Dans les conflits, qui s’apparentent à des guerres civiles avec une implication de la force internationale, on voit comme habituellement ils prennent aussi une dimension sémantique. On le retrouve ainsi dans l’utilisation du terme « terroriste » que ce soit du côté des médias ou des politiques. On a deux dimensions différentes avec la guerre en Syrie et les événements en Ukraine.
Au début du conflit syrien, les médias nous dépeignent deux camps qui s’affrontent : le régime syrien tyrannique d’Assad et les combattants pour la démocratie, qui forment bientôt l’ASL. Au fur et à mesure, la situation change avec l’apparition de djihadistes du front Al-Nosra à l’Etat islamique en Irak et au Levant. Pendant un certain temps, on a voulu minimiser mais il apparait désormais clairement que ces forces ont un poids très important, ouvrant un troisième front. On ne peut plus l’ignorer mais c’est bien gênant. En effet, cela favorise Assad face aux exactions djihadistes et aux attentats suicides. Du coup, on a un changement de discours. On ne retrouve pas plus tard que le 21 avril, un article du Monde intitulé : « le calvaire des otages conforte Assad dans sa théorie anti-terroriste ». Assad utiliserait le terme terroriste pour discréditer la révolution syrienne, mélangeant modérés et extrémistes. Le fait que les otages français aient été retenus par des djihadistes, qui plus est des ressortissants français, ne va redorer l’image d’une révolution syrienne démocratique. C’est bien pour ça que désormais, les accusations vis-à-vis du président syrien ont changé. Ce dernier aurait des connivences avec les djihadistes, mieux il les aurait favorisés pour se maintenir au pouvoir et pour ainsi se donner une meilleure image surtout à une époque où le terrorisme est devenu une peur frénétique et mondiale des pays occidentaux.
Dans les événements ukrainiens, le langage est différent. On n’a pas manqué de louer les manifestants démocratiques de la place Maïdan, oubliant de jeter son regard sur le poids des manifestants nationalistes et néo-nazis. On voulait que cette révolution soit belle et sans tâche face au tyran Ianoukovitch, qui tirait à balles réelles sur son peuple. Cependant, ce qu’on n’avait pas prévu, c’est que le nouveau pouvoir soit considéré illégitime par les provinces russophones de l’Est, qui ont appelé la Russie. On ne reviendra pas sur les accusations des puissances occidentales sur le rôle de la Russie dans les agitations de ces provinces, comme si elles n’avaient rien fait pour soutenir celles de la place Maïdan. Les russophones ont occupé les bâtiments publics pour protester. Ils ont été alors présentés comme des terroristes ou des activistes, terme qu’aucun politique occidental n’a voulu contredire. Si les médias continuent de mettre des guillemets au terme terroriste, aucun ne relève que le nouveau pouvoir ukrainien s’en sert pour discréditer ces nouveaux manifestants, qu’il a lui-même suscité. On peut dire que ce sont des révoltés ou des séparatistes mais de là à employer le terme terroriste, cela semble plus qu’un peu fort. Notons seulement que certains ont pointé du doigt le manque de fiabilité de photos présentés par le pouvoir ukrainien comme des preuves de l’implication des forces russes. La propagande bat son plein et des deux côtés.
Le terme « terroriste » est devenu un terme de plus en plus employé pour désigner son adversaire, dans le but de se faire une « virginité ». Personne n’a oublié le traumatisme du 11 septembre et il reste gravé dans toutes les mémoires. Cependant, on remarque que les médias sont beaucoup plus indulgents suivant le côté qui emploie ce terme alors que dans le cas Assad, il ne fait aucun doute de leur présence tandis que le pouvoir ukrainien est dans une opération de discrédit avéré.
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