquement un saint Pierre, afin que tous deux, à la fin, puissent être couronnés de la palme du martyre !
Gilles Colroy
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