Lors du rite de couronnement de Charles III d’Angleterre, le moment le plus sacré fut bien le « sacre », c’est-à-dire l’onction du nouveau roi avec l’huile »sainte » que l’on nomme le chrême. Ce sacre fait le roi pleinement, roi d’origine divine, conception si étrangère aux mentalités modernistes contemporaines. En ces temps d’apostasie, et de déchristianisation totale, il est intéressant de s’arrêter sur les origines et la théologie sous-jacente au rite du couronnement, aux racines si éminemment catholiques.
Le couronnement de Charles III : les origines catholiques du rituel du sacre
L’historien américain, catholique traditionaliste et monarchiste, Charles Coulombe s’est penché en plusieurs articles sur cet aspect catholique du sacre des rois d’Angleterre. L’Eglise d’Angleterre pour le sacre de ses rois et reines a gardé tout un antique rituel, basé sur une liturgie catholique du Xe siècle, correspondant à une « conception catholique médiévale de l’institution » monarchique :
« En plus de ses fonctions plus terrestres, ce type de monarchie avait un caractère semi-sacerdotal. Car tout comme l’autorité papale et impériale était considérée comme d’origine divine, la royale l’était aussi. »
Pour conférer ce caractère semi-sacerdotale au cours du rite du couronnement avait lieu « l’onction d’huile sainte (…). Si le couronnement lui-même n’était généralement pas tenu pour conférer la royauté, il semblait néanmoins nécessaire que le personnage royal en jouisse de la plénitude des grâces. (…) Ce couronnement était si important qu’il était souvent appelé le huitième sacrement. »
« La forme exacte variait d’un pays à l’autre (…) mais les éléments généraux étaient similaires. Le roi était généralement couronné par le primat, premier évêque de son pays (Canterbury pour l’Angleterre, St. Andrews pour l’Ecosse, Reims pour la France, Toledo pour la Castille, etc.). Il était oint, généralement sur la tête, les mains et les omoplates, au moins, avec de l’huile sainte, et il serait présenté à son peuple. Les grands laïcs et ecclésiastiques de son royaume rendaient hommage et la foule criait des acclamations. De tout cela, cependant, c’était l’onction qui était considérée comme la plus essentielle. »
Tout ceci a bien eu lieu lors du « sacre » de Charles III.
Le privilège d’oindre les rois tire son origine dans « l’onction de Saül comme roi d’Israël par le prophète Samuel », préfiguration de la royauté chrétienne
« L’huile des catéchumènes, largement utilisée lors des baptêmes, est celle qui était généralement utilisée lors des sacres » rappelle Charles Coulombus, « mais le chrême est encore plus précieux que l’huile, fait comme elle est avec du baume. Il est et a été utilisé pour la consécration des évêques, des calices et des autels, pour la bénédiction des cloches et pour la dédicace des églises. Il était considéré comme la substance la plus noble de l’arsenal de l’Église. »
Si les Empereurs étaient oints, les rois de France le furent aussi avec le chrême d’une ampoule apportée par le Saint-Esprit pour le baptême et le couronnement de Clovis comme roi des Francs en 496.
Quelques autres nations obtinrent, par la suite, ce privilège d’oindre leurs rois, comme le Royaume de France, avec le saint chrême :
« Il a été concédé à l’Angleterre et à la Sicile depuis des temps immémoriaux, et au royaume latin de Jérusalem comme le royaume de Notre-Seigneur lui-même. Enfin, le pape Jean XXII a accordé le même privilège aux rois d’Écosse, en échange d’un serment d’extirper l’hérésie du pays étant ajouté au rituel du couronnement là-bas. En conséquence, ces quatre rois se considéraient comme les premiers de la chrétienté. »
Cette onction sacrée tire son origine dans « l’onction de Saül comme roi d’Israël par le prophète Samuel » qui « était considérée comme une préfiguration de la royauté chrétienne – d’autant plus que l’onction faisait déjà partie de la structure sacramentelle de l’Église ».
Le rituel entier était consigné dans le Pontifical Romain « jusqu’à ce qu’il soit purgé par Jean XXIII en 1962, avec les rituels de couronnement des rois, d’adoubement des chevaliers, de remise de la croix aux croisés, et bien d’autres belles choses ».
Démocratie et aggiornamento obligent, Jean XXIII en 1962 a supprimé du Pontifical Romain le rituel du couronnement et du sacre des rois
Outre-Manche, cet antique rituel a été préservé. Charles III a été conduit jusqu’à l’abbaye de Westminster. À l’intérieur de l’église, se trouvaient des trônes, dont l’un est la célèbre chaise de couronnement, sous le siège de laquelle repose la pierre de Scone, même si l’authenticité en est contestée, sur laquelle les premiers rois écossais avaient été couronnés. Sous les voûtes gothiques de l’Abbaye ont retenti, le chant du Veni Creator, le Te Deum, l’Alleluia, le serment du roi, la lecture de l’Epitre, de l’Evangile, la récitation du Credo, le service de ‘’communion’’ anglicane.
Pour préserver l’intimité de ce moment le plus sacré du rite, eut lieu, à l’abris des regards, derrière des tentures brodées, l’onction du roi avec le chrême par l’ ‘’archevêque‘’ de Canterbury Justin Welby, sur les mains, la poitrine, entre les omoplates, sur les épaules, sur les coudes et sur la tête ; le chrême, qui n’est plus saint en raison de l’hérésie anglicane, a été fabriqué à partir d’olives récoltées sur le mont des Oliviers à Jérusalem et ‘’consacrés » par le patriarche orthodoxe Théophile III de Jérusalem.
Après l’onction, le roi fut revêtu de la tunique dorée, semblable à une dalmatique, d’une Supertunica, et du Manteau impérial tout tissé d’or, tous évoquant les vêtements liturgiques sacerdotaux des cérémonies catholiques.
Puis vint la remise des Regalia : les éperons, l’épée, les armilles, l’étole royale, l‘orbe crucigère qui représente le pouvoir spirituel du souverain, la bague symbole de l’alliance entre Dieu et le roi, le roi et le peuple, le gant, le sceptre avec croix représente le pouvoir temporel du souverain et le Bâton de l’Équité et de la Miséricorde avec la colombe. Lorsqu’il a été correctement investi, la couronne de Saint-Édouard a été placée sur sa tête par l’‘’archevêque‘’ de Canterbury.
Ensuite, les évêques et les nobles ont intronisé leur roi, tandis que l’on chantait le Te Deum. Après cela, la reine fut couronnée, puis la ‘’messe‘’ propre à l’occasion chantée. La ‘’messe‘’ terminée, le roi et la reine furent réhabillés et d’autres couronnes furent placées sur leurs têtes par l’archevêque pour la sortie.
Le couronnement anglais reste à peu près le même aujourd’hui qu’aux temps catholiques mais ce rite a été abandonné dans les royaumes catholiques et au Vatican
« Le couronnement anglais reste à peu près le même aujourd’hui » qu’aux temps catholiques « bien qu’à la Réforme il ait été traduit en langue vernaculaire et les serments changés (…) ce qui, pour les catholiques pourraient être considérés comme conférant à la cérémonie britannique une signification que d’autres couronnements protestants n’auraient peut-être pas » souligne Charles Coulombus.
« La forme a survécu, cependant, longtemps après le départ de l’esprit. Mais l’ère de la Révolution et de la « Démocratie » a même condamné cela », au XIXe et XXe siècles, les rois européens abandonnant les uns après les autres le rite du couronnement et son onction sacrée. (…) « Enfin, et le plus tragiquement, en 1978, le pape Jean-Paul Ier a également décliné le magnifique et traditionnel couronnement papal, une décision répétée plus tard cette année-là » par Jean-Paul II. « Ainsi, continue l’historien américain, le rite fut abandonné au sein même de la religion qui lui avait donné naissance. »
« Nous sommes donc confrontés au paradoxe selon lequel le rite de gouvernance le plus catholique n’est préservé aujourd’hui qu’en Grande-Bretagne et dans le Commonwealth. »
Se pourrait-il qu’un jour l’on voit les anciennes nations catholiques et le Saint-Siège lui-même renouer avec leur passé, la traditionnelle grandeur liturgique du rite du sacre et du couronnement de leurs rois et du pape préservée de l’autre côté de la Manche ? Les voies de Dieu sont insondables.
Francesca de Villasmundo
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