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Criminalité aux Philippines : les défis du président Duterte

Rodrigo Duterte, 72 ans, dirige la République des Philippines depuis le 30 juin 2016. Sa campagne présidentielle et l’essentiel de sa communication en tant que chef d’État sont axés sur la sécurité et la lutte contre la criminalité qui gangrène le pays.

Sur une échelle de 1 à 8 établie par Global Peace Index, les Philippines sont à 5, ce qui signifie un taux de criminalité violent. Manille est selon plusieurs ONG la ville la plus dangereuse au monde : plus de cent homicides sont comptabilisés par jour, et autant de disparitions. Les agressions et vols se compteraient aussi par centaines. Les Philippines sont aussi l’un des pays les plus touchés par le trafic d’organes : chaque année, près de 8000 Philippins seraient obligés de vendre leur rein pour subvenir à leurs besoins, un business mafieux dont les autorités et certaines ONG ont longtemps été complices voir instigatrices…

Le problème le plus préoccupant aux Philippines est toutefois le trafic et la consommation de la drogue qui rongent le pays.

Dès son arrivée au pouvoir, le président a donc engagé une véritable « guerre contre la drogue », appelant les citoyens (armés, pour la plupart) à abattre les dealers et trafiquants de drogue, en leur promettant non seulement l’impunité judiciaire mais aussi une récompense. Des milices se sont très tôt formées et ont commencés à rendre cette forme de justice populaire au mépris des nombreuses supplications formulées en vain par les autorités catholiques du pays.

Un an de guerre contre la drogue et 12 000 morts plus tard, le bilan est compliqué. Selon les statistiques gouvernementales publiées en septembre 2017, la criminalité aurait baissé de 30% si bien que le président a annoncé « une pause » dans sa guerre anti-drogue à la fin de l’année 2017.

On ne peut toutefois mesurer avec fiabilité la véracité des statistiques gouvernementales. Le trafic d’organes semble toujours vivace puisque selon les chiffres de l’OMS, 10 000 Philippins auraient « consenti » à vendre leur rein durant l’année 2017. Quant au trafic de drogue, il n’y a pas non plus de bilan définitif : l’extrême sévérité du président ne semble pas avoir dissuadé les trafiquants les plus téméraires. Pour preuve, Pulong Duterte, fils du président, est à son tour inculpé de trafic de drogue. Il ne peut compter sur la clémence paternelle, le président ayant promis de le tuer de ses propres mains s’il s’avérait coupable…

Comment expliquer ce bilan mitigé du président Duterte, malgré la radicalité de ses mesures? Il faut sans doute en partie regarder du côté des forces de l’ordre et de la justice. Selon le classement 2017 établi par Transparency International, les Philippines se classent 129èmes sur 176 en matière de corruption.

De fait, policiers, juges et élus sont sinon complices du moins témoins tacites des nombreuses infractions à la loi quand ils n’y trempent pas eux-mêmes. En 2017, un maire soupçonné de trafic de drogue a ainsi été tué par la police. Or, il s’est par la suite avéré que le chef de la police était lui-même impliqué dans le trafic et qu’il avait profité de la croisade anti-drogues du président pour se débarrasser d’un concurrent gênant. Quant aux nombreuses milices anti-drogue qui se forment, elles sont souvent composés de membres de cartels qui s’affrontent désormais sous couvert d’assurer l’ordre public.

Si sévère qu’elle ait été, la campagne présidentielle pour éradiquer la drogue et ramener l’ordre public semblent donc être un demi-succès.

Nicolas Kirkitadze

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